Les saillies politiques de la semaine

Les saillies politiques de la semaine

Après à peine un mois de palabres à El Mouradia, le trio de l'initiative de consultations sur les réformes s'est offert une semaine sabbatique. Ce mécanisme mené par Bensalah a ranimé les dinosaures politiques pour meubler la vacuité d'un dialogue biaisé, réutilisé les ficelles usées depuis des lustres, le tout pour faire semblant que le processus de changement est lancé. Ici, un florilège de phrases qui ont retenu notre attention durant la semaine.

Belkhadem. Nous y voilà ! L’islamo-conservateur Abdelaziz Belkhadem est sur les starting-blocks pour 2014. «Tous les Algériens ambitionnent de devenir président de la République. Vous avez compris», déclarait-il mercredi à l’émission Hiwar a saâ de l’ENTV. Qu’est-ce qui a changé depuis cette fameuse phrase où il disait «si Dieu le veut, notre candidat à la présidentielle de 2014 sera Abdelaziz Bouteflika» ? Est-ce la santé du président ? Probablement. En digne défenseur de la présidence à vie, il prépare donc le terrain pour finir sa carrière à la tête de l’Etat.

Mehri. Encore un dinosaure du FLN qui meuble la semaine. Vendredi, l’ancien SG du FLN a annoncé sa participation au dialogue. Normal diront les Algériens avertis. L’homme étant un pur produit du système, il ne peut lui dire non.

Bounedjma. Jeudi 9 juin, Khaled Bounedjma, SG de la Coordination nationale des enfants de chouhada, a animé un rassemblement de ses supporters dans la salle de cinéma d’Aïn Defla. L’homme est un soutien patenté du président. Il ne s’en cache pas. Les déclarations prononcées ce jour-là renseignent que cet homme n’est motivé que par ses intérêts et ceux de sa coordination. Morceaux choisis dans le Soir d’Algérie : «Le rassemblement tenu et auquel j’ai participé, sous la pluie, avec vous, à Alger le 22 mai, a porté ses fruits puisque le président y a été sensible en instruisant les ministres concernés pour que nos doléances soient concrétisées.»… «Si nous avons obtenu cela, c’est parce que nous n’avons pas voulu répondre aux provocations qui nous incitaient à occuper la rue comme les autres mouvements »… L’encenseur du pouvoir ajoute : «Je vous promets que d’ici la fin juin, vous aurez tout… sinon vous aurez le droit de dire que Bounedjma est un menteur… car vous ne savez pas ce que je sais.» Eh oui, le SG se targue d’être dans le secret de la présidence. Sans doute pour épater ses adhérents.

Mohamed Ali Boughazi. Ce membre du trio de l’initiative de consultation sur les réformes politiques (ICRP) a déclaré dans une conférence de presse que le dialogue vise à "doter l’Algérie d’institutions représentatives dont la légalité ne pourrait pas être remise en cause (à l’avenir)". Ce que nous ne comprenons pas c’est comment bâtir des réformes politiques avec des institutions discréditées, issues de la fraude. En plus clair, à supposer que les propositions retenues soient celles qu’attendent les Algériens, en quoi le gouvernement actuel, par ailleurs dénoncé et responsable du mécontentement populaire, serait-il crédible pour élaborer des projets de loi ? Associer l’Assemblée populaire nationale actuelle en septembre à ces projets de réforme c’est encore une fois lui donner une crédibilité qu’elle n’a pas. Une APN issue de la fraude ne peut objectivement préparer un autre avenir pour l’Algérie que celui pour lequel elle est missionné : prolonger la vie du système actuel.

Cheikh Bouamrane. Au sein de l’Instance de consultations sur les réformes politiques, les jours doivent être terriblement longs. La fin du mois de juin se fait lointaine décidément. Alors, à l’initiative on reçoit à tout va. Samedi, c’est Cheikh Bouamrane, le président du Haut Conseil islamique (HCI), qui a été reçu comme personnalité nationale. Dans une déclaration à la presse à l’issue de sa rencontre avec le trio de l’ICRP, le Dr Bouamrane a mis l’accent sur l’intangibilité de l’islam comme religion de l’Etat, l’éducation religieuse "authentique" dans la formation des générations et bien entendu le rôle de la langue arabe. Défenseur acharné de cette langue comme si elle était menacée de disparition, Bouamrane insiste pour qu’elle soit utilisée dans toutes les administrations. Ne l’est-elle pas déjà assez ? Pas suffisant, selon le président du HCI. Avec celui-ci c’est un retour dans le temps des splendeurs du parti unique et de la langue de bois. Voilà un discours qui coule admirablement dans le moule de la pensée qui a irrigué dans le plomb le système depuis l’indépendance. Religion de l’Etat dites-vous ? Ou comment on privatise ad nauseam une religion au service de la politique. Mais qu’attendre d’autres de ce vénérable cheikh ? Encore un invité qui prouve que l’ICRP compte avec le passé.

Moulay Chentouf. Le coordinateur du parti pour la laïcité et la démocratie ne mâche pas ses mots. Dans sa conférence au siège dimanche, il a appelé à barrer la route aux islamistes. Mieux, il refuse que le personnel politique ayant fait ses classes dans système conduise les réformes. Moulay Chentouf avertit sur la lame de fond qui menace le pays : Pour cet ancien du MDS, « il existe des problèmes sérieux en Kabylie ou dans certaines régions du sud du pays. La menace est réelle».

