Tunisie : la famille Trabelsi comparait devant une justice qui ne regarde pas à la peine

Tunisie : la famille Trabelsi comparait devant une justice qui ne regarde pas à la peine

En Tunisie, vingt-neuf personnes comparaissent ce mercredi 10 août 2011 devant le tribunal de Tunis. Parmi elles, des sœurs ou des neveux de Leïla Trabelsi, l’épouse de Ben Ali. Les accusés, dont 23 sont prévenus et 6 comparaissent libres, sont passibles de six mois à cinq ans de prison.

Devant la Chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis, le procureur a demandé la « peine maximum » alors que les avocats plaidaient le non-lieu au profit de leurs clients. Après avoir été reporté deux fois, le procès qui se tient ce 10 août, concerne 29 accusés, parmi lesquels le général Ali Seriati, le très redouté chef de la sécurité présidentielle de Ben Ali.

Bijoux, passeports, dollars et dinars

Tous sont poursuivis pour tentative de fuite et possession illégale de devises et tous clament leur innocence. A ces motifs s’ajoutent la complicité et la falsification de passeport pour le général Seriati, homme-clé de la fuite des Ben Ali, c’est lui qui en a été le maître d’œuvre. Proche de Leïla Trabelsi, il aurait en effet fabriqué, au palais présidentiel même, des faux passeports pour la famille proche de Ben Ali. Une fois clos le procès de ce jour, Ali Seriati sera loin d’en avoir terminé avec la justice. En effet, il fait par ailleurs l'objet de poursuites pour des chefs d'inculpation beaucoup plus graves tels que complot contre la sécurité intérieure de l'Etat, incitation à commettre des crimes et provocation au désordre, qui devraient faire l'objet d'un procès ultérieur.

Plusieurs sœurs et neveux de Leïla Trabelsi, dont Imed Trabelsi déjà condamné à quatre ans de prison pour détention et consommation de drogue, figurent également au nombre des accusés. Ils avaient tous été arrêtés à l’aéroport de Tunis-Carthage, le 14 janvier, essayant de prendre la fuite alors que la rue avait fait basculer le pouvoir. Pour la plupart, ils détenaient de fortes sommes d’argent en dinars et en devises ainsi que des bijoux. Les 29 poursuivis à Tunis risquent entre six mois et cinq ans de prison ainsi que de fortes amendes.

Une justice qui résiste au changement

La justice tunisienne ne rechigne pas à juger les anciens maîtres du pays. Le problème, remarquent nombre d’opposants de la première heure, c’est que l’institution n’a pas changé contrairement à l’exécutif et au législatif qui ont été dissous suite à la suspension de la Constitution en mars 2011. L’ancien ministre de la Justice est bien poursuivi pour corruption présumée, mais placé en garde à vue le 11 juillet, il a été remis en liberté le 3 août. Dissous également, l’ancien parti-Etat de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), mais dont les membres les plus illustres se sont recyclés avec succès, comme le dénonçaient le 8 août et encore ce mercredi quelques centaines de manifestants dans le centre de Tunis qui réclamaient notamment une rupture avec l’ancien régime.

Ce ne sont pas non plus les trois procès intentés à l’ex-président Zine El-Abidine Ben Ali et à sa femme Leïla qui vont réconcilier les Tunisiens avec leur justice. Jugé par contumace, Ben Ali été condamné à 66 ans de prison (Leïla à 35 ans). Une peine qu’ils ne risquent pas de purger, puisqu’il n’existe pas de convention d’extradition entre l’Arabie Saoudite, où ils se sont réfugiés, et la Tunisie. Ben Ali et sa femme sont impliqués dans près de 200 affaires allant du détournement de fonds, à la détention d’armes et de stupéfiants, vol et possession illégale de bijoux, fraudes immobilières sans oublier l’abus de pouvoir. Le tout motivant près de 100 chefs d’inculpation tant au civil que devant une juridiction militaire. Selon un de ses avocats, au bout du compte, l’ancien dictateur pourrait écoper de plusieurs centaines d’années de prison. Le prochain procès est prévu à huis clos car il concernera des accusations d’atteinte à la sûreté de l’Etat et d’homicides volontaires ; pour ces crimes, il est passible de la peine de mort.

Un goût d'inachevé

Ces procès rapides pour ne pas dire expéditifs, qui n’ont pas rompu avec les mœurs précédentes, laissent nombre de Tunisiens sur leur faim. Sur les quelque 150 membres du clan Ben Ali-Trabelsi, une centaine sont sous le coup de poursuites ou d’enquêtes. Mais des centaines, voire des milliers de Tunisiens ont eux aussi vécu grassement des prébendes du régime et continuent discrètement de le faire. Tant que cette situation se prolongera, tous les procès du clan Ben Ali-Trabelsi seront interprétés par l’opinion tunisienne comme un pis-aller, comme l’arbre qui cache la forêt. C’est pour cela aussi que les manifestations se prolongent dans le pays comme l’explique encore ce mercredi un responsable politique battant le pavé à Tunis : "Nous avons le devoir de ne pas laisser confisquer la révolution, d'être fidèles aux martyrs".

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