Zohra, une Algérienne victime d’une expédition punitive familiale, en France

Zohra est d’origine algérienne. Enseignant de 25 ans, elle vit dans le Var (Sud de la France). Le 12 août, elle a été agressée, enlevée et séquestrée par des membres de sa famille. La raison ? Elle vivait une relation amoureuse avec un non musulman.

Les quatre membres de cette famille installée à Saint-Etienne (Loire) auteur de l’agression ont été mis en examen dimanche soir pour l’enlèvement avec violence sur Zohra.

Même dans un pays de liberté, de nombreuses femmes issues de l’émigration demeurent toujours soumises au carcan familiale, voire parfois tribal. Et l’exemple de cette jeune enseignante est édifiant. Ahurissant de déni des nouvelles réalités. Cette jeune femme a voulu tout simplement vivre sa vie. Et à maintes reprises sa famille s’y est immiscée.

Mois après mois, le clan famillial a gravi les échelons de la violence, parce qu’il n’approuvait pas sa relation sentimentale. Jusqu’à rouer de coups cette enseignante de 25 ans, en pleine rue, vendredi 12 août, au cours d’une opération commando. Un œil au beurre noir, des hématomes sur les bras, dans le dos… Jusqu’où seraient-ils allés pour la faire revenir dans le giron familial ? Dimanche, quatre membres de sa famille ont été mis en examen pour l’avoir enlevée avec violence : son père, un Algérien de 67 ans, sa mère âgée de 62 ans, mais aussi son frère de 34 ans et sa sœur de 27 ans.

Zohra a rencontré son compagnon il y a des années. Elle vit avec ses parents, ses deux frères et sa sœur à Saint-Etienne, dans la Loire. Son amoureux n’étant ni d’origine algérienne, ni musulman, Zohra se doute que la famille ne verra pas cette relation d’un bon œil. L’histoire se poursuit en secret. En janvier 2010, la jeune femme rejoint son amoureux à Brignoles, dans le Var. L’escapade ne dure pas : le lendemain, son frère aîné débarque et la convainc de revenir à Saint-Etienne. Deuxième échappée en octobre 2010, d’une semaine cette fois. Revenue au bercail sous la menace de son frère, elle est battue par son père. C’en est trop : le 8 juillet 2011, le compagnon de Zohra déboule à Saint-Etienne et l’emmène dans le Var. Le couple brouille les pistes, change de logement. "Zohra s’est même teint les cheveux", rapporte le procureur de Saint-Etienne, Jean-Daniel Régnauld.

Rouée de coups en pleine rue

Le couple croit souffler. Mais le matin du 12 août, Zohra promène ses chiens place Jean-Reynaud, au cœur de Brignoles, quand surgissent son père, sa mère, son frère et sa sœur. A terre, elle est frappée avec un bâton et une laisse de chien. "Zohra tente de s’échapper et d’entrer dans une Renault 5 qui passe. Son père et son frère la hissent hors du véhicule", détaille Jean-Daniel Régnauld. Son compagnon donne leur signalement à la police. Le lendemain, depuis Saint-Etienne où elle a été reconduite de force, Zohra lui annonce qu’elle rompt. Dans un commerce où sa famille lui fait retirer son piercing, la jeune femme se confie au tatoueur : "Elle s’est rapprochée et m’a dit : j’ai un gros problème, ces gens m’ont menacée, tabassée. Elle m’a montré ses bras", raconte Marc, qui contacte les policiers. Lorsqu’ils arrivent rue de la Paix, au domicile des parents, la famille s’apprête à porter plainte contre le compagnon de Zohra, l’accusant d’être l’auteur des coups. La jeune femme se jette dans les bras des policiers, les suppliant de l’aider.

Face aux déclarations des quatre témoins de l’enlèvement, la famille nie en bloc. Ils auraient voulu sauver leur fille de cet homme "violent et toxicomane", raconte le procureur. La mère a en outre admis que le fait qu’il ne soit pas musulman posait problème. Dans l’appartement, les enquêteurs retrouveront un passeport algérien au nom de Zohra, "fait à son insu". Cette famille, dont les enfants sont bien intégrés – un enseignant, une secrétaire… – avait-elle prévu un voyage express en Algérie ? Zohra a-t-elle échappé à un mariage forcé ? Mis en examen pour "enlèvement, violences volontaires avec arme ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours", le père, le frère et la sœur ont été placés en détention provisoire. Ils risquent 20 ans de réclusion. La mère, malade, a été laissée libre sous contrôle judiciaire. Zohra a porté plainte contre eux. Un geste difficile, salué par les associations, qui scelle la rupture avec son clan. Elle devra tout reconstruire. Mais, enfin, sa vie lui appartient.

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