Ould Kablia. Le ministre de l’intérieur a déclaré lundi qu’«'il ne reste pas beaucoup du temps au terrorisme en Algérie». Cette phrase ne vous rappelle rien ? Mais si, la fameuse déclaration où Ouyahia promettait dans les années 90 que le terrorisme vivait ses derniers jours. Comme quoi, malgré les années, le bréviaire officiel n’a pas changé.

Comme pour nous rassurer, le ministre a précisé que «tous les moyens ont été déployés et le renforcement des effectifs de la police a été d'un grand apport dans la lutte antiterroriste et la délinquance en général». Enfin ! diront les optimistes. Mais alors, cela veut-il dire que depuis toutes ces terribles années de terreur, les forces de sécurité étaient restées bien au chaud ? Patientons encore quelques années, avant la prochaine déclaration d’un officiel qui nous promettra encore la fin du terrorisme. En tout cas, il est clair que ni la fameuse réconciliation nationale, ni d’ailleurs seif El hajaj clamé partout par le président n’ont eu raison des hordes d’assassins.

Ould Kablia. Encore lui. Toujours le même jour, il a affirmé à la presse que le projet de loi sur les partis politiques sera examiné mercredi au ministère de l'Intérieur : «La loi sur les partis sera à l'étude dès ce mercredi (...) au niveau du ministère de l'Intérieur». Mais alors, si on continue à concocter des lois sur les partis et je ne sais quoi, pourquoi lancer les consultations politiques ? Cela veut-il dire que cette énième loi sera détricotée à la faveur des réformes promises ou bien tous ces rendez-vous à El Mouradia ne sont qu’un prétexte pour jouer la montre ? Au train où vont les choses, plutôt la seconde que la première.

Babès. Le président du CNES algérien, Mohamed-Séghir Babès, est tout ébaubi devant la décision du président de « libérer la parole ». Ce genre de déclaration indique le degré de dépendance intellectuelle dans lequel le régime a enfermé ses clients. "Le président nous a donné l’occasion de dialoguer et de partager nos points de vues et a voulu faire participer toutes les potentialités nationales en toute transparence", a confié très sérieusement Mohamed Seghir Babes. Mais dans quel système de compromission abyssal sommes-nous donc tombés pour mériter de telles affirmations lénifiantes et cyniques de responsables censés. En haut lieu, on continue décidément à planer dans un délire collectif.

Ouyahia. Il parait que le premier ministre est pour l’ouverture de l’audiovisuel au privé. Chiche M. Ouyahia accélérez le mécanisme ! Mais en attendant, vous pouvez déjà ouvrir les micros des radios et télévisions aux Algériens. Cependant, je doute de vos déclarations.

Alain Juppé. Le ministre français des affaires étrangères déclarait hier à Alger : « Si on pouvait sortir un petit peu de ce ressassement éternel du passé pour voir ce que la France et l'Algérie peuvent faire dans un monde qui est en plein changement autour de nous avec des possibilités de développement considérables dans notre intérêt mutuel, je pense que cela serait bien mieux que de s'interroger à nouveau sur ce qui s'est passé il y a un siècle, il y a 40 ou même 50 ans ». Cette déclaration n’est rien d’autre qu’une invitation ferme de tourner la page sur 132 ans d’exactions coloniales. Hallucinant quand on connaît l’importance qu’accorde la France au travail de mémoire quand il s’agit de son histoire. Hallucinant aussi quand on connaît le nombre de dates et d’événements historiques célébrés en fanfare dans ce pays. En France l’histoire n’est jamais loin de la politique. Pas loin que l’année dernière, elle tançait la Turquie de reconnaître le génocide arménien. Mais dès qu’il s’agit de ses ombres coloniales, on nous fait la leçon de regarder l’avenir. Repentance pour les juifs, repentance pour l’esclavage, mais silence pour 132 ans d’hiver colonial.

Yacine K.

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Commentaires (4) | Réagir ?

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oziris dzeus

Une bande de voyous hypocrites gèrent l'Algérie. Des vasseaux leurs servent de relais. Que de vrais débats soit lancés dans tous les domaines qui concernent l'Algérie, et sans tenir compte de ces soi disant dirigeants civils et militaires qui n'ont leurs places que dans les c.. avec tous les politiques et les serviteurs occasionnels et saisonniers qu'ils manipulent et font jouer comme de vulgaires marionnettes..

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Atala Atlale

Je n'arrive pas à comprendre comment il arrive à oser se préparer pour les présidentielles. Il voulait coûte que coûte imposer un nouveau mandat, et même 5e au président actuelle, prétendant que c'est les citoyens qui le demande. Effarant ! Aujourd'hui il pense pouvoir diriger un pays aujourd'hui en pleine ébullition.

Est-ce à dire que ce Monsieur est prêt à exécuter la feuille de route déjà établie par les "décideurs" et cela voudra dire que les Algériens sont toujours mis en parenthèses. Assurément ces gens tiennent à provoquer un incendie aux conséquences incalculables. Voyons Messieurs continuez votre affairisme en dehors de la politique, cela vaudra mieux pour tout le monde.

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