Les États-Unis et le Pakistan au bord de la rupture

Hillary Clinton et le premier ministre pakistanais, Yousuf Raza Gilani.
Hillary Clinton et le premier ministre pakistanais, Yousuf Raza Gilani.

Est-on proche du point de rupture entre l'Amérique et son insaisissable allié pakistanais ?

Il y avait en tout cas longtemps que les Américains n'avaient exprimé avec autant de clarté et de brutalité leur exaspération vis-à-vis d'Islamabad, épinglé pour avoir armé et utilisé en sous-main les services du réseau islamiste Haqqani en Afghanistan afin d'attaquer les États-Unis et la coalition internationale qu'ils dirigent.

C'est l'amiral Mike Mullen, chef d'état-major interarmes jusqu'à la fin du mois, qui a mené la charge lors d'une audition parlementaire devant le Comité des forces armées du Sénat, accusant les services de renseignement pakistanais (ISI) d'avoir "aidé" les hommes de Haqqani à planifier leur récente attaque contre l'ambassade américaine à Kaboul, ainsi qu'un attentat à la bombe contre un poste de l'Otan le 10 septembre. Les Pakistanais auraient aussi aidé leur allié extrémiste de l'ombre à attaquer l'hôtel Intercontinental à Kaboul en juin.

"Le réseau Haqqani a agi comme une véritable arme des services pakistanais", a martelé jeudi Mullen. "En choisissant d'utiliser l'extrémisme violent comme instrument politique, le gouvernement du Pakistan… compromet non seulement la perspective d'un partenariat stratégique avec nous, mais aussi l'opportunité d'être une nation respectée jouissant d'une influence régionale légitim", a-t-il mis en garde.

L'instrumentalisation des réseaux talibans par Islamabad, qui cherche à contrer l'influence de son grand rival indien, aujourd'hui allié de Kaboul, n'est pas nouvelle. Mais, dans la bouche de Mullen, pivot de la relation avec les Pakistanais ces dernières années, les accusations prennent un poids particulier. Les États-Unis sont en train de peser les pour et les contre de la réponse qu'ils devraient apporter à cette trahison d'un allié qui bénéficie de milliards de dollars d'aide bilatérale.

Ceux qui, comme Mullen, insistaient sur l'importance de sauvegarder coûte que coûte la relation, pour empêcher un Pakistan doté de l'arme nucléaire d'être submergé par ses extrémistes, s'interrogent. L'amiral a certes nié "avoir perdu son temps", soulignant avoir largement décapité al-Qaida dans les zones tribales pakistanaises avec l'aide de son homologue Ashfaq Kayani. Mais il a aussi promis que ses "militaires ne resteraient pas sans rien faire quand on attaque leurs troupes".

Un "allié" au jeu trouble

Mardi, le général David Petraeus, nouveau patron de la CIA, avait invité le patron de l'ISI au siège de la centrale de renseignement américaine à Langley, pour lui montrer les preuves de l'implication de ses services dans l'attentat contre l'ambassade américaine. Rien n'a filtré de ce tête-à-tête, mais les Américains semblent décidés à mettre les Pakistanais en demeure : soit ces derniers frappent eux-mêmes le réseau Haqqani au Waziristan, où il s'abrite ; soit les États-Unis pourraient passer la frontière pour une opération au sol appuyée par des drones (avions télécommandés). Le risque est évidemment grand, vu le fossé qui se creuse entre Washington et Islamabad depuis l'opération secrète montée par l'Administration Obama en mai pour éliminer Ben Laden en plein territoire pakistanais.

L'Amérique a toujours tenté d'éviter le clash, menant des opérations coups de poing avec des drones, tout en préservant sa relation fragile avec Islamabad. Jouant sur la corde sensible de la "souveraineté", les Pakistanais ripostent aujourd'hui par le chantage, tout en niant les liens de l'ISI avec le réseau Haqqani. "Vous allez perdre un allié", a menacé le ministre des Affaires étrangères Hina Khar. Mais, alors qu'ils accélèrent leur retrait d'Afghanistan, les Américains pourraient décider que la neutralisation du réseau Haqqani est plus cruciale que les états d'âme d'un "allié" aussi trouble que le Pakistan.

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