Prix Sakharov : cinq acteurs du "printemps arabe" à l'honneur

Ali Farzat partage le prix Sakharov avec Bouazizi, Asmaa Mahfouz, Ahmed Al Sanussi et Zobaïr Ahmed.
Ali Farzat partage le prix Sakharov avec Bouazizi, Asmaa Mahfouz, Ahmed Al Sanussi et Zobaïr Ahmed.

Le prestigieux prix Sakharov "pour la liberté de l'esprit" a été décerné jeudi à Strasbourg, cette année, à cinq militants des droits de l'Homme ayant participé activement au "Printemps arabe" pour la liberté.

Ils sont donc cinq à partager le celèbre prix Sakharov décerné chaque année par le Parlement européen : Asmaa Mahfouz (Egypte), Ahmed Al-Sanussi Zubair Ahmed (Libye), Razan Zaitouneh (Syrie), Ali Farzat (Syrie) et Mohamed Bouazizi (Tunisie). Une belle récompense pour les acteurs du "Printemps arabe". Ces militants récipiendaires "ont risqué leur vie pour obtenir la démocratie, les droits fondamentaux et la dignité pour tous", salue le Parlement européen sur son site. "Cette nomination a été présentée conjointement par les groupes du Parti populaire, des socialistes, des libéraux et démocrates et des Verts", souligne-t-il.

Mais alors qui sont-ils ?

Mohamed Bouazizi, honoré à titre posthume, est ce jeune diplômé tunisien de 26 ans devenu, faute d’emploi, marchand de fruits ambulant, et s'était immolé par le feu le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid (à 200 kilomètres au sud-ouest de Tunis) pour dénoncer sa condition après que la police lui avait confisqué sa marchandise. Son acte de désespoir et de protestation a été l’élément déclencheur du mouvement de contestation sans précédent en Tunisie, qui a conduit à la chute de Zine el Abidine Ben Ali le 14 janvier dernier. Son acte a été cette allumette qui a allumé la mèche de la révolte. Au-delà de ça, Bouaziz a, sans qu'il ne sache, inspiré la vague de révolutions pro-démocratiques en Egypte, en Syrie, ou encore au Yémen, appelée "Printemps arabe".

Le dessin et l'écriture

Asmaa Mahfouz, elle, est la bloggeuse égyptienne, cofondatrice du Mouvement du 6 Avril – organisateur des manifestations de la désormais célèbre place Tahrir -, était accusée d’"incitation à la violence", "trouble à l’ordre public", "diffusion de fausses informations" et "diffamation envers le conseil suprême des forces armées" par le Conseil supérieur des forces armées égyptien pour des messages postés sur Facebook et Twitter – un cas qui n’est pas sans rappeler celui de Maikel Nabil Sanad. Le principal tweet visé appelait à une plus grande justice dans son pays, rapporte Reporters sans frontières: "Si la justice ne nous rend pas nos droits, que personne ne se fâche si des groupes armés commettent des assassinats. Tant qu’il n’y a pas de loi et de justice que personne ne se fâche de quoi que ce soit". Les poursuites à son encontre ont finalement été abandonnées mi-août.

31 ans dans les geôles de Kadhafi

Ahmed Al-Zubair Ahmed, quant à lui, est le dissident de 77 ans qui était le plus ancien "prisonnier de conscience" de Libye avant sa libération en 2001 -il avait été accusé de conspiration lors d’une tentative de coup contre le colonel Kadhafi en 1970 et a passé 31 ans en prison, la plupart à l'isolement. Il a été libéré en août 2001 avec des dizaines d’autres prisonniers politiques, à l'occasion du 32ème anniversaire de la révolution. "Chaque fois qu'une porte s'ouvrait, je ne savais pas si ça allait être quelqu'un qui allait me conduire à mon exécution", a-t-il raconté à la BBC. "Maintenant, nous essayons de construire un nouveau pays sous la primauté du droit. (…) Cela sera difficile après 42 ans de Kadhafi. Cela va prendre un certain temps", a-t-il ajouté. M. Zubair est le descendant du dernier roi de la Libye, Idris al-Sanusi. Aujourd'hui, il est responsable des prisonniers politiques au sein du Conseil national de transition et milite pour l'amélioration de la situation des droits de l'Homme en Libye.

Razan Zaitouneh est une avocate de 34 ans qui a coordonné la révolte contre le président Bachar Al-Assad, toujours au pouvoir en Syrie. Accusée de soutenir le terrorisme et d'être une "agente" à la solde de l'étranger, elle est entrée dans la clandestinité après que plusieurs membres de sa famille ont été arrêtés, y compris son mari. Cette militante s'était déjà vu décerner le prix Anna Politkovskaïa 2011, récompense attribuée à des femmes défenseures des droits humains qui se battent pour les victimes dans les zones de conflit.

Enfin, Ali Farzat est aussi un Syrien, dessinateur de presse de renommée mondiale. Le 25 août, ce cartooniste -ex-rédacteur en chef de l’hebdomadaire satirique Al-Domari (L'Allumeur de réverbères) - a été violemment agressé en plein jour. On lui a brisé les mains, ce qui a été interprété comme un message clair des forces de sécurité syrienne pour lui ordonner d’arrêter. Peu de temps avant, il avait représenté Assad en train de faire ses valises à côté du dirigeant libyen (tué jeudi dernier) Mouammar Kadhafi… Son cas rappelle celui d’Ibrahim Qashoush, qualifié de "chanteur révolutionnaire" en raison de ses chansons appelant au renversement d'Assad. Selon les organisations de défense des droits de l'Homme, Qashoush a été retrouvé mort, la gorge tranchée, les cordes vocales arrachées

Ces cinq militants étaient en lice face à Dzmitry Bandarenka, un militant des droits civiques biélorusse, un des co-fondateurs de la Charte 97, initiative en faveur des droits civiques et co-coordinateur de la campagne civique européenne en Biélorussie. Ils concouraient aussi face à la Communauté de la paix San José de Apartado, une communauté colombienne de "campesinos" (paysans agriculteurs), qui est devenue un symbole internationalement reconnu de courage, de résistance et de dévouement aux valeurs de paix et de justice, dans un environnement de brutalité et de destruction. Ils succèdent ainsi à des personnalités telles que le journaliste cubain Guillermo Farinas (qui a reçu ce prix en 2010), la militante birmane Aung San Suu Kyi (1990), à l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, ou encore à l’écrivain bangladais en exil, Taslima Nasreen (2003).

Le prix Sakharov, décerné depuis 1988, "récompense des personnalités exceptionnelles qui luttent contre l’intolérance, le fanatisme et l’oppression. À l’instar d’Andreï Sakharov [célèbre dissident russe, prix Nobel de la paix en 1975, ndlr], les lauréats du Prix Sakharov témoignent combien il faut de courage pour défendre les droits de l’homme et la liberté d’expression", lit-on sur le site du Parlement européen. Il sera remis (physiquement) à ces cinq militants arabes lors d'une cérémonie à Strasbourg autour du décembre prochain -en commémoration du 10 décembre 1948, date de signature de la Déclaration universelle des droits de l'Homme des Nations unies. Le ou les vainqueurs empoche(nt) un joli chèque de 50 000 euros.

M. D.

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Mohand ait mohand

Le prix Sakharov pour le printemps arabe et c est pour quand le prix Bel Laden pour l automne Islamiste.

Remarque le pétard a Sakharov est plus gros que celui de Ossama. Mais Ousama a plus d argent, a qui le mérite et la cagnotte, c'est l oncle Bens qui décide et c'est le bougnoule qui souffre.