Libye: 50 000 prisonniers du régime ont disparu

Les combats se poursuivent à Syrte.
Les combats se poursuivent à Syrte.

Une demi-douzaine de violentes explosions ont résonné dans la nuit de dimanche à lundi à Tripoli, juste après le survol de la capitale libyenne par un avion de l'Otan.

Après les explosions, les tirs de joie des rebelles se sont interrompus plusieurs minutes, faisant régner un calme inhabituel sur Tripoli, avant de reprendre de façon plus modérée. Les combats sont terminés à Tripoli, mais quelques petits groupes isolés de loyalistes y sévissent encore sporadiquement, essentiellement la nuit, selon les rebelles.

La violence des explosions laisse supposer la présence de forces pro-Kadhafi près de la capitale, où les rebelles ont pris mardi le contrôle du complexe d'où Mouammar Kadhafi dirigeait la Libye depuis 42 ans. L'ex-dictateur est actuellement en fuite.

Dimanche, les rebelles ont signé une avancée majeure vers Syrte (est) mais ont dû subir une violente attaque des forces loyalistes dans une localité de l'ouest du pays. Les insurgés se sont par ailleurs dits inquiets du sort de quelque 50.000 personnes, interpellées depuis le début de la révolte populaire mi-février et qui manquent aujourd'hui à l'appel.

Après une série de victoires samedi dans l'Ouest, les rebelles ont annoncé dimanche la chute sur le front Est de Ben Jawad, à 140 km à l'est de Syrte, verrou qu'ils n'avaient jamais réussi à dépasser lors des multiples fluctuations du front au début du conflit en février et mars.

Ils ont depuis avancé d'une quarantaine de km. Fief de M. Kadhafi, qui est né dans cette région et pourrait y avoir trouvé refuge, Syrte est désormais prise en étau entre des forces rebelles venues de Benghazi à l'est et de Misrata à l'ouest, positionnées désormais respectivement à 100 et 30 km de la ville.

Des négociations sont en cours avec les leaders tribaux de Syrte en vue d'une reddition de la ville, selon diverses sources. Mais un porte-parole des rebelles a prévenu qu'elles ne dureraient pas éternellement et que faute d'un accord rapide, la situation serait réglée par les armes.

Dans l'Ouest, les rebelles sont tombés dans un piège tendu par les pro-Kadhafi dans la localité de Ragdaline, à une soixantaine de km à l'est de la frontière tunisienne. "Les gens de Ragdaline nous ont dit que l'on pouvait entrer en paix et ils ont commencé à nous tirer dessus", a expliqué un insurgé, Alla Mansouri, 27 ans. Tout l'après-midi, les forces loyalistes ont tiré des obus de mortier, des roquettes et à la mitrailleuse lourde, tandis que les rebelles, également visés par des tireurs embusqués, répliquaient au canon et à la mitrailleuse lourde.
Des unités de combattants se préparaient dans le même temps à partir vers le désert du Sud, afin de couper la route de l'Algérie aux pro-Kadhafi en fuite. Et d'autres rebelles visaient Bani Walid, à une centaine de km au sud-est de Tripoli, localité réputée très fidèle au "guide", et dont un convoi de 60 à 80 véhicules des forces loyalistes en fuite a pris la direction samedi.

10 000 prisonniers libérés

A Benghazi (est), le colonel Ahmed Omar Bani, porte-parole militaire de la rébellion, a annoncé que les rebelles avaient libéré plus de 10.000 détenus des prisons du régime depuis la prise de Tripoli, mais que près de 50.000 "personnes arrêtées ces derniers mois" étaient toujours manquantes.

Il a exprimé son inquiétude sur leur sort alors que "beaucoup d'habitants de Tripoli découvrent en ce moment des fosses communes autour des anciens centres de détention, et de la prison Abou Slim". Une cinquantaine de squelettes carbonisés, des prisonniers probablement victimes d'un massacre mardi selon les riverains, avaient ainsi été découverts samedi lors de la prise de la dernière base militaire encore aux mains des forces loyalistes, selon une journaliste de l'AFP. "Nous espérons que Kadhafi est toujours en Libye pour que nous puissions débarrasser le monde de cet insecte", a encore déclaré le colonel Bani, alors que les rebelles ont promis une récompense de 1,7 million de dollars pour la tête de Mouammar Kadhafi, vivant ou mort.

Les rebelles ont par ailleurs indiqué qu'un de ses fils, Khamis Kadhafi, dont la mort a été annoncée à plusieurs reprises depuis le début du conflit sans jamais être confirmée, pourrait avoir été tué samedi lors d'un accrochage avec des pro-Kadhafi. Une semaine après leur entrée dans Tripoli, les rebelles, désormais maîtres de la ville, ont commencé à remettre la capitale en état de marche. Des policiers officiaient à certains carrefours et les magasins qui ont commencé à rouvrir étaient achalandés. Les rebelles assurent également que l'aéroport et la zone environnante ont été sécurisés.

Les coupures d'eau et d'électricité restaient cependant un souci. Selon un responsable technique des rebelles, 70% des foyers du centre-ville avaient peu ou pas d'eau courante, mais un système de distribution d'eau potable a été mis en place dans les mosquées.
Dans le quartier d'Abou Slim, théâtre de violents combats jeudi et réputé pro-Kadhafi, les habitants en état de choc, réalisaient l'ampleur de leurs pertes, leurs maisons étant criblées de balles. Selon un responsable rebelle, les partisans de Mouammar Kadhafi restant à Tripoli sont "des gens livrés à eux-mêmes, pas des groupes organisés qui communiquent entre eux". Ils se cachent "dans les fermes qui entourent Tripoli" et ne font que se défendre car "ils sont dans une situation désespérée".

Pendant ce temps, les pays qui ont soutenu les rebelles pendant six mois de combats déployaient des efforts diplomatiques tous azimuts pour aider à la reconstruction, avec en point d'orgue une conférence jeudi à Paris. Au Caire, la Ligue arabe a demandé à l'ONU de débloquer "les fonds, les avoirs et les biens revenant à l'Etat libyen", et de permettre au Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion, d'occuper le siège de la Libye dans ses diverses instances.

Une cinquantaine de pays ont reconnu le CNT

Malgré les inquiétudes devant son caractère hétéroclite, plus d'une cinquantaine de pays ont reconnu le CNT comme autorité légitime en Libye. L'Algérie, qui partage une longue frontière avec la Libye, ne l'a pas encore fait, affirmant observer une "stricte neutralité" dans ce conflit, suscitant une vive critique des rebelles dimanche.

AFP

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