Palestiniens: l'initiative d'Abbas à l'ONU divise la rue à Gaza

Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne.
Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne.

Si Mahmoud Abbas va attirer l'attention de la communauté internationale en demandant cette semaine à l'ONU qu'elle accepte un Etat palestinien en son sein, certains Gazaouis ne sont pas d'accord avec cette initiative.

Outre le fait que le Hamas enrage de voir une figure du Fatah accaparer la lumière, d'autres contestent notamment l'abandon des frontières de 1948 dans la proposition officielle.

Les dirigeants de Cisjordanie "oublient la partie manquante, qui est Gaza", résume Taher Khalil, un fonctionnaire de 47 ans, père de sept enfants. "On est seulement informé par la télévision, on ne sait pas ce qui est bien ou mal. Personne n'est venu nous dire à quoi ressemblera l'avenir quand on aura fait la demande à l'ONU".

Après des années d'impasse dans les discussions avec Israël, l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas va demander cette semaine au Conseil de sécurité des Nations unies la reconnaissance d'un Etat indépendant sur les terres conquises par l'Etat hébreu lors de la guerre des Six-Jours en 1967 (Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza). Israël a retiré ses soldats et colons de la Bande de Gaza en 2005, mais contrôle toujours les points d'accès au territoire, impose un blocus maritime et occupe la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Le gouvernement de Mahmoud Abbas n'exerce aucune autorité sur la Bande de Gaza, où vivent 1,5 million de personnes, depuis le coup de force du Hamas qui y a pris le pouvoir en 2007. Le Mouvement de la résistance islamique, proche de l'Iran et qui ne reconnaît pas l'existence d'Israël, ne soutient pas l'initiative d'Abbas mais ne l'a pas non plus officiellement condamnée, préférant adopter un profil bas. Ses dirigeants critiquent plutôt Abbas, également connu sous son nom de guerre Abou Mazen, et sa volonté d'agir seul.

"La décision d'Abou Mazen d'aller à l'ONU sans consulter les factions palestiniennes sur les conséquences positives et négatives d'une telle initiative, et seulement avec un soutien arabe, islamique et international partiel, est très risquée", explique Fawzi Barhoum, porte-parole du Hamas. "Nous parlons de questions relatives au sort du peuple palestinien. Une telle initiative doit être étudiée par des experts et les décisions doivent être prises par toutes les parties concernées, pas de manière individuelle".

Pour compliquer encore un peu plus la situation, le Hamas rappelle qu'il a remporté les dernières élections législatives, organisées en 2006, et qu'il est donc le représentant légitime du peuple palestinien. Si elle est le seul gouvernement reconnu et soutenu financièrement par la communauté internationale, l'Autorité palestinienne ne gouverne plus que par décrets, son mandat ayant expiré sans nouveau scrutin, Israël assurant la sécurité en Cisjordanie.

Dans les rues de Gaza, l'initiative d'Abbas est sur toutes les lèvres, mais les opinions varient.

Awny Ouda, étudiant de 23 ans à l'université islamique de Gaza, ne veut pas d'un Etat basé sur les frontières de 1967. "Abbas veut donner les restes de notre terre et de nos droits sur un plateau d'argent à l'occupation", estime-t-il. "Reconnaître l'Etat palestinien sur les frontières de 1967 nous empêcherait de revenir à nos terres de 1948".

Rawan Hassan, un professeur de 42 ans, évoque, lui, "une mesure cosmétique". Mais Zouheïr Hamdane, un serveur de 25 ans, pense que les Palestiniens n'ont plus rien à perdre et qu'ils attirent au moins l'attention internationale. "Ces dernières semaines, le monde a cherché à comprendre ce qui se passe, et c'est quelque chose de rare de voir le nom de Palestine à la télévision sans lien avec la violence et le sang", dit-il.

Si l'initiative d'Abbas ne devrait pas modifier sensiblement la vie quotidienne dans les territoires palestiniens, même en cas d'issue positive, Bassam Zoubaïdeh, professeur à l'université de Bir Zeït, préfère pour sa part insister sur les "messages importants" délivrés par le président de l'Autorité palestinienne.

"Le message important est à destination des Palestiniens à l'intérieur du pays: il ne transige pas véritablement sur les enjeux principaux, à savoir qu'aller aux Nations unies n'est pas une fin en soi", a-t-il expliqué samedi lors d'une manifestation palestinienne au point de passage de Kalandia, à Jérusalem. "C'est un homme qui a promis que le processus serait long, et il continuera ce processus, que ce soit par le biais de l'ONU ou après, en capitalisant sur cette initiative, jusqu'à la matérialisation d'un Etat".

AP

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