La fripe cache mal les problèmes de la filière textile

L’interdiction de la fripe ne va pas sauver une filière textile qui a perdu plus de 185 000 emplois en vingt ans.
Avec près de 15 millions de dollars contre 120 millions de vêtements neufs importés et des parts de marché en recul, on découvre vite que la fripe est l’arbre qui sert à masquer les vraies difficultés de la filière. Retour sur un secteur sinistré que l’Etat veut relancer en mettant près de deux milliards de dollars. L'idée fait son chemin, les lecteurs d'un quotidien national qui ont répondu "oui" à la question "êtes-vous d'accord avec l'interdiction de l'importation de friperie prévue dans la loi des finances 2012 ?" représentent 58,16% des répondants, contre près de 40% d'opposants. Les professionnels de la friperie soutiennent fermement que leur activité existe dans tous les pays du monde et qu'elle ne représente pas un réel danger sur le secteur de l'industrie textile parce que les deux segments méritent d'être complémentaires. Les produits qu'elle met sur le marché ne concurrencent même pas l'importation d'habillement de Turquie et de Chine qui coûte bien plus que les 13 millions de dollars que la fripe représentait l'année de sa première interdiction par en août 2009.
A première vue, l'argument mérite d'être vérifié. Les importations de l’Algérie en matière de vêtements neufs sont à près de 120 millions de dollars. Elles proviennent essentiellement de Chine pour plus de 90% et de Turquie pour une petite part qui frise la dizaine de millions de dollars. De ce point de vue, il semble évident que l'interdiction de la friperie ne dynamisera pas, à elle seule, l'industrie du textile. Des études récentes, menées dans des pays africains ont montré que le commerce de fripes est désormais concurrencé par une offre de plus en plus diversifiée de vêtements et de chaussures neufs, de qualités différentes. La fripe, qui présentait encore, au seuil des années 2000, un excellent rapport qualité-prix et répondait aux besoins des consommateurs les plus pauvres ou de ceux les plus en phase avec les modes occidentales, s’est retrouvée dévaluée.
Des parts de marché en réduction
Les mêmes faits sont potentiellement observables en Algérie. Le marché semblait en nette récession au cours de ces deux dernières années et les causes ne sont pas toutes imputables aux obstacles bancaires et douaniers que le responsable de l'association des importateurs de friperie montre du doigt. Les campagnes sur l'éventualité de transmission de maladie par les vêtements usagés puis les dernières augmentations de salaire qui ont touché de très larges couches de consommateurs de "stock américain" ont réduit les parts de marché de la fripe. Les professionnels de la friperie ont en face d'eux la Fédération nationale des travailleurs du textile et du cuir (FNTTC), affiliée à l'Union générale des travailleurs algériens, dont le secrétaire général Amar Takdjout, disait en 2009 que "chaque fois qu'un bateau débarque une cargaison de friperie, c'est une usine de confection qui est en difficulté".
4000 unités privées ont disparu
L'image a convaincu les pouvoirs publics qui ont mis dans la cagnotte près de 2 milliards de dollars pour relancer le secteur du textile. Le secteur n’emploie actuellement que 15 000 salariés contre pas de moins de 200 000 il y a vingt ans. Il a perdu près de 4 000 unités privées "disparues à cause d'une politique qui a toujours favorisé l'importateur". De ce fait, il est clair que c'est également sur ce segment de la filière qu'il faut tailler pour encourager la production locale. Selon les estimations, le chiffre d'affaires du secteur du textile sera porté à 38,5 milliards de dinars en 2014 grâce au plan de relance, soit un taux de progression annuel de 10%. Le secteur public est représenté par deux groupes industriels, Texmaco, spécialisé dans le tissu de base, regroupant 25 filiales, et C&H, qui regroupe 15 filiales sont appelés à constituer la locomotive du secteur. L'enjeu est de taille, le marché algérien représente selon les statistiques officielles pas moins de 2 milliards de dollars d'importations avec une consommation annuelle de 400 millions de mètres linéaires et 60 millions de chaussures.
Saïd Benmerad
Commentaires (2) | Réagir ?
D'où vient la friperie ? Quels sont les risques sur le plan de la santé liés à la nature de ces produits ?
Certains seraient récupérés auprès des établissements hospitaliers. Pourquoi cet article n'aborde pas cette question ?
Et d'autre part, pourquoi l'industrie du textile n'est pas encouragée ? L'industrie agro-alimentaire et autres secteurs souffrent également d'une mauvais prise en charge par l'état, ce dernier ne donne aucune statistique sur les besoins du pays tous secteurs confondus. Quelle est la vision de nos gestionnaires sur les objectifs à atteindre ? Je crois que nous avons affaire à des épiciers et non à de véritables gestionnaires.
Débattre de friperie à L'APN ? Quelle bassesse!!! mais vu le niveau des affairistes de cette assemblée, vous direz que c'est normal ce sont des ripoux... Et empêcher une partie de ces gens qui s'habillent de cette friperie d'avoir une retraite au niveau du SMIG....