Mouammar Kadhafi, fuite et fin d'un dictateur (vidéo)

Mouammar Kadhafi
Mouammar Kadhafi

Mouammar Kadhafi est mort des suites de ses blessures. Il a été retrouvé par des combattants dans des conduites souterraines. Sa capture rappelle celle d'un autre dictateur arabe : Saddam Hussein.

L'information vient d'être rendu publique. Le CNT libyen a annoncé la mort du colonel Kadhafi. "Nous annonçons au monde que Kadhafi a été tué aux mains des révolutionnaires, a indiqué le porte-parole officiel du Conseil national de transition (CNT) à Benghazi, Abdel Hafez Ghoga. C'est un moment historique, c'est la fin de la tyrannie et de la dictature. Kadhafi a rencontré son destin".

Un combattant du CNT a dit à Reuters avoir assisté à l'opération. Selon lui, Kadhafi se cachait dans un conduit de drainage sous une route à Syrte et criait "Ne tirez pas, ne tirez pas !". "Kadhafi a été arrêté. Il est gravement blessé mais il respire encore", avait de son côté déclaré Mohamed Leith, un des commandants venus de Misrata, à l'ouest de la ville de Syrte.

Quelques minutes après, le coordinateur des opérations militaires au sein du gouvernement libyen de transition, Abdel Madjid Mlegta, a affirmé que Kadhafi, blessé par une attaque aérienne de l'Otan, a succombé à ses blessures. "Il y a eu des tirs nourris contre son groupe, et il est mort", a-t-il dit à Reuters. Une hypothèse plausible, puisque l'Otan a annoncé quelques minutes après avoir bombardé un convoi pro-Kadhafi près de Syrte. Par ailleurs le commandant Belhadj vient de déclarer que Kadhafi est bien tué. Hors ces affirmations, la chaîne de télévision qatarie Al Jazira a diffusé dans l'après-midi une vidéo montrant le cadavre d'un homme qui semble bien être l'ancien dirigeant libyen.

Auparavant, l'Agence France-Presse a fait circuler une image du colonel au visage ensanglanté. Elle a été prise à Syrte vers 12h30 par un photographe de l'agence, à partir d'une vidéo que lui a montrée un combattant rebelle. Selon ce combattant, cette vidéo a été prise juste au sortir du trou dans lequel l'ex-dirigeant libyen s'était réfugié. Autour de cette cachette, le photographe a pu constater que gisaient les corps de plusieurs combattants loyalistes.

Le site d'une télévision pro-Mouammar Kadhafi a en revanche démenti "sa capture ou sa mort". "Ce ne sont que des rumeurs et n'est pas la première fois qu'ils ont recours à ce genre de désinformations", écrit le site. De fait, alors que le CNT avait dit en août avoir capturé Seif Al Islam, le fils de Kadhafi est toujours libre.

Portrait du dictateur

Le colonel Mouammar Kadhafi aura gouverné la Libye d'une main de fer pendant presque 42 ans. A 69 ans, il était le plus ancien dirigeant arabe et africain, accroché au pouvoir en dépit de la pression internationale et des bombardements de l'Otan.

Sa légende veut qu'il soit né sous une tente bédouine dans le désert de Syrte, le 7 juin 1942. Fils de berger de la tribu des Kadhadfa, il reçoit une éducation religieuse rigoureuse avant d'entrer dans l'armée en 1965. Il a 27 ans quand il renverse le vieux roi Idriss, le 1er septembre 1969, sans qu'une goutte de sang ne soit versée. En 1977, il s'attribue le titre de "Guide de la révolution" et proclame la Jamahiriya, un "Etat des masses" qui gouvernent par le biais de comités populaires élus.

Entouré d'amazones

Dans ce riche pays pétrolier, peu peuplé, son style de vie, ses tenues traditionnelles, sa façon fantasque d'exercer le pouvoir apparaissent incongrus et imprévisibles tant pour les Arabes que pour les Occidentaux. En saharienne kaki, en uniforme militaire chamarré d'or ou en gandoura (la robe des bédouins), Kadhafi aime recevoir sous la tente, à Syrte ou dans la cour de la caserne Bab Al-Aziziya, à Tripoli. Entouré souvent par des femmes en tenue de soldat, ses "amazones", il se nourrit frugalement, notamment de lait de chamelle.

Personnage théâtral, il se singularise par des actes et des propos qui amusent le monde, distribuant les affronts à ses pairs arabes ou émettant des théories très personnelles sur l'histoire et les hommes. Lors d'un sommet arabe en 1988, on le voit la seule main droite gantée de blanc. Il explique qu'il veut ainsi éviter de serrer des "mains tachées de sang". Au sommet suivant, alors qu'à ses côté l'ex-roi saoudien Fahd fume un gros cigare, il se tourne ostensiblement vers son voisin chaque fois qu'il exhale la fumée. Son Livre vert, manifeste de la Jamahiriya, affirme que la démocratie ne peut être établie par les urnes. "Les élections, c'est une mascarade", dit-il.

