Paradoxes de l’Algérie : riche en hydrocarbures mais importatrice de l’essence super sans plomb

Pourquoi garder du plomb dans l'essence ?
Pourquoi garder du plomb dans l'essence ?

L’Algérie a commandé 330.000 tonnes de gasoil en juillet et août 2011 et selon certaines sources parues au niveau international, à confirmer ou à démentir par Sonatrach, l'Algérie a importé également de l'essence super sans plomb pour une quantité de 130 000 tonnes pour une valeur d'environ 130 M USD pour juillet 2011, avec autant de quantités en prévision pour le mois d'août. Je me limiterai dans cette présente contribution à certains facteurs technico-économiques de l’essence super sans plomb.

Au même titre que les autres carburants, cela devra impérativement être associé à une nouvelle politique des prix ciblée pour optimiser l’allocation des ressources, éviter les gaspillages et fuite hors frontières. Le travail de nos services de sécurité et douaniers louables étant une goutte d’eau dans un désert s’il n’est pas soutenu par un politique économique plus visible et plus cohérente, ce qui est de la responsabilité du gouvernement.

D'exportatrice, l'Algérie est devenue importatrice

L’Algérie importe presque tout (75% des besoins des entreprises et des ménages) et exportant une seule ressource (98%) à l’état brut ou semi-brut, les hydrocarbures étant une économie totalement rentière. Pour l’essence sans plomb, des quantités plus importantes seront nécessaires à partir du mois de septembre 2011 qui verra l'arrêt annuel d’un mois pour maintenance de la plus importante unité de production (Reforming de Skikda). Ces quantités seront de plus en plus importantes à l'importation durant les arrêts prévus pour fin 2011 pour l'unité d'Arzew et 2e trimestre 2012 pour Skikda pour la réhabilitation des unités de production. La problématique réside dans le fait que l'entreprise Naftal en charge de la distribution des carburants sur le territoire national opte de plus en plus pour une surconsommation de l'essence super sans plomb pendant que la division Raffinage de Sonatrach ne cesse d'augmenter les taux d'éthyilation "consommation importante de l'additif de plomb" et des déclassements des produits aromatiques dans les essences pour répondre à la demande croissante du marché. Le marché des essences a connu une phase difficile au début des années 1990, vite surmontée avec le démarrage en 1993 de la nouvelle unité de Reforming à Skikda. L’Algérie était passé alors d’un pays importateur à un pays exportateur d’essence. Malgré des écarts dans certaines spécifications (teneur en aromatiques notamment) l’entreprise plaçait à l’exportation l’excédant de sa production de super sans plomb. La nouvelle situation a également permis de réduire considérablement et graduellement la consommation des additifs de plomb dans les essences.

L'Algérie un des rares pays à utiliser les additifs de plomb

L’évolution des spécifications des essences en Europe, à partir de 1995 et la prévision d’entrée en vigueur de la nouvelle norme de la teneur en soufre dans le diesel à 10ppm à compter de janvier 2000 ont constitué les bases de données de la politique de développement et d’adaptation des unités de raffinage en Algérie. L’arrêt des exportations de diesel en raison de l’augmentation constante depuis l’année 2002 de la demande du marché local a conduit à sursoir du projet d’adaptation les unités de désulfuration des gasoils. L’abondance de la production en essences a conduit une surconsommation de l’essence super sans plomb au détriment des autres grades en raison des prix pratiqués, alors que la suppression du plomb dans les carburants n’était pas décidée par les pouvoirs publics. La situation actuelle prévisible depuis l’année 2006 a contraint la société à revenir à une surconsommation de l’additif de plomb depuis juillet 2010 et d’arrêter la marche des unités aromatiques pour augmenter la production des essences. Ainsi, l’équilibre offre-demande est rompu au profit de la demande et l’Algérie reste un des rares pays n’ayant pas abandonné l’utilisation des additifs de plomb. Cette situation a conduit à la rupture de l'équilibre offre-demande malgré les actions entreprises. Même les nouvelles unités en cours de réalisation pour améliorer l'offre en essence semblent déjà dépassées, il est nécessaire de revoir la stratégie de distribution des carburants en adéquation avec les capacités réelles de production. En précisant que la raffinerie de Skikda produit la majorité de l’essence sans plomb, le projet d’adaptation étant en chantier, rendant ainsi difficile à court terme une suppression de la construction des unités aromatiques. Il s’agit de revoir la politique de consommation du marché en essence pour éviter au moins à l’Algérie l’importation d’un composant pour l'essence, le MTBE en quantité importante induit surtout par l’extraction des aromatiques du pool essence et de la suppression de l’additif de plomb.

