Ô livre délivre-moi… d’eux !

L'enfant doit être mis au coeur de l'école, pas le contraire.
L'enfant doit être mis au coeur de l'école, pas le contraire.

Quelle est la première partie de la politique ? L’éducation. La seconde ? L’éducation. Et la troisième ? L’éducation. » (J. Michelet, Le Peuple)

En décembre 2010, Cheikha Moza Bint Nasser, l’épouse de l’émir du Qatar, a lancé un sommet mondial le WISE (World innovation summit for éducation). En 2003, elle avait déjà inauguré une fondation, la Cité de l’Education, un ensemble futuriste de 7 universités. Le Wise a réuni 1200 personnes venues de plus de 100 pays pour débattre des thèmes suivants : comment mener à bien une réforme du système éducatif, reconstruire les écoles dans les zones de conflit, prodiguer une éducation de qualité au plus grand nombre, former les enseignants de demain, donner toute sa place à la création artistique… Qualité performance et art dans ce berceau de l’Islam où le pouvoir se transmet avec l’ADN paternel. Pas un mot sur la religion ni autre « constantes émiraties ». Ce petit bout de pays a donc des préoccupations que l’on ne soupçonnait même pas. On croyait naïvement que l’or noir, l’audience de la sulfureuse Al Jazzera et la coupe du monde de foot de 2012 suffisaient à son bien-être. Non, il a même une princesse qui s’intéresse avec succès au savoir si on se réfère au dernier classement de ses universités. Idem pour un pays comme l’Arabie Saoudite où il n’y a pas si longtemps, seule la famille royale avait droit à l’instruction, comme dans les temps reculés où la populace était confinée à l’ignorance pour ne pas menacer le pouvoir des puissants. Il a fallu au royaume d’Ibn Saoud attendre le XXème siècle pour envoyer un prince dans l’espace afin de convaincre ses oulémas, preuve à l’appui, que la terre était bien ronde.

"L’instruction coûte cher, l’ignorance plus"

Dans tout le monde arabe l’importance de l’école est prise de plus en plus au sérieux et selon les chiffres, tous avancent sauf nous. Pourtant de 1962 à 2000, l’Etat a dépensé pas moins de 1345 milliards de dinars pour ce secteur et avec l’augmentation du prix du pétrole et le printemps arabe les vannes ont dû depuis s’ouvrir à fond pour arroser ce secteur. Lincoln affirmait que l’instruction coûte cher mais l’ignorance encore plus. Le problème est de savoir où va tout cet argent. Il suffit de rentrer dans n’importe quel établissement scolaire pour remarquer que la manne pétrolière profite peu à l’élève. Dans son livre Au pays de mes racines, en parlant de l’Algérie, Marie Cardinal s’étonne en ces termes : « Les bureaucrates jouissent de privilèges formidables dans ce pays. On dirait que tout est fait pour eux. » Ils jouissent en toute sécurité quand ils le prennent à des enfants avec la complicité de parents apeurés. Des classes cellules avec une armada de secrétaires surveillants appariteurs et autres comptables de mouches comme si on était dans un asile de fous ou un centre de rééducation. Souvent l’administration va jusqu’à transformer les recréations en « coude à coude et pied sur pied » au rythme des marionnettes qui font « trois tours et puis s’en vont ». On se souvient de ces directeurs d’antan qui se contentaient d’un simple bureau où s’entassaient pêle-mêle la craie les livres cahiers matériel…Ce pauvre bougre se contentait d’un gardien qu’il secondait au portail pour la rentrée et la sortie des élèves. Ces derniers pouvaient le dérangeaient à tout moment et en cas d’absence de l’enseignant il faisait la leçon à sa place. Un tel spécimen à la tête de chaque établissement a réussi à générer des « cerveaux dollars » sans pétrodollars.

En ce temps-là, où l’analphabétisme de la société n’était pas l’exception mais la règle, il suffisait que l’enfant passe 6 ans à l’école pour décrocher un certificat d’études plus valeureux que le bac d’aujourd’hui. Dans son livre La Crise de l’Education, Yves-Emmanuel DogBé en parlant du système éducatif africain disait : « Au lieu que l’école reste fidèle à sa mission de tutrice, de préceptrice impartiale, elle en arrive à souffrir l’égoïsme et l’orgueil des plus « forts …Et la corruption sociale n’est que les prémices des résultats du système d’enseignement actuel…» Quant aux enseignants, nombreux sont ceux qui n’ont pas attendu les grèves pour mettre du beurre sur leurs épinards. En plus de ces cours « bidon » qui ne s’adressent pas seulement aux élèves en difficulté mais à toute la classe félicités et cancres compris, d’autres plongent dans la débrouille du bisness trabendiste.

