Les islamistes et le régime, le combat douteux

Le président et ses relais islamistes.
Le président et ses relais islamistes.

Ceux qui les croyaient enterrés en auront pour leurs frais. Voilà que les prédicateurs les plus rétrogrades reprennent du poil de la bête. Avec le silence particulièrement complice des autorités.

Il s'agit ici de la fatwa lancée par les imams Hachemi Sahnouni et Abderezak Hamadache. Leurs sorties deviennent un peu récurrentes. Et surtout particulièrement inquiètantes.

Hachemi Sahnouni et Abderezak Hamadache avaient créé un événement médiatique l’été dernier en révélant des négociations avec la présidence en vue d’une amnistie générale des terroristes emprisonnés. En dépit des dénégations d’un clan du pouvoir, les deux imams déclaraient sûrs de leur propos qu’ils avaient bien pris part à des négociations dans cet objectif. Depuis, Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), est venu confirmer mezza voce leurs déclarations. Et franchement, la mise au point apportée la semaine dernière par Ahmed Ouyahia à Ksentini ne convainc personne.

Il n’y a pas de fumée sans feu

Il est évident que des ponts ont été jetés entre l’islamisme et le régime de Bouteflika. On se souvient tous de l’instrumentalisation éhontée des zaouïas par le président de la République pendant ses campagnes électorales. Depuis, les confréries Tidjania et Alaouia avaient apporté leur soutien public à Bouteflika à maintes reprises. Et celui-ci a également fait appel à elles pour retrouver une légitimité religieuse auquelle il tenait plus que tout. Confrontés à des remises en cause de l'autorité publique, tant au niveau local que gouvernemental, les dirigeants algériens ont recours à la redynamisation des réseraux traditionnels de régulation sociale (*). A ce propos, aucun président n’avait accordé autant de concessions aux islamistes comme Abdelaziz Bouteflika. Petit rappel : il y a eu l’introduction des cinq appels à la prière dans les programmes de l’Entv, le lancement d'une chaîne de télévision dédiée à la religion juste avant l'élection de la président d'avril 2009, la réconciliation avec les terroristes sans véritable repentir et enfin le projet de l’immense mosquée à cinq milliards de dollars à Alger.

Mais c’est l’arrivée en mai 2006 du très islamo-conservateur Abdelaziz Belkhadem à la tête du premier ministère qui avait sonné l’entrée officielle de l’islamisme rampant au cœur du pouvoir. Et surtout le lancement de la campagne contre les débits de boissons alcoolisées. La dernière fatwa lancée par Hachemi Sahnouni et Abderezak Hamadache, aussi grave qu’elle est, vient en fait poursuivre le travail de sape et de démantèlement entrepris dans les arcanes de l’administration par le courant islamo-conservateur contre les bars. C'est une atteinte à la liberté de consommer. Mais elle confirme surtout le rapprochement évident entre le courant islamiste représenté par Belkhadem, ministre d’Etat, et un clan du régime.

La cible de ces deux prédicateurs particulièrement virulents à une autre époque n’est donc pas le pouvoir avec toutes les affaires de corruption qui l’éclaboussent. Non. Mais les débits de boissons alcoolisées. Les accents de l’appel à la fermeture des débits de boissons alcoolisées résonnent comme à un appel à la désobéissance civile, dans la mesure où les citoyens sont invités à faire justice eux-mêmes. Cela ne gêne pas manifestement le ministre de l’intérieur, ni d’ailleurs le premier ministre qui expliquait les menées contre les bars avec une pointe d’excuse lamentable : "Combien de postes d’emploi peut-on créer dans un bar ? Un, deux, mais il faut voir combien de cirrhoses, de bagarres on peut trouver dans un bar". Puis Ouyahia ajoute : "Les produits alcoolisés qu’on y trouve sont de marques étrangères. Je ne vois pas de production locale à promouvoir".

Désormais, le pouvoir agite les oripeaux de l’islamisme pour tétaniser toute volonté de contestation politique. En vrai il est dans la logique existentielle du régime d’utiliser un courant contre un autre. En l’espèce, l’islamisme sert depuis quelques années comme un formidable bras intimidant contre les autres composantes de la société.

Sofiane Ayache

(*) Revue Maghreb Machrek n° 200 L'algérie face aux crises, page 33.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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tim

Mais c'est déjà le chaos !!!

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Atala Atlale

Je crois qu'il va falloir défendre la 3e voie ! Juste une démocratie construite autour d'une constituante ! Sinon ce sera le chaos !