La nouvelle loi sur les associations consacre "l’hégémonie du pouvoir"

Les députés votent mardi une loi sur les associations dans le cadre des réformes lancées par la présidence mais le projet est accusé par des militants des droits de l'homme et des responsables islamistes de renforcer le contrôle du pouvoir sur la société civile.
Après la presse, c’est aux associations de subir la douche froide des réformes politiques lancées par le président. La nouvelle loi a réussi à faire le consensus contre elle. Hormis les députés de l’alliance et le PT, éternels soutiens au pouvoir, les associations qui activent dans le social, l’humanitaire et le religieux sont vent debout contre cette nouvelle loi les concernant.
Les financement étrangers pointés du doigt
Le nouveau projet qui vient réviser la loi de 1990 prévoit, pour la première fois, des dispositions sur la création d'associations étrangères pour "combler un vide juridique" en Algérie où elles étaient jusqu'à présent "tolérées" mais pas "interdites". Ce projet conditionne la création d'une association étrangère à la conclusion par son pays d'origine d'une convention avec l'Algérie. Le ministre de l'Intérieur est habilité à leur suspendre ou à leur retirer l'agrément en cas d'"ingérence dans les affaires internes de l'Algérie". Décodé, plus d'argent venant de l'étranger pour les associations. Le régime y voit une menace.
"C'est une loi restrictive destinée à contrôler l'activité des associations", a estimé Kheiredine Abbas, président de la section algérienne d'Amnesty International. "L'administration veut avoir un œil sur les finances des associations. Avec ce texte beaucoup d'associations vont disparaître dont Amnesty International et les associations d'aide aux malades, qui vivent des subventions venant de l'étranger", a-t-il ajouté. A l’image des partis de l’alliance présidentielle, le Parti des travailleurs veut aussi faire interdire aux associations de bénéficier de financements étrangers.
"Régime particulier" pour les associations religieuses
Le gouvernement a également décidé de soumettre les associations à caractère religieux à un "régime particulier", ce qui a soulevé l'ire des députés islamistes. "Pourquoi les associations religieuses ont-elles besoin d'un régime particulier ?", s'est interrogé Amine Allouche membre du groupe parlementaire du "changement" (dissidents du Mouvement de la société pour la paix). Il faisait référence à la simple nécessité pour les associations civiles d'introduire un dossier d'agrément auprès des autorités.
D'autres députés islamistes jugent que ce projet renforce "l'hégémonie de l'administration sur la société civile" et contrarie les réformes politiques promises en avril par le président Abdelaziz Bouteflika. "Ce projet de loi n'est qu'une pâle copie des réformes attendues par les Algériens", a estimé Fillali Aouini, du Mouvement de la réforme nationale (MRN, islamiste).
Selon le ministre de l'Intérieur Dahou Ould Kablia, l'Algérie compte 90.000 associations dont "1.000 seulement sont présentes sur le terrain à l'échelle nationale, les autres étant des associations locales ou de quartier". "La moitié a cessé ses activités ou ne se manifeste qu'occasionnellement", a-t-il justifié jugeant que les "failles" de l'ancienne loi ont ainsi permis "la création d'une pléthore d'associations ne réunissant pas les conditions légales".
Le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme Hocine Zahouane, qui avait participé à la rédaction de l'ancienne loi, a estimé que le texte de 1990 "garantissait mieux les libertés". Hocine Zehouane a appelé à un "front" contre le texte "qui va conduire le pays dans une impasse".
Yacine K./AFP
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