La présidence veut-elle vraiment lutter contre la corruption ?

Le président Abdelaziz Bouteflika.
Le président Abdelaziz Bouteflika.

Le président Abdelaziz Bouteflika a signé un décret organisant la lutte contre la corruption dans le pays, a annoncé la présidence jeudi.

Depuis quelques années, les scandales financiers avec un préjudice chiffré en millions de dollars se sont multipliés d'une façon ahurissantes. Rien, ni les rares procès instruits qui finissent en eau de boudin, ni les lampistes arrêtés n'ont découragé ce terrible phénomène qu'on appelle la corruption à proliférer en Algérie. Alors ce décret, publié la veille de la journée mondiale des nations unies contre la corruption et portant composition, est-il une opération de marketing politique pour réhabiliter l'image du pouvoir ternie par notamment le rapport de Transparency international ? La concomittance des événements le laisse en tout entendre.

L'Office central de répression de la corruption (OCRC) est chargé d'effectuer sous la direction du Parquet, des recherches et des enquêtes en matière de délit de corruption. Il disposera d'officiers de police judiciaire dont la compétence s'étend à tout le territoire algérien. En parallèle, Bouteflika a également demandé au gouvernement de "faire aboutir, à brefs délais", le programme de coopération entre l'organe de prévention de la corruption et les instances compétentes de l'Union européenne.

Le texte "à été impulsé par la directive présidentielle du 13 décembre 2009 chargeant le gouvernement de mettre en place une batterie de mesures dans ce domaine (renforcement des instruments de lutte contre les différentes formes d'atteinte à la richesse économique de la nation, y compris la corruption)" écrit le communiqué de l'APS. En clair, il a fallu deux ans pour se décider à juste signer le décret de création de ce fameux Office. Combien faudra-t-il de temps au citoyen pour voir l'OCRC opérer sur le terrain pour annihiler la maffia qui ponctionne systématiquement sa part de gâteau sur tous les projets ?

Avant qu'il soit moral, le problème de la corruption est politique. Il est dans le président et son entourage cités dans des affaires de d'enrichissement rapide et de corruption, sans que personne ne s'en explique. Il est dans le discrédit qui entache, plus généralement, les étages du pouvoir. Il est également dans cette assemblée "croupion", qui n'est là que pour dire "oui" au président et son gouvernement, incapable de mettre en place une commission d'enquête en vue d'instruire la justice. Et enfin, le problème dans cette justice aux ordres qui n'obéit justement pas à la moral politique mais au pouvoir politique qui gouverne notre pays. Cette justice instrumentalisé tellement de fois qui a broyé d'honnêtes citoyens, blanchi les ripoux.

Aussi, la création de cet office risque de n'être qu'un effet d'annonce. Autrement, il y avait une cour des comptes, qui faisait bon an mal an son travail quand le gouvernement lui laissait le champ libre, pourquoi le président l'a dissoute ? Là encore, certains y ont vu un vieux contentieux entre Bouteflika et cette dernière.

Le rapport de Transparency contesté

Un haut responsable du ministère de la Justice a contesté le dernier rapport de Transparency international qui a placé l'Algérie à la 112e position sur 183 pays classés du moins au plus corrompu. "Si (l'Algérie) a été épinglée par Transparency International, ce n'est pas à cause du manque de performances de l'institution judiciaire ou des services en charge de la lutte contre la corruption. Il s'agit beaucoup plus d'une suspicion de corruption. Le phénomène n'est pas quantifié en Algérie", a déclaré Mokhtar Lakhdari, directeur des affaires pénales au ministère de la Justice à la radio publique francophone. Pourtant la presse nationale publie presque chaque semaine des enquêtes concernant des responsables ayant trempé dans des détournements ou des affaires de corruption en général, sans que la justice ne se soit un jour mise en branle. Ni que les services quelconque fasse une enquête.

Parlons simplement. Tous les Algériens savent comment ont fini les procès de grande corruption qui ont marqué la dernière décennnie. Celui du Groupe Khalifa est le plus emblématique. Qui sont ceux qui ont été mis en prison ? Des seconds couteaux, des petites frappes de cette énorme escroquerie du siècle. Rappelons-nous enfin les affaires qui avaient éclaboussé la Sonatrach et le ministre de l'Energie, Chakib Khelil. Eu égard aux pertes causées, qu'en a fait la justice ? Elle a distribué deux ans de prison pour un ancien dirigeant, un an pour un autre. Mais aucune charge, ni enquête concernant le ministre n'a abouti.

Bien entendu, l'Algérie a signé, comme tous les régimes africains réputés corrompus, la convention des Nations unies sur la corruption. Mieux, elle a introduit dans sa législation en 2000 l'enrichissement illicite, mais entre les textes et le terrain, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Yacine K

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Commentaires (9) | Réagir ?

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Kacem Madani

S'attendre à ce que Boutéflika, le roi des corrupteurs, s'attaque à la corruption, c'est espérer de la mafia calabraise qu'elle s'attaque à sa propre sève, à son oxygène, à sa raison d'être ! Toutes ces agitations n'ont qu'un seul et unique but, celui de réorganiser la corruption en haut lieu et en dissimuler les contours autant que possible.

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ali Foughali

C'est se faire hara kiri. Il faut d'abord commencer par la Présidence.

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