Ajdabiya, ville fantôme dans l'est de la Libye

Ajdabiya, ville fantôme dans l'est de la Libye

Ajdabiya sert maintenant de base arrière à la rébellion qui tente de prendre, plus à l'ouest, les cités pétrolières de Brega et Ras Lanouf.

Les rues désertes jonchées par endroit de déchets, des commerces barricadés, de rares habitants faisant la queue devant le seul boulanger ouvert pour grappiller un peu de pain: Ajdabiya a des airs de ville-fantôme et craint une offensive des forces du colonel Kadhafi.

A la porte occidentale de la ville trônent des carcasses de tanks calcinés, témoins permanents des combats ayant eu le mois passé dans cette ville stratégique de l'est de la Libye, au début de la zone contrôlée par la rébellion hostile au dirigeant Mouammar Kadhafi.

Pas un chat, de rares enfants et quelques Soudanais, Tchadiens, Egyptiens, Syriens, et bien sûr des Libyens tentent de remplir la béance laissée par la vague massive de départs des habitants de cette ville aux maisons grises faites de briques de béton non peintes.

"Moi, je suis un résistant. Mon café reste ouvert du matin au coucher du soleil", se targue Reda Lutfa, un Egyptien vivant depuis une dizaine d'années en Libye. Dans son café enfumé avec en coin une télévision satellitaire déroulant en boucle les dernières informations sur la Libye, le barista écarte d'un coup de serviette des centaines de mouches tentant de prendre place au comptoir.

"Moi je suis ouvert, comme ça les gens qui restent, les rebelles, peuvent venir prendre le café chez moi", dit-il assurant que sa famille avait regagné l'Egypte par crainte de nouveaux affrontements dans cette ville peuplée normalement d'environ 150.000 personnes.

"Dans la famille, les enfants et les femmes sont partis à Benghazi ou ailleurs", souligne al-Mahdi, 44 ans, légère barbe rêche poivre et sel.

Peu après le début du mouvement de contestation à la mi-février, les rebelles avaient pris Ajdabiya, comme d'autres villes de l'est du pays.

Les forces loyales au colonel Kadhafi l'avaient reprise à la mi-mars, poussant des milliers de familles locales et d'immigrants à fuir la ville pour trouver refuge à l'étranger ou dans des villes plus sûres comme Benghazi, fief de la rébellion, à 160 kilomètres plus au nord.

Mais avec l'aide des raids aériens de la coalition internationale, qui ont débuté le 19 mars, les rebelles en avaient repris le contrôle le 25 mars.

Si des milliers d'habitants et d'émigrés ont fui la ville, craignant une nouvelle offensive des forces kadhafistes, de rares personnes sont venues en ville dans l'espoir d'y travailler.

C'est le cas d'Abdallah, un Soudanais sans-papier qui croupissait depuis un an et demi dans les geôles du gouvernement, à Benghazi, deuxième ville du pays.

"Avec la révolution, j'ai été libéré, j'ai donc quitté Benghazi pour me rendre à Ajdabiya. Je suis ici depuis un moi et demi", dit le jeune homme vêtu d'un tablier, qui prépare une nouvelle fournée de pain dans la boulangerie locale encore ouverte. Dehors, une dizaine d'hommes à la mine déconfite attendent de garnir leurs sacs de pain et craignent de nouveaux combats.

Ajdabiya sert maintenant de base arrière à la rébellion qui tente de prendre, plus à l'ouest, les cités pétrolières de Brega et Ras Lanouf. Mais la ville ouvre aussi à l'est la voie vers la "route du désert" qui débouche sur le port de Tobrouk, d'où la rébellion exporte désormais son propre pétrole pour se financer.

Les rebelles ont transporté mercredi soir des tanks à la sortie ouest d'Ajdabiya et des camions munis de lance-roquettes jeudi matin. Or des raids aériens, imputés par les rebelles à l'Otan, sur des positions des rebelles ont fait au moins deux morts et une dizaine de blessés à une quarantaine de kilomètres à l'ouest d'Ajdabiya.

Puis, des tirs d'armes lourdes ont été entendus à Ajdabiya. Mouvement de panique. Des milliers de civils et des rebelles en 4 x 4, avec des armes automatiques, voire des lance-roquettes fixés dans la cabine arrière du véhicule, ont pris d'assaut l'autoroute de Benghazi. Du coup, Ajdabiya s'est une fois de plus vidée de ses habitants.

AFP

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