Bouteflika-Kadhafi ou l'art de réfléchir à deux fois avant de ne rien dire

Bouteflika-Kadhafi ou l'art de réfléchir à deux fois avant de ne rien dire

Mais quelle a donc été, diable, la position de l'Algérie au sein de la Ligue arabe à propos de la zone d’exclusion aérienne au?dessus de la Libye ?
Ne comptez pas sur Mourad Medelci pour vous le dire. Notre ministre des Affaires étrangères est devenu définitivement diplomate, c'est à dire un homme qui réfléchit à deux fois avant de ne rien dire.

Alors qu'on pensait que l’Algérie s’est alliée avec la Syrie pour s'opposer à la décision de la Ligue arabe, ce qui renforçait les doutes sur le soutien, direct ou indirect, d’Alger au régime libyen, une "source autorisée" au ministère des Affaires étrangères a démenti "catégoriquement" cette information sur le journal électronique TSA. "L’Algérie ne s’est ni opposée ni n’a même exprimé de réserves", a-t-on ainsi appris à notre grand étonnement. On déduirait donc qu'elle a approuvé la décision de la Ligue arabe d'instaurer une zone d’exclusion aérienne au?dessus de la Libye. Mais non ! La "source" dévoile - sans rire - la position de l'Algérie : "elle a rappelé que la légalité internationale impose que la question de l’établissement d’une éventuelle zone d’exclusion aérienne relève du seul ressort du Conseil de sécurité des Nations Unies" (donc pas de la Ligue arabe) et a souligné "la décision des ministres arabes des affaires étrangères qui, en date du 2 mars 2011, avaient affirmé leur refus catégorique de toute ingérence étrangère en Libye". Cela revient à dire que l'Algérie considère que vouloir instaurer la zone d’exclusion aérienne au?dessus de la Libye est un acte d'"ingérence étrangère" et, de surcroît, que la Ligue arabe est disqualifiée sur la question. En langage diplomatique, mais aussi en langage javanais, vaudou, castillan ou zoulou, cela s'appelle des "réserves".
Mais alors, pourquoi jurer que "l'Algérie ne s’est ni opposée ni n’a même exprimé de réserves ?
A quoi correspond cette grossière et grotesque dénégation ?
Ce reniement, en fait. Car une Algérie qui se serait opposée ou même exprimé de réserves aurait été bien plus honorable que celle qui se désavoue si pitoyablement.
Celle-là, elle perd sur tous les tableaux.

L.M.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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djamel rami

ce que dit boutef ou medelci n'a aucune importance, ils ne représentent pas le peuple algérien mais leur régime qui est à l'opposé de la majeure partie des des citoyens.

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samir bouchachi

Bonjour, je crois que la question est plus complexe, a la fois sur la question des procédures propres a la ligue arabe que sur les fondements juridiques d'une éventuelle zone d'exclusion aérienne.

premièrement, au niveau de la Ligue arabe, les décisions se prennent par consensus et non pas a l'issue d'un vote formel. Alors, a moins d'une déclaration formelle de rejet du projet de décision par un pays qui se dissocie ainsi expressément du consensus (ce qui n'a pas été le cas de l’Algérie), tous les autres pays (dont l’Algérie) sont réputés avoir accepte la décision du Conseil de la ligue arabe sur l’établissement de la zone d'exclusion aérienne.

deuxièmement, s'agissant de la question de l’ingérence étrangère, celle-ci est inacceptable pour tous les pays arabes, sauf si l'imposition de la zone d'exclusion aérienne en question est portée par une résolution du Conseil de sécurité au titre du chapitre 7 de la charte des Nations Unies. Alors cette "ingérence étrangère" deviendra légitime et imposable a tous. c'est cela, le sens de la légalité internationale a laquelle appellent certains pays, dont l’Algérie. le fait d'insister sur le recours au Conseil de Sécurité est dicte par le souci d’éviter le précédent fâcheux de l'imposition d'une no fly zone sur le sud et le nord de l’Irak en dehors de toute résolution du Conseil de sécurité et qui a prépare l'invasion terrestre. vous n’etes pas sans savoir que certains pays (France et Grande Bretagne) se prononcent pour des frappes