Syrie : plus de 70 morts, le régime d'Al-Assad plus que jamais isolé

Honni par le peuple, le président syrien continue sa politique de répression aveugle.
Honni par le peuple, le président syrien continue sa politique de répression aveugle.

Plus de 70 civils et militaires ont péri dans les violences en Syrie dans l'une des journées les plus meurtrières depuis le début il y a huit mois de la contestation populaire que le régime de Bachar Al-Assad reste déterminé à mater malgré son isolement croissant.

Lundi, 27 civils ont été tués par les forces de sécurité et 34 soldats et 12 déserteurs présumés sont morts lors d'accrochages armés, a indiqué une ONG syrienne de défense des droits de l'Homme, à la veille d'une réunion extraordinaire de la Ligue arabe censée entériner la suspension de la Syrie. Un militant des droits de l'Homme a dit craindre de voir le régime Assad "amplifier sa répression sanglante" contre les manifestants pro-démocratie, après la nouvelle position de la Ligue arabe qui a également menacé Damas de sanctions économiques.

Alors que la révolte entrait dans son 9e mois mardi, la violence a continué avec une attaque de déserteurs qui ont tué cinq militaires à Deraa (sud) et des accrochages à Idleb (nord-ouest) dans lesquels "14 soldats sont morts ou blessés", a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Dans l'une des journées les plus sanglantes depuis le début de la contestation le 15 mars, "23 civils ont été tués lundi à Deraa par des tirs des forces de sécurité postés à des barrages" et quatre autres ont été tués à Homs (centre), un haut lieu de la contestation, selon l'OSDH.

A Deraa également, "34 soldats ont péri lors d'affrontements avec des hommes armés, vraisemblablement des déserteurs, dont 12 sont morts", a ajouté l'ONG en précisant le bilan risquait de s'alourdir en raison de l'état grave d'un grand nombre de blessés. Il n'était pas possible de confirmer ces bilans de source indépendante, les médias étrangers étant interdits de circuler librement en Syrie où la répression de la contestation a fait 3.500 morts, selon l'ONU. Outre les manifestations pacifiques appelant à la chute du régime, les accrochages armés entre déserteurs et soldats se sont multipliés depuis plus d'un mois, et le nombre de soldats tués a augmenté, faisant craindre à plusieurs observateurs que le pays ne sombre dans la guerre civile.

Le régime Assad, sourd aux appels internationaux et régionaux à cesser la répression, ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation et affirme lutter, depuis le début de la révolte, contre des "gangs terroristes armés" accusés des violences et de chercher à semer le chaos en Syrie. Il se retrouve de plus en plus isolé après avoir été lâché par ses pairs arabes qui l'ont accusé de ne pas respecter ses engagements d'appliquer un plan arabe prévoyant le retrait des forces armées des villes et la libération des manifestants arrêtés. Mais le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem, dénonçant la position de la Ligue arabe, a affirmé que son pays "ne fléchira pas et sortira plus fort" en assurant que "les complots ourdis contre la Syrie échoueront".

Mercredi, jour où la suspension de la Syrie des travaux de la Ligue arabe devient effective, une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères se tiendra à Rabat pour entériner cette décision votée le 12 novembre par 18 des 22 membres de la Ligue arabe. L'organisation panarabe a aussi indiqué étudier désormais un "mécanisme de protection des civils" et souhaite l'envoi de 500 membres d'organisations arabes des droits de l'Homme, de médias et des observateurs militaires dans le pays.

Le roi de Jordanie apppelle Al Assad à quitter le pouvoir

Allant plus loin, le roi Abdallah II de Jordanie a appelé M. Assad à "quitter le pouvoir", devenant le premier dirigeant arabe à lancer un tel appel. Après ces déclarations, une centaine de personnes ont manifesté devant l'ambassade de Jordanie à Damas lundi soir, selon l'ambassadeur Omar al-Amad. Certains ont fait irruption dans la cour externe de l'ambassade déchirant et emportant le drapeau jordanien.

Plusieurs ambassades arabes, turque et occidentale avaient été saccagées par des manifestants après la décision arabe de suspendre la Syrie et M. Mouallem a dû présenter les "excuses" de son pays. Parallèlement, l'Union européenne a étendu ses sanctions contre le régime syrien à 18 personnes, essentiellement des militaires, et a décidé de geler des prêts européens dans le pays.

Les Etats-Unis se sont félicités d'un "renforcement du consensus contre Assad", mais la Russie et la Chine, des alliés du régime syrien, bloquent toujours toute action au Conseil de sécurité de l'ONU. Le roi Abdallah II de Jordanie a été lundi le premier dirigeant arabe à appeler le président Bachar al-Assad à "quitter le pouvoir" en Syrie où une quarantaine de civils et membres des forces du régime ont encore été tués.