Le Roi des rois d'Afrique réconcilié avec l'Occident

Dans les années 1990, Kadhafi, affaibli sur la scène internationale, déçu par ses partenaires arabes, se tourne vers le continent noir. Elu à la tête de l'Union africaine début 2009, il donne le ton de sa présidence en demandant à ses pairs de l'appeler désormais "Roi des rois traditionnels d'Afrique". Après une année chaotique où ses prises de position dissonantes brouillent l'image de l'institution, il cède la place au président du Malawi.

Longtemps considéré comme le chef d'un Etat terroriste, il décide alors de se réconcilier avec l'Occident. En 2003, à la surprise du monde entier, il annonce le démantèlement de ses programmes secrets d'armement. Il reconnaît ensuite la responsabilité de son pays dans les attentats contre un avion américain au-dessus de Lockerbie, en Ecosse (270 morts en 1988) et un avion français au Niger (170 morts en 1989), versant des indemnisations aux familles des victimes. Kadhafi reçoit les dirigeants occidentaux, on lui déroule le tapis rouge à Paris puis à Rome, suscitant des polémiques.

Rome s'excuse, Kadhafi bombe le torse

Fort de son pétrole, il réussit en 2008 à solder son passé avec l'Italie en obtenant des excuses et des dédommagements de Rome pour la période coloniale. Plus récemment, il fait plier la Suisse qui lui présente ses excuses, un an après l'arrestation d'un de ses fils, Hannibal, pour des violences sur ses domestiques. Et il accueille triomphalement Abdelbasset al-Megrahi, condamné pour l'attentat de Lockerbie, libéré pour raison de santé.

Les premiers signes de révolte contre son pouvoir, le 15 février, font place à une véritable guerre civile. Il prend la fuite après la chute de son QG à Tripoli en août. La Cour pénale internationale avait lancé contre Mouammar Kadhafi, son fils Seif Al-Islam et son beau-frère Abdallah Al-Senoussi un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité.

Syrte, le dernier bastion de Kadhafi, est tombé

Quelques heures avant, les forces du CNT avaient annoncé avoir pris le contrôle de Syrte, le dernier bastion du régime déchu. "Nos forces contrôlent les derniers quartiers de Syrte", a déclaré à l'Associated Press depuis Tripoli, Hassan Draoua, membre du CNT. "La ville a été libérée". Après deux mois de siège et de combats meurtriers, les hommes fidèles au régime avaient été poussés dans un dernier quartier de la ville, appelé Numéro 2, un secteur de moins d'un kilomètre carré. Les forces du CNT ont réussi à gagner du terrain en avançant rapidement dans le quartier et en pourchassant leurs adversaires.

Le dernier assaut sur la ville natale de l'ancien homme fort de Tripoli a été donné vers 8h et n'a duré que 90 minutes. Juste avant, cinq véhicules des loyalistes ont tenté de fuir l'enclave mais ont été tués par les forces du CNT. Ces dernières ont commencé à fouiller les maisons et les bâtiments à la recherche de pro-Kadhafi. Au moins 16 combattants fidèles à l'ancien dirigeant libyen ont été capturés, ainsi que des munitions et des camions remplis d'armes.

Alors que Bani Walid, l'avant dernier fief de l'ex-dirigeant, a été libéré lundi, le CNT n'attendait plus que la chute de Syrte pour proclamer la libération totale du pays et former un gouvernement chargé de gérer la transition.

Avec AFP

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Commentaires (10) | Réagir ?

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djamila benchoubane

Hypocrisie. Les "Occidentaux" "condamnent" "l'assassinat" de Khadafi. Mais que cherchaient-ils en bombardant la Libye pendant des mois ? Le gars qui l'a tué n'a pas voulu rater une occasion inouïe.

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akli ath laarat

Il y a mieux à faire. Même si les Libyens, sous Kadhafi, n'ont connu que violences et humiliations, il est à déplorer que la nouvelle Libye commence par un meurtre. Car là, il s'agit bien d'un crime. L'individu Kadhafi a été capturé vivant et, il a été achevé. Et ce n'est pas les cris d'hyènes des auteurs de cet acte qui les absoudront aux yeux de la justice. Car, si j'ai bien compris, le CNT (et l'alliance) attendait justement la capture ou la mort (au combat) de cet individu pour considérer que la Libye nouvelle est née. Ce meurtre, dans de tels circonstances, est l'acte fondateur. Un meurtre, comme fondement, imprègne invariablement les rapports futurs de la société concernée. Attendons pour voir.

Dommage que ceux qui militaient pour un Etat de droit, de justice, fondent le nouvel état sur un assassinat. Et, en Algérie, nous savons de quoi il en retourne.

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