L'urgence d'un débat sur une nouvelle politique des carburants

Il y a urgence, comme je l’ai démontré dans un audit sous ma direction pour le gouvernement, de mener une réorientation de la politique des carburants orientée vers les produjits issus du gaz et non plus du pétrole, l’Algérie étant un pays gazier. Pour éviter des rumeurs dévastatrices sans intérêts pour le pays, j’appelle à un débat national serein et sans exclusive sur des dossiers sensibles qui engagent la sécurité nationale. Comme le mode de placement et le rendement des réserves de change, produit de la rente des hydrocarbures, la problématique de la durée de vie des réserves d‘hydrocarbures et d’un nouveau modèle de consommation énergétique, un dossier étant en cours que je dirigerai avec des experts afin d‘éviter que certains qui ne connaissent pas le secteur écrivent n’importe quoi. D’une manière générale, cela pose la problématique de la trajectoire future du développement de l’Algérie afin de réaliser la transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.

Professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique

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Commentaires (7) | Réagir ?

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fateh yagoubi

merci pour le partage

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rabah Benali

Bonjour

Ce n’est guerre un paradoxe que l’Algérie importe du gas oil et même de l’essence sans plomb. Comme je l’ai déjá écrit dans un commentaire le 06 du mois courant, en plus de ces produits pétroliers connus du grand publique, l’Algérie importe beaucoup d’autres produits pétroliers et gaziers que ce même grand public utilise tous les jours sans se poser de question sur leurs origines. Pour rappel, l’Algérie importe plus de 50 % de ses besoins en lubrifiants (Huiles moteurs et graisses industrielles), env 90 % de ses besoins en bitume (Routier et oxydé pour le batiment). Elle importe 100 % de ses besoins en polymères (plastiques) etc. L’importation de gas oil et d’essence sans plomb est due aux faiblesses suivantes :

- Sous - capacités totales de raffinage:

Les 15 millions de tonnes /ans environ des années 70 sont toujours les même.

Je dirai, sans riquer de me tromper, qu’elle est même moindre. Vue la vétusté et l’âge des raffineries qui ne tournent plus à leur plein régime. Usines dont le fonctionnement doit coûter les yeux de la tête en pièces de rechange et en arrêts imprévus. (Pannes)

- Inadaptation des process de raffinage.

On ne produit pas de l’essence plombée avec le même process (et donc équipements) que l’essence sans plomb. Même si la phase intiale du raffinage est la même.

Comme l’âge moyen mini des toutes les raffineries Algériennes est de 35 ans, leurs unités de raffinage en produits blancs (GPL -essence - kerosene - gas oil etc..) doivent être adaptées techniquement pour pouvoir produire aussi de l’essence sans plomb. A mon savoir adaptations techniques jamais réalisées.

Quelques adaptations primaires (revamping) ont été réalisées sur quelques raffineries pour améliorer la capacité de production. Celà demeure réelement du domaine du «bricolage industriel»

L’achèvement de la raffinerie de Bejaia début des années 80 (usine payée d’ailleurs à hauteur de 75 % de la totalité de sa valeur) aurait bien changé le visage des choses.

Mais à l’époque les gangsters du Far West, (comme aujourd’hui d’ailleurs) ont préféré tenir les Kabyles dans l’indigénat industriel quitte a importer de l’essence sans plomb quelques décennies plus tard. L’importation de l’essence sans plomb et du gas-oil peut être acceptable compte tenu que c’est Sonatrach ou une de ses filiales qui réalisent les opérations. Donc la réalité et l’honnêteté des prix et quelques règles et principes de déontologie commerciales peuvent être espérées. Par contre, que les journalistes aillent fouiner un peu du côté de l’importation du bitume routier et oxydé, ou bien des lubrifiants et des plastiques. Ils découvriront des choses intéressantes et ahurissantes à la fois.

Ils comprendront comment fonctionne la mécanique du partage de la rente à la manière de Djehha.

Benali

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