Tripartite : le gouvernement Ouyahia paie son manque d’anticipation

Tripartite : le gouvernement Ouyahia paie son manque d’anticipation

La sortie surprenante de Tayeb Louh jeudi dernier en annonçant que des mesures exceptionnelles en faveur des retraités vont être prises très prochainement et leur impact financier restera à la charge de l’Etat et son revirement paradoxal au sujet de l’article 87 bis confirme incontestablement les divergences au sein de l’équipe gouvernemental.

Le ministre des Finances, au lendemain de la tripartite, a reconnu publiquement l’insuffisance des 3000 DA eu égard à l’envolée du pouvoir d’achat. Le quotidien Le Soir d’Algérie a rapporté une violente dispute entre ministres qui a contraint le Chef du gouvernement à mettre fin à la réunion et de solliciter l’arbitrage du président de la République.

Cette situation traduit bien entendu un manque d’anticipation dans la gestion des affaires de l’Etat. Selon toute vraisemblance, les décisions se prennent à coup d’essais successifs, sans aucune mesure sur leur portée stratégique et leur mise en œuvre sur le terrain. C’est tout de même bizarre que le ministre du Travail, à peine une semaine après, nous apprend que l’article 87 bis est dépassé par les événements socio-économiques. Quand bien même ce revirement tentera d’apaiser le climat social dans l’immédiat, il ne répondra pas aux questions stratégiques relatives au devenir de la CNR.

La population active est passée en espace de 10 ans de 6,5 à 10,5 millions, soit un accroissement de l’ordre de 62%. Il faudrait souligner que la solidarité de la population occupée n’a pas malheureusement suffit de combler d déficit la caisse de retraite. La raison est qu’un nombre important de non déclarés se dérobe de cette caisse. Cette fuite de la responsabilité sociale n’a pas pu être jugulée par les organismes de contrôles étatiques. Pourtant, un très grand nombre de salariés est concentré dans le secteur privé (plus de 60%) où justement sévit ce dysfonctionnement. La répartition de la population totale active par secteur d’activité est la suivante : agriculture (20%), industrie (6%), BTP (14%), commerce/service/administration (33%), l’informel, le dispositif d’aide à l’emploi et le travail à domicile prennent le reste, soit 27%.

Le secteur industriel emploie le moins de main-d’œuvre à cause de son manque de compétitivité. Ces chiffres même si leur approximation reste contestable, nous disent qu’aujourd’hui le dialogue social se déroule entre partenaires sourds. Aucun n’entend et par voie de conséquence ne comprend l’autre. Pourquoi ?

20% des retraités touchent 10 000 DA

Parce que les pouvoirs publics peinent pour l’équilibre financier de la CNR, et les retraités actuels et en perspective ne veulent pas endosser la responsabilité de cet échec. Ceci conduit à l’impossible compromis. Il faut préciser cependant que sur les 2,1 millions de retraités plus de 80% s’entassent dans une fourchette de moins de 25 000 DA. Selon une étude faite par la FNTR, 20%, soit près de 360 000 retraités, touchent moins de 10 000 DA. Cette dernière catégorie a fait les frais de la réorientation de la politique économique des années 80 et qui s’est soldée début 1990 par une faillite. Ces difficultés dans la conduite de la gestion de l’Etat la contraint de faire appel au FMI pour le rééchelonnement de sa dette dont le service accapare une part prépondérante de la contrepartie de ses exportations.

Ces travailleurs ont accepté une compression des effectifs et la fermeture de leurs unités économiques. Ils se sont reconvertis dans le système de la débrouille. Maintenant que l’Etat jouit d’une aisance financière de 174 milliards de dollars, qu’il s’est acquitté de ses dettes et qu’il se dit trouver la voie de la croissance, n’est-il pas logique de rendre justice aux premiers qui ont souffert et aidé cet état dans les moments difficiles ? Ensuite, cette performance de l’économie dont se gargarise les responsables en place ne sont le fruit ni des travailleurs du secteur privé et encore moins de la bonne gouvernance. Il s’agit de prières de citoyens que Dieu a exhaussées en favorisant ces dernières années une pluviométrie qui a permis d’équilibrer la facture alimentaire.

Le dollar de l’oncle Sam s’est maintenu lui aussi en dépit de la crise américaine d’endettement. Il a limité en partie les pertes sur la facture des hydrocarbures. Enfin le prix du baril du brut qui sert de référence à celui du gaz est resté très loin des 37 $ qui font le budget algérien depuis plus de six ans maintenant.

Puisque la croissance n’est induite ni par des efforts intensifs ou de créativité humaine, on peut conclure que toute la population active est aussi en retraite. S’il demeure nécessaire de faire des efforts pour surmonter les difficultés économiques, tout le monde devra mettre la main à la poche, à commencer par les hauts salaires.

Reghis Rabah, consultant/chercheur

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Mulud de ghedj

Trop d'impôt tue l'impôt. C'est connu. Surtout quand ce dernier ne s'applique qu'à de pauvres salariés dont le seul tort est de "posséder" une fiche de paie et de prêter, ce faisant, le flanc aux ponctions éhontées opérées par un gouvernement allié objectif, à l'évidence, du bazar. Sinon,

comment expliquer la "franchise" dont bénéficient des secteurs - le commerce informel, entre autres plaies- qui constituent autant de zones de non-droit ; ceci au détriment de l'économie productive - et des laissés-pour-compte que sont les travailleurs et les retraités.

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madjid ali

Il est temps que cette mafia disparaisse. Le peuple n'a pas besoin d'eux.