Abdelaziz Rahabi : "Un pays non gouverné par ses institutions ne peut gérer une telle situation"

Abdelaziz Rahabi
Abdelaziz Rahabi

Dans cet entretien, accordé à El Watan, l'ancien ambassadeur et ministre Abdelaziz Rahabi analyse les derniers évolutions que connaît le Maghreb et surtout la position de l'Algérie face à ces événements

Depuis le début de la crise en Libye, l’Algérie a brillé par son assourdissant silence et par sa position ambiguë. Pourquoi une telle attitude d’autant plus que l’Algérie est directement concernée par ce qui se passe en Libye, notamment sur le plan géographique ?

Ce n’est pas propre à la Libye, nous n’avons pas non plus accompagné les révoltes pacifiques en Tunisie et en Egypte qui renseignent sur le degré de convergences des idées de liberté et de dignité chez les peuples de notre région. Un pays qui n’est pas gouverné par ses institutions et ses élites ne peut pas être préparé à comprendre et gérer cette subite accélération de l’histoire, pas plus à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. Nos dirigeants attendent et espèrent secrètement que ces expériences échouent pour se transformer en contre-modèle pour le peuple algérien.

D’aucuns estiment que notre diplomatie est à la traîne. A votre avis où réside le problème ? Une diplomatie forte c’est celle qui a les capacités de gérer techniquement des situations comme celle qu’a vécues la Tunisie, l’Egypte, la Libye... L’illisibilité a caractérisée la position algérienne. Est-ce un problème d’hommes ? de compétence ? Pourquoi une telle défaillance ?

C’est toute l’Algérie qui est à la traîne, la diplomatie n’est qu’un outil de la politique extérieure qui doit elle-même réussir la synergie entre défense nationale, économie et diplomatie. Celle-ci est servie par des hommes de très grande qualité et j’en veux pour preuve sa gestion des intérêts diplomatiques pendant les années de crise sécuritaire avec peu de moyens mais un objectif clair et un engagement collectif sincère. Elle a fait place à une diplomatie-spectacle portée par un fantomatique Nepad qui, au plus, garantit un strapontin au G8. Aujourd’hui l’appareil diplomatique n’a plus la marge de manœuvre qui était la sienne sous Chadli et Zeroual, et le prestige de la guerre de Libération qui a porté la diplomatie des années soixante-dix n’est plus d’actualité. Nous devons nous résoudre à composer avec les nouvelles réalités du monde.

La Tunisie, le Maroc et l’Egypte ont reconnu le CNT à l’exception de l’Algérie, comment qualifiez-vous cette démarche ?

Ces pays ont connu des mutations qualitatives et sont conscients que dans le monde d’aujourd’hui, les principes doivent être mis au service des intérêts du pays et non l’inverse. Chez nous, la décision est encore centralisée et ses détenteurs sont des héritiers d’un ordre international révolu. Ils ne sont pas encore sortis de la guerre froide.

Au moment de la prise de Tripoli, les manifestants se sont attaqués uniquement à l’ambassade d’Algérie en Libye. Est-ce là une réponse au parti pris de l’Algérie pour El Gueddafi ?

A mon sens, le plus grand dommage porté à l’Algérie dans cette affaire est le sentiment que nous avons donné au peuple libyen qui pense, à tort d’ailleurs, que l’Algérie a soutenu militairement et politiquement Gueddafi. La mémoire des peuples est infaillible et cette incompréhension marquera longuement nos futures relations. Par ailleurs, nous n’avons pris aucune initiative à l’effet de clarifier notre position et de neutraliser les acteurs d’une campagne anti-algérienne dans laquelle le CNT lui-même a été instrumentalisé.

Alors, à vote avis, quel comportement va adopter le CNT vis-à-vis de l’Algérie ? Des relations tendues ?

Elles ne le seront pas pour longtemps parce que le CNT est pragmatique et fera tout pour normaliser ses relations avec l’Algérie dans la période de transition vers la mise en place de la nouvelle Libye. Les Libyens misent aussi sur l’après-Bouteflika trop marqué par son amitié avec El Gueddafi pour refonder leurs relations avec l’Algérie. Ils ne prendront pas le risque d’une gestion permanente de la crise avec un grand voisin pour peu qu’ils s’affranchissent de la tutelle de ceux qui les ont portés au pouvoir.

Nabila Amir

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Commentaires (6) | Réagir ?

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si_tizi akin

On a tellement raté de trains pour évoluer, qu'on s'y plait sur le quais de la médiocrité!

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am_drs l'éclair

Bjr, et merci à M. Rahabi, il vient de faire une analyse riche en enseignements. Moi je pense que notre diplomatie est à l'image du pays. Tout est relatif, tous les secteurs sont touchés, on est incapable d'aller de l'avant, on produit de l'echec en permanence, car nos institutions sont illégitimes et archaïques. Elles ne sont pas là pour défendre les intérêts du pays, au contraire, elles sont la pour nous nuire et nuire aux générations futures. En effet, tt ça désole le peuple algérien. Au lieu qu'on soit au devant de la scène nord-africaine pour consolider nos relations avec nos voisins et progresser dans la construction d'une union régionale, politique économique et sociale, on sombre dans le cynisme et le déni du soi et de ses siens.

Il faut attendre que l’Algérie se démocratise pour tirer les bonnes leçons. en tout cas le peuple libyen nous voudra pour longtemps et il a raison de la faire, on vient de lui tourner le dos. Et l'histoire souviendra de la lâcheté de nos gouvernants.

Moi je crois qu'un peuple est libre et y demeure le jour où il aura le pouvoir de contrôler les actes de ses institution, car il s'agit du sort de tout un peuple, voir d'une région qui est en jeux. Je lance un appelle au peuple algérien, il doit prendre ses responsabilité en suivant la révolution de ses voisins, on doit assainir le Nord-Afrique, afin de créer un monde nouveau avec une nouvelle gouvernance et de nouvelles règles. A mon sens la démocratie de proximité est le meilleur modèle à suivre. car elle vecteur de liberté, de transparence et de cohésion. pas de nation libre sans des peuples libre. vivre la liberté et vive le fédéralisme nord-africain.

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