La saison des grèves

Plus d’un an après la tentative de suicide collectif, les jeunes diplômés et chômeurs de la wilaya pétrolière d’Ouargla (à environ 800 km au sud-est d’Alger) poursuivent, simultanément avec le printemps arabe, un massif mouvement protestataire qui s’est propagé sur l’ensemble du pays, et qui revendique un changement radical de l’administration. L’arrêt de la bureaucratie et de la corruption.
Si l’Algérie se classe comme le 9ème exportateur mondial de pétrole, c’est grâce à la générosité du sous-sol de la Wilaya d’Ourgala, surtout à celui de la ville de Hassi Messaoud où œuvrent la Sonatrach et les principales multinationales pétrolières. Mais, paradoxalement, un bon nombre des jeunes diplômés de la même wilaya qui se nomment « le poumon de l’économie algérienne » vit dans le chômage.
Le 19 juin dernier, la tension est montée. Les jeunes chômeurs ont, massivement, investi les rues pour exprimer leur mal à l’aise et leur mécontentement. Regroupant plus de 500 jeunes diplômés chômeurs, une marche pacifique a sillonné les principales artères d’Ouargla. Bloquant et la mairie et les importants quartiers commerciaux. Les protestataires ont scandé des slogans hostiles à l’administration algérienne : «Tous contre la bureaucratie qui nous asphyxie », « A bas la corruption et la hogra », «Le pétrole coule à flots et nous mourrons de faim ». D’un autre coté, une quarantaine de chômeurs ont entamé, depuis le 31 mai, une grève de la faim devant le siège de la daïra de Hassi Messaoud. « Ils ne réclament que le droit d’accès à l’emploi au même titre que tous les algériens » dit un gréviste. Ils dénoncent aussi la «politique de l'emploi des agences locales, notamment les sous-traitants qui exploitent les travailleurs avec des salaires minables sans couverture sociale».
La guerre des chiffres
D’après Hamid Temmar, ministre des Participation et de la Promotion de l'Investissement, le taux de chômage en Algérie ne dépasse pas 11%. Un chiffre très contesté par des experts et des organismes indépendants qui avancent un chiffre avoisinant les 30%. « Que nos responsables déconnectés de la dure réalité du vécu des Algériens aillent faire le marché et visitent l'Algérie profonde où des centaines de milliers de jeunes jalonnent les murs » dit le Dr Abderahmane Mebtoul, un expert économique international.
Dès le début de février dernier, les chômeurs d’Algérie se sont réunis autour dudit « Comité National pour la Défense des Droits des Chômeurs » (CNDDC) qui est représenté dans plusieurs wilayas et qui a organisé maintes actions politiques à Alger, Annaba, Mostaganem, Tizi Ouzou, etc. Le CNDDC a rejoint le CNCD (le Comité National pour le Changement et la Démocratie) qui a organisé également février dernier trois marches pacifiques, à Alger et à Oran, marches réprimées violemment par la police.
La répression et l’intimidation officielle n’ont pas empêché le CNDDC à poursuivre son combat. Sa représente de la Wilaya de Mostaganem Dalila Touat (35 ans) a été arrêtée (le 16 mars) et interrogée par la police. Puis placée en garde-à-vue pendant 24 heures, pour « incitation à un rassemblement non armé ».
En Algérie où le taux de chômage augmente d’une année à l’autre, et où 70% des salariés ont un revenu inférieur à 20.000 dinars (soit 200 euros) net par mois, on risque de vivre un été 2011 très chaud. Un été de protestations.
Le bras de fer du secteur public
Depuis le mois de mars dernier, on ne compte pas moins de soixante grèves par mois, touchant des secteurs très sensibles et très importants pour le bon déroulement de la vie quotidienne.
Jusqu’à ce jour, rien ne semble satisfaire aux syndicats du secteur public. Les promesses des tutelles ne sont plus fiables. Avec une réserve de change estimée à près de 155 milliards de dollars et un PIB annuel estimé en 2010 à 150 milliards de dollars, le pays est secoué par le mécontentement de la classe ouvrière qui plaide « une dignité » et une justice sociale. Après les médecins résidents et les enseignants de l’Education Nationale, les postiers ont mené, début juin, une massive grève à travers treize wilayas : Alger, Tizi Ouzou, Boumerdès, Blida, Medéa, Tiaret, Djelfa, Relizane, Tessemsilt, Bejaia, Guelma, Annaba et Laghouat. Pendant plusieurs jours, les bureaux d’Algérie Poste ont été paralysés. Les grévistes revendiquaient une augmentation des salaires de 30% avec un effet rétroactif à partir de janvier 2008. Bien qu’ils aient regagné en partie leurs postes, les travailleurs d’Algérie Poste menacent encore de reprendre la grève si l’administration, représentée par le nouveau DG Mohamed Laid Mahloul, ne tient pas entièrement ses promesses.
Le personnel de la compagnie Air Algérie a mené, lui aussi, une vaste grève (le 15 juin) qui a conduit à l’annulation de tous les vols de la compagnie. Cette grève, qui a poussé le ministre des Transports à limoger le PDG d’Air Algérie Abdelwahid Bouabdellah, a été menée par le Syndicat National du Personnel Navigant Commercial Algérien (SNPNCA) qui regroupe les hôtesses de l’air, les stewards, les chefs de cabine et les chefs de cabine principaux. Il exige une amélioration des conditions de travail qualifiées d’« humiliantes » et notamment le « non-respect de l’accord collectif sur le régime de travail, l’amélioration des conditions socioprofessionnelles et l’appel à la négociation salariale ».
D’autres syndicats privés et publics ne cessent, eux aussi, de menacer de mener des grèves afin d’exiger des responsables la révision de leur situation actuelle. A l’instar du syndicat des boulangers qui protestent contre l’augmentation des prix du blé et celui des infirmiers et des sages-femmes qui n’entretient pas une bonne relation avec le ministère de la santé et de la reforme hospitalière.
SK
Commentaires (1) | Réagir ?
Je crois que tous les ingrédients sont là pour un soulevement général.