Le cas de Meriem, une adorable et studieuse collégienne ravie aux siens à la fleur de l’âge illustre bien ce triste mélange des genres. C’était un lundi matin, les deux profs de sport avaient organisé deux matchs l’un pour filles l’autre pour garçons. Passons sur ces séances de sport où rien n’existe ni salle, ni espace, ni matériel, ni imagination. Grosso modo, les garçons plus chanceux ont joué sur un terre-plein en face à l’extérieur tandis que les filles se sont contentées de leur courette goudronnée. Le hic c’est qu’un l’un des profs est parti conduire son G5 pour emmener des clients au marché et l’autre papotait avec le gardien. Sans surveillance le jeu a dérapé et la pauvre adolescente est tombée, sa tête a percuté violemment l’asphalte. Elle est morte et aucun adulte n’a été sanctionné. Seuls ses camarades s’étaient révoltés mais rapidement ils ont été réduits au silence par leurs parents et leurs enseignants avec la même phrase : "C’est le mektoub."

Jusqu’aux années 1980 l’école algérienne pouvait encore faire illusion malgré ses directeurs nommés par "affinité" et ses enseignants à l’a peu-prés. Le problème c’est que les dirigeants en imposant leur "science" ont stoppé celle qui venait d’ailleurs. Une année après la révolte de 1988, réforme sur réforme on essaye de redresser la situation ; et contenter tout le monde, on augmente les salaires, on allège les programmes sans oublier une prime pour aider les parents pauvres à acheter les fournitures scolaires ou le leur distribuer gratuitement et enfin ouvrir des cantines là où on peut. Comme le reste du pays, l’école est devenue un tube digestif à remplir à défaut d’un cerveau à former. L’assistanat est de rigueur pour les enfants comme pour les grands. C’est vrai qu’en plein croissance avoir le ventre vide à midi ce n’est pas la forme, c’est vrai que les enseignants étaient mal payés, c’est vrai que certains parents avaient du mal à remplir le cartable de leurs rejetons mais est-ce la baguette magique qu’on attendait ?

Lorsqu’un père de famille même pauvre envoie son fils ou sa fille à l’école ce n’est pas pour un morceau de pain mais pour un morceau d’instruction. La famine n’est pas encore là et le temps des colonies où le fellah envoyait son enfant pour un repas est derrière nous. En France où la cantine est de rigueur, il y a un peu de l’indigénat puisque même les enfants des sans papiers sont scolarisés et en plus l’Etat est fortement aidé par des associations, les dons de particuliers et même de riches étrangers. Chez nous, le téléthon n’a pas marché. Nos riches quelle que soit l’origine de leurs biens préfèrent gagner leur place au Paradis à faire pèlerinage sur pèlerinage à la Mecque.

Mimi Massiva

Lire la suite : http://www.freealgerie.com/debat-du-jour/136-o-livre-delivre-moi-deux.html

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Commentaires (4) | Réagir ?

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Kacem Madani

D'ailleurs, le titre convenable de cet article n'est-il pas plutôt "Ô livre délivre-moi... de l'emprise du Livre" ?

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Davidoff

Petite anecdote qui vous en dira plus sur la culpabilité des parents dans cette affaire d'éducation. Il y a quelques jours je me suis rendu au ministère des AE aux Sources pour un extrait de naissance - il faudra au moins deux mois et demi pour que je puisse l'obtenir si tout va bien!!! un détail... je continue. A l’accueil j’attends que la personne avant moi pose ses questions et j’entends un vieil homme qui demandait où il devait aller pour scolariser sa petite fille qui venait d'Angleterre.

Ayant entendu cela je n'ai pu m’empêcher de lui poser la question afin de savoir pourquoi il voulait scolariser sa fille en Algérie alors qu'elle avait une chance inouïe d’être en Angleterre et de pouvoir y étudier. Il m'a répondu que leur société est libérale et que cela pouvait ruiner la vie et le future de la jeune fille en question!

J'ai cru tomber dans un mauvais rêve et je n'ai pu que lui dire qu'il faisait une grosse erreur en croyant que la scolarité et l'éducation de sa petite fille serait meilleure ici en Algérie. Je lui ai expliqué que le Prophète nous a bien conseillé en disant qu'il fallait aller chercher le savoir jusqu'en Chine et que l'éducation se fait à la maison et le savoir se trouve à l'école et que la fille avait la chance de pouvoir peut être un jour étudier dans une des meilleurs universités au monde au Royaume Uni... Bref tout cela pour dire que les parents dans beaucoup de cas sont complices de beaucoup de choses, et cela pour moi démontre que le peuple algérien recule parce qu’il n'est pas capable d'avancer.

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