Libye : les rebelles progressent à l'ouest

Libye : les rebelles progressent à l'ouest

Les rebelles libyens se sont emparés du principal poste-frontière avec la Tunisie, signant une nouvelle avancée face au régime moribond de l’ancien tyran Mouammar Kadhafi, introuvable depuis des jours. Par ailleurs, un commandement unifié se mis en place par les rebelles.

Dans le même temps, des combats ponctuels ont eu lieu sur le front est et à Tripoli, au moment où les appels internationaux à la réconciliation et au renoncement à toute vengeance se sont multipliés, aussi bien du côté de l'Union européenne, des Nations unies que de l'Union africaine.

Un million sept centre mille dollars mort ou vif

Dans l'ouest du pays, les rebelles, qui ont promis une récompense de près de 1,7 million de dollars pour la tête de Kadhafi, mort ou vivant, ont remporté une nouvelle victoire en prenant le contrôle vendredi soir du poste de Ras Jdir frontalier avec la Tunisie.

"Plus d'une centaine de rebelles sont arrivés à Ras Jdir. Il n'y a pas eu de véritable clash, les loyalistes ont pris la poudre d'escampette", a déclaré une source gouvernementale tunisienne. Sur le front est, les pro-Kadhafi, qui avaient reculé de plus d'une centaine de kilomètres il y a quelques jours, résistent encore à Ben Jawad, à 140 km à l'est de Syrte, bombardant les rebelles, bloqués à Ras Lanouf, une vingtaine de kilomètres plus à l'est.

"Tortures et mauvais traitements" (Amnesty)

Les loyalistes dans la région de Syrte, bastion du régime et où pourrait aussi se cacher Mouammar Kadhafi, continuent de résister en tirant des roquettes pour bloquer l'avancée des rebelles. À Tripoli, la violence a décru. Quelques coups de feu ont résonné au loin, parfois une explosion. Selon Abdel Nagib Mlegta, responsable des opérations militaires de la rébellion à Tripoli, l'insurrection contrôle "95 %" de la capitale, où il ne reste que "quelques poches de résistance" autour de l'aéroport ainsi que dans les quartiers de Salaheddine et d'Abou Salim.

D'après Amnesty International, après six mois de combats acharnés, les rebelles comme les pro-Kadhafi pratiquent tortures et mauvais traitements. Elle a aussi fait état d'exécutions sommaires de "nombreux prisonniers" dans deux camps près de Tripoli utilisés par la brigade dirigée par l'un des fils Kadhafi, Khamis. Abdel Nagib Mlegta, des gardes ont tué à la grenade plus de 150 prisonniers avant de s'enfuir du QG de Muammar Kadhafi tombé mardi.

Exécutions sommaires

Parallèlement, 17 patients ont été évacués d'un hôpital de Tripoli, où au moins 80 personnes sont décédées apparemment faute de soins parce que des pro-Kadhafi avaient pris l'établissement et tenu le personnel soignant à distance pendant six jours. Dans le quartier d'Abou Salim, des cadavres de combattants pro-Kadhafi pourrissaient au soleil, dont plusieurs ligotés, tués par balle dans le dos. Des exécutions sommaires, ont confirmé des rebelles. Des journalistes ont assisté à des tabassages d'une violence extrême de partisans présumés du régime qui n'ont dû leur survie, peut-être temporaire, qu'à la présence des médias.

"Il ne doit pas y avoir de représailles", a exigé la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton. Lors des premières prières du vendredi sans Kadhafi à Tripoli, les imams ont aussi appelé au calme. "Cette révolution a été celle de la liberté et de l'islam, alors il ne doit pas y avoir de revanche", a affirmé cheikh Wanis Mabrouk, un imam célèbre pour ses diatribes contre le régime. "Il y a une nécessité urgente de rétablir l'ordre et la stabilité", a déclaré le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. "Si les autorités libyennes le demandent, nous devons être prêts à les aider à organiser une force de police (...)".

Sur le plan diplomatique, le CNT, qui a installé son gouvernement à Tripoli, a reçu de nouveaux soutiens. Mais l'Union africaine refuse toujours de reconnaître sa légitimité. "Il y a encore des combats (...). Donc nous ne pouvons pas dire que (le CNT) est la force qui est légitime maintenant", a déclaré le président sud-africain Jacob Zuma, s'exprimant au nom de l'UA qui a appelé à un "gouvernement de transition incluant toutes les parties". Pour le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, la victoire des rebelles ne sera acquise que "lorsque toute menace de violence contre les populations civiles aura été écartée et lorsque Kadhafi aura été neutralisé". "L'Otan ne doit pas baisser la garde".

Un commandement unifié

Les combattants rebelles libyens à Tripoli vont être placés sous un commandement unifié et intégrés au sein d'une nouvelle armée nationale au terme d'une période de transition, a annoncé vendredi Abdel Hakim Belhadj. Ce dernier dirige l'insurrection armée dans la capitale libyenne. Issu de la mouvance islamiste, il s'était réfugié à la fin des années 1990 en Afghanistan, alors dirigé par les talibans, et, s'il a bien été en contact alors avec Oussama Ben Laden. D'après les médias arabes, Abdel Hakim Belhadj, 50 ans, a joué un rôle de premier plan dans l'offensive menée par les rebelles contre Tripoli.

Abdel Hakim Belhadj a précisé que le commandement unifié des insurgés libyens serait confié à un Conseil militaire. "Le Conseil militaire annonce son intention de dissoudre toutes les formations rebelles et de les intégrer au sein des institutions de l'Etat", a-t-il dit au cours d'une conférence de presse. Il a ajouté que les insurgés mettaient au point une stratégie pour garantir la sécurité de toutes les institutions publiques et de toutes les missions diplomatiques à Tripoli.

Il fait partie de la direction du Mouvement islamique pour le changement en Libye (Al Haraka al Islamiya al Libiya Lit-Tahrir), organisation composée pour l'essentiel d'anciens membres du Groupe islamique de combat en Libye (GICL). Ce GICL a désormais disparu après avoir tenté de renverser Mouammar Kadhafi dans les années 1990. Mais pas seulement.

Des soupçons d'implication dans l'assassinat du général Younès

Selon le journal français Libération, dans son édition de vendredi, Abdelhakim Belhaj est connu aussi sous le nom d'Abou Abdallah Al-Sadek.Après avoir rejoint le mouvement de libération libyen dès les premiers soulèvements contre le régime, Abdelhakim Belhaj est soupçonné par certains d'avoir participé à l'assassinat du général Younès, ancien chef des armées rebelles, en juillet dernier. Une vengeance peut-être. Abdel Fattah Younès, aurait, d'après une source de Libération "mené une lutte acharnée contre le GIC de 1990 à 1995 en Cyrénaïque" lorsqu'il dirigeait les forces spéciales du régime libyen. Ces lourds soupçons qui pèsent sur celui qui a été à la tête de l'assaut lancé contre la résidence du guide libyen à Tripoli, pourrait embarrasser le CNT lui-même.

Pour Saïd Haddad, spécialiste de la Libye, il faut rester "prudent" sur la menace de radicalisation du conseil de transition. "La présence d'Al-Qaïda a été un argument invoqué par le régime de Kadhafi pour mettre en difficulté l'opposition". Pour lui, au contraire "Al-Qaida a été dépassée par les révolutions arabes".

?Avec Reuters et AFP

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