"Si j'étais à sa place, je quitterais le pouvoir", a dit le roi de Jordanie, pays voisin de la Syrie, dans une interview à la BBC. "Si Bachar avait à coeur l'intérêt de son pays, il devrait démissionner, mais il devrait aussi créer les conditions nécessaires pour une nouvelle phase de la vie politique syrienne", a-t-il ajouté.

Pendant ce temps, seize civils et au moins 19 membres des forces du régime ont péri dans la région de Deraa, dans le sud de la Syrie, a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Selon cette ONG, basée en Grande-Bretagne, les civils ont été tués par des tirs des forces de sécurité, alors que les membres de l'armée régulière et des forces de sécurité ont été abattus par des déserteurs présumés lors d'affrontements. Deux autres civils ont péri "lors d'échanges de tirs et de pilonnage aux mitrailleuses lourdes à Jobar" dans la ville assiégée de Homs (centre), selon cette ONG.

Lors d'une conférence de presse, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem a pourtant estimé que le pays se "dirige(ait) vers la fin de la crise".

Il a d'ailleurs vivement réagi à la décision de la Ligue arabe de suspendre Damas de ses travaux, qui constitue selon lui "un pas dangereux".

La Syrie "paie le prix de ses positions fermes" mais elle "ne fléchira pas et sortira plus forte", a-t-il ajouté, assurant que "les complots ourdis contre la Syrie échoueront".

Samedi, la Ligue arabe a suspendu la participation à ses réunions de la Syrie -- où la répression de la contestation a fait 3.500 morts, selon l'ONU, depuis la mi-mars -- et l'a menacée de sanctions, un camouflet sévère pour Damas.

Cette décision intervient près de deux semaines après l'acceptation "sans réserves" par Damas d'un plan de sortie de crise proposé par la Ligue, qui n'a pas été suivi d'effets.

Après sa décision de suspendre la Syrie, la Ligue arabe étudie à présent un "mécanisme de protection des civils" et souhaite l'envoi de 500 membres d'organisations arabes des droits de l'Homme, de médias et des observateurs militaires dans le pays.

Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé s'est aussi dit favorable à l'envoi d'observateurs de l'ONU pour aider à protéger les civils de la répression du régime qui selon lui s'enferme dans la "paranoïa".

Une nouvelle réunion extraordinaire de la Ligue est prévue mercredi à Rabat pour faire le point sur la mise en oeuvre du plan de sortie de crise décidé le 2 novembre et prévoyant notamment le retrait des forces armées des villes en proie à la contestation et la libération des manifestants arrêtés.

Mais, M. Mouallem a indiqué qu'il ne participerait pas à la réunion de Rabat.

Après huit mois d'un mouvement de contestation qui ne s'essoufle pas, le chef de la diplomatie syrienne a par ailleurs exclu l'éventualité d'une intervention étrangère, se félicitant de l'appui de la Russie et de la Chine.

"Le scénario libyen ne se répètera pas, ce qui se passe en Syrie est différent de ce qui s'était passé en Libye", a-t-il estimé, ajoutant: "Les positions de la Russie et de la Chine que nous remercions ne changeront pas car nous sommes en coordination et en consultations avec eux".

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a jugé lundi "incorrecte" la décision de la Ligue arabe, tandis que la Chine exhortait la Syrie de mettre en oeuvre le plan de sortie de crise, tout en se gardant de soutenir d'éventuelles sanctions contre Damas.

Pour sa part, le secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu, a prévenu que si Damas "ne se conforme pas aux demandes légitimes du peuple syrien et aux appels lancés par l'OCI, la Ligue arabe et l'ONU, elle risque une internationalisation de la crise".

L'Union européenne a, elle, décidé d'étendre ses sanctions contre le régime syrien à 18 personnes, essentiellement des militaires, et de geler des prêts européens dans le pays en raison de la poursuite de la répression.

Les Etats-Unis se sont félicités d'un "renforcement du consensus contre Assad et les agissements du régime" syrien, après les décisions de la Ligue arabe et de l'UE.

Interrogé sur un éventuel établissement d'une zone tampon à la frontière avec la Turquie, revendiqué par des opposants, M. Mouallem a souligné que "la Syrie est un pays souverain et défendra chaque pouce de son territoire". "J'exclus que la Turquie prenne cette mesure".

"Ceux qui ne sont pas en paix au Moyen-Orient avec leur peuple et ne peuvent les satisfaire partiront", a affirmé de son côté le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu, qui avait reçu la veille des représentants du Conseil national syrien (CNS), qui rassemble une bonne partie de l'opposition.

AFP

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Commentaires (2) | Réagir ?

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youcef loudani

DE Guada fou à Assad (hémathophage) et comme un train peut en cacher un autre... un monstre peut cacher un autre.. un monstre, un humanoïde. Qui va arrêter le massacre ?

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djamel rami

En Syrie, c'est l'Aid el Adha qui continue.