Aggravation de l’économie mondiale et son impact sur l’économie algérienne

Pour la première fois de l'histoire des Etats-Unis, la Standard & Poor's dégrade la dette souveraine américaine qui perd son triple AAA à AA. C’est que les thérapeutiques conjoncturelles européennes de juillet et américaines du début aout 2011 ne s’étant pas attaquées à l’essence du mal qui ronge le corps social mondial, il fallait s’attendre à des turbulences cycliques au niveau des bourses mondiales. Comme cela est le cas en ce mois d'août 2011.
L’Algérie ne risque rien pour le stock déposé dans les banques centrales garantis par les Etats mais se pose la question de la dépréciation sur les marchés libres et leurs rendements. Un trader consulté sur la question s'est certes montré inquiet de la dégradation de la note américaine mais n’a pas une vue de sinistrose car si 'la Standard & Poor' a dégradé la note américaine, après l’agence chinoise. Elle n’a pas pour l’instant été suivie par des agences aussi importantes comme Fitch Rating et Moodys. Pour ce spécialiste financier, une perspective historique sur les défauts de paiement et le "debt ceiling" nous renvoie à l'histoire financière ayant été augmenté 10 fois dans les dernières années sans avoir créé cette folie sur les marchés que l’on observe en ce mois.
Les indicateurs du Portugal et des USA sont comparables. Pour le Portugal, le total debt est de 87% of GDP ; les USA sont à 99% of GDP. Le déficit public portugais est 8.6% of GDP et celui US est 8.9% of GDP. Alors la question qui se pose : où se trouve la vraie bombe financière ? Si on regarde 240% of GDP et il y a pas eu de défaut. La Russie a fait défaut en 1998 avec seulement 12.5% debt to GDP ratio. Le Japon a le taux le plus élevé dans le monde occidental avec 200% debt to GDP ratio et malgré cela, il continue à emprunter sur les marchés avec des taux d’intérêt presque nul. Dans le bond market, il y a une règle qui dit que ce n’est pas le montant de la dette qui est important mais le "carrying cost" ou le coût ou le taux d'intérêt sur la dette qui est crucial. Pour cet expert, l’Algérie les placements en bons de trésor américains font suite à la logique mondiale et il est souhaitable qu’elle ne liquide pas sa position à court terme ; une des causes étant principalement la dynamique de politique interne américaine à la veille des élections.
Quelques aspects à retenir
L’envolée de la dette publique occidentale explique les tensions budgétaires actuelles depuis fin 2010 tant aux USA qu'en Europe mais également en Chine. C’est-à-dire au niveau des trois espaces économiques les plus puissants du monde. En effet, le PIB mondial est évalué selon les statistiques du FMI en 2010 à 61963 milliards de dollars US. Selon la FED américaine la dette publique US dépasse les 14. 294 milliards de dollars, soit 97% du PIB pour une population estimée à 310 millions.
Pour l’ensemble de la communauté économique européenne des 27, selon Eurostat, la dette publique représente 80% du PIB soit 12.885 milliards de dollars pour une population d’environ 500 millions. USA et Europe 12% de la population mondiale concentrent 27136 de milliards de dollars de dettes publiques.
Cela démontre une concentration excessive du PIB près de 50% pour une population ne dépassant pas 900 millions d’habitants alors que la planète approche 7 milliards d’habitants. Car pour la Chine, pourtant deuxième puissance économique mondiale depuis 2010, pour une population de 1,33 milliard d’habitants le PIB, totalise seulement 5.745 milliards de dollars soit 9,5% du PIB mondial qui a placé une grande partie de ses réserves de cange environ 30% sur plus de 3400 milliards de dollars de réserves de change, connaît une explosion de sa dette publique et un retour à l’inflation 5,4% au premier semestre 2011, selon les statistiques officielles chinoises. Pour le cas de l’Europe, pour la première fois le 7 août 2011, en attendant l’opérationnalité du fonds de stabilisation, la BCE vient de décider de racheter les obligations de la dette italienne et espagnole après avoir avalisé celle de la dette grecque démontant leurs dégradations réelles.
