Les marins du "MV Blida" : les pirates ont reçu un sac d'argent

Les marins algériens reconnaissent avoir vu les pirates somaliens recevoir de l'argent.
Les marins algériens reconnaissent avoir vu les pirates somaliens recevoir de l'argent.

Menaces de mort, manque de nourriture, eau impropre à la consommation, tel était le quotidien des marins du "MV Blida", otages de pirates somaliens pendant dix mois.

Dix-sept Algériens, six Ukrainiens, deux Philippins, un Jordanien et un Indonésien constituaient l'équipage du vraquier "MV Blida" au moment de son arraisonnement le 1er janvier, avant d'être relâchés le 3 novembre, sauf pour un Ukrainien et un Algérien libérés à la mi-octobre pour raison de santé.

"Au départ, nous avions peur d'un assaut meurtrier. Après, ils nous tuaient chaque jour psychologiquement", raconte Mohamed Aït Ramdane, un machiniste de 55 ans, dont 31 dans la marine marchande. Vêtu d'un survêtement noir, très amaigri, M. Aït Ramdane a des difficultés à raconter son calvaire. Très digne, le machiniste du "MV Blida", entouré de sa famille dans son appartement de Hadjout (70 km à l'ouest d'Alger) évoque l'arraisonnement.

"Les Somaliens étaient à bord d'un bateau tunisien, "Hannibal" (capturé et libéré depuis), doté de trois canots à moteur". Entre 20 et 30 pirates montent à bord lourdement armés et commencent par couper la radio et le radar, selon différents témoignages. Un autre marin, Smaïl Kahli, 61 ans, effectuait son dernier voyage avant la retraite après 42 ans dans la marine marchande. "J'ai pensé à ma petite-fille Maram âgée aujourd'hui de 20 mois quand les pirates nous ont pris en otage", se souvient-il.

L'équipage est retenu à bord du "MV Blida" durant les dix mois de captivité mais le navire change de place à plusieurs reprises, selon les témoignages.

Ils étaient très maigres, les yeux rouges, en pagnes ou en tenue militaire. "Le soir, les pirates mâchonnaient leur khat, buvant beaucoup de thé. Arabophones, ils préféraient s'exprimer en anglais et étaient souvent ivres", disent les marins. Une torture lente : "Nous avions droit à des menaces quotidiennes. C'était une torture lente", raconte par téléphone depuis l'ouest algérien Ahmed Benmoussa, 53 ans, marin depuis 31 ans.

"Ils m'ont frappé ainsi que d'autres collègues parce qu'ils avaient appris qu'on avait caché du gasoil", explique M. Aït Ramdane. Ils avaient été "vendus" par un camarade qu'il refuse de condamner : "Soumis à une véritable torture psychologique, on finit par craquer", explique-t-il.

Si l'armateur ne paye pas...

"Il nous arrivait de rester trois ou quatre jours sans manger et quand on avait de quoi se nourrir c'était du riz ou des spaghettis, de très rares fois de la farine pour préparer du pain. Nous avons eu droit parfois à de la viande de brebis. L'eau était impropre à la consommation, on y ajoutait du chlore pour la boire", affirment plusieurs marins.

Les piratent disaient "si l'armateur de paie pas, on vous jette à El Ramla, un désert où il est impossible de survivre", raconte M. Aït Ramdane. "Hamdoullah, c'est fini", soupire-t-il en affirmant qu'il ne "reprendra plus la mer".

Les marins estiment avoir été échangés contre de l'argent. "Le jour de notre libération, le chef des pirates est venu avec près de 150 hommes. Un avion a parachuté un sac plein d'argent", raconte M. Kahli. "Le chef des pirates est monté sur la passerelle avec le commandant de bord ukrainien et tous deux ont compté l'argent", une somme que M. Kahli déclare ignorer.

Des marins de cinq nationalités différentes étaient sur le "MV Blida". A l'annonce de leur libération, le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères Amar Belani a affirmé que l'Algérie n'avait payé aucune rançon. "L'Algérie a une position doctrinale immuable et connue", a-t-il déclaré. Elle "ne verse pas de rançon et condamne fermement cette pratique, qu'elle soit le fait des Etats ou d'organismes parapublics ou privés". L'Algérie milite pour la "criminalisation du paiement des rançons" par l'ONU. Si Amar Belani dit vrai quelqu'un d'autre a payé pour libérer les marins algériens. Et celui-ci ne peut donc être que l'affréteur jordanien. Ce que n'ignore pas l'Algérie. Elle a sans doute laissé faire pour voir les marins libérés. Par ailleurs, le site internet Somalia Report a évoqué le payement d'une rançon de 3,5 millions de dollars en cash, ce qui corrobore les propos des marins algériens.

Yacine K./AFP

Lire également : Les 25 marins otages de pirates somaliens libérés

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Commentaires (2) | Réagir ?

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oziris dzeus

La chakara régle tout, alors tout est réglé par la chakara. tu vas à la Mecc? La chakara. Tu vas en Europe ? la chakara. Tu vas au Sénat ? La chakara. Tu vas au parlement ? La chakara, tu vas au ministere ? La chakara. etc.. et puis tu veux rentrer chez lui aprés un piratage? La chakara. Tu veux pas aller en prison? la chakara, quelqu'un veut t'envoyer en prison? La chakara. La chakara est un bagage nécessaire pour voyager et se déplacer dans tous les sens en Algérie. Pour les démentis....

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R A M E S S E S II

J'ai peur qu'un jour les porte-parole des différents ministères vont discourir la vérité, personne ne va les croire à force de mensonge en millefeuilles.

Amar Belani a affirmé que l'Algérie n'avait payé aucune rançon. "L’Algérie a une position doctrinale immuable et connue",

Je ne comprends pas cette position hypocrite de l'Algérie, comment peut-on criminaliser les rançons ?

J'ai tourné le sujet mille fois dans ma tête, même avec des mathématiques appliquées je n'ai pas trouvé de solutions, Amek Y a Boured,

La vie de chien a plus de valeur que celle d'un Algérien. Ammar Belani, vous insultez l'intelligence, il n'y a pas d'autres façons, tiens, vous pouvez mettre une puce géolocalisée, vous donner l'argent et vous envoyez vos ninjas pour les récupérer par la suite. Maintenant la facture va être salée, 17 marins à prendre en charge le restant de leur vie, vous avez calculé le coup ou pas, de toute façon ces gens sont traumatisés à vie et seront malades le reste de leur vie.

La sécurité sociale va les prendre ne charge pendant 20, 30 et même 40 ans, vous voyez que laisser pourrir les choses n'est pas toujours à votre avantage. 3, 5 millions ce n'est rien devant les milliards qu'on jette dans le béton, ou la macadam, et surtout une chose des services secrets utilisent ces mêmes pirates pour contrôler des navires soupçonnés de trafics d'armes par certains pays je ne dirais pas qui, il y a la bas des flottilles de pirates avec des drapeaux.

Dahmane