Un milliard six cents de perte pour l'Algérie
L’économie comme nous l’ont enseigné les classiques étant politique, dans toute analyse dynamique il y a lieu de prendre en compte le temps comme l’a montré le grand économiste polonais Kalecki et de raisonner en termes de flux. Il y a risque de dépréciation de leurs valeurs en cas de non-résolution structurelle de l'endettement des Etats, selon plusieurs spécialistes. Les Chinois parlent officiellement d'une dépréciation de 15 milliards de dollars pour des placements de 1150 milliards de dollars en bons de trésor américains (30% de leurs réserves de change) et les Japonais de 10 milliards de dollars US pour un total de placement de 1000 milliards de dollars. Soit à court terme 10%. Ce qui donnerait pour l’Algérie une perte de 1,6 milliard de dollars uniquement pour les placements aux USA d’où la non-précipitation car les cours pourraient remonter.
Hausse de la facture des importations
Par ailleurs, 75 milliards de dollars (80% des réserves selon les déclarations officielles étant placées à l’étranger) sont placés dans d‘autres espaces économiques et géographiques entre les banques centrales et des banques internationales dites AAA mais dont certaines ont été déclassées depuis la crise d’octobre 2008. La hausse prévisible des taux d'intérêts avec le risque d’un ralentissement des investissements, combinée avec la dépréciation du dollar 98% des exportations algériennes en dollars et 60% des importations en euros, (d’où selon mes informations 45% en dollars et 45% en euros) permettra-t-elle de contrebalancer cette baisse ? Cette hausse des taux d’intérêts entrainera une poussée inflationniste. Pour l'Algérie qui importe 75% de ses besoins cela signifie également hausse de la facture des importations. Il faudrait dresser donc une balance devises à partir de différents scenarios et entamer un débat serein sur les options d’utilisation des réserves de change pour éviter des rumeurs dévastatrices nuisibles à l’Algérie car la monnaie est avant tout un rapport social, un rapport de confiance entre l'Etat et les citoyens.
Mais selon moi, le vrai débat est ailleurs, tant au niveau international que local. D’abord repenser le fonctionnement du système économique mondial par une nouvelle gouvernance mondiale. L’émergence d’une économie et d’une société mondialisées et la fin de la guerre froide remettent en cause la capacité des États-nations à faire face à ces bouleversements. Les gouvernements à travers les États-nations sont désormais dans l’impossibilité de remplir leurs missions du fait de la complexification des sociétés modernes, de l’apparition de sous-systèmes fragmentés, de l’incertitude liée à l’avenir et de la crise de la représentation politique, d’où l’exigence de s’intégrer davantage dans un ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations planétaires.
Remise en ordre urgente des finances publiques
En l’absence d’institutions internationales réformées tenant compte des nouvelles mutations mondiales et notamment des pays émergents, capables de prendre le relais de la souveraineté étatique défaillante, le risque est que le seul régulateur social demeure les forces du marché à l’origine d’ailleurs de la crise mondiale actuelle. Aussi, il s’agit de prendre au sérieux ces turbulences en prenant des décisions d’ordre structurelles au risque d’un krach mondial pire que celui de 1929. Faute d’une remise en ordre énergique des finances publiques notamment aux USA et en Europe il y a fort risque d’aggravation de l’économie mondiale.
Les replatrages nous conduira vers une déflagration sociale
Pour l'Algérie, le vrai débat doit porter sur celui d’une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales renvoyant à l’approfondissement de la réforme globale. L’Algérie assistant en spectatrice passif à une scène qui l’intéresse à plus d’un titre. Certains responsables tétanisées, il s’agit de dépasser l’entropie actuelle caractérisée par une bonne gouvernance mitigée, le manque de cohérence et de visibilité dans la politique socio-économique, le gouvernement misant uniquement sur des dépenses monétaires sans analyse des impacts grâce à la rente des hydrocarbures pour calmer le front social. L’Algérie ne saurait être isolée des mutations mondiales. Aussi, sans vision stratégique, comme c’est le cas actuellement, les replâtrages préparent une très grave déflagration sociale à moyen terme. Le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir, un large débat national sur les questions stratégiques qui engagent l’avenir de l’Algérie s’impose.
Abderrahmane Mebtoul, expert international
Commentaires (4) | Réagir ?
S'il y avait de vrais économistes algériens en Algérie ils auraient recommandé au gouvernement algerien de transférer les bons US vers l'or.... Très simple et pas besoin de toutes ces analyses bidons et réthoriques...
Prof. Dr. Cherif Ghalizani
Professor US University
Moi aussi je me demande de quelle économie nous parle Mr l'expert !
Un pays qui se borne à vendre du pétrole pour acheter la semoule et le sucre, ce pays ma grand-mère peut le gérer. On devrait arrêter de nous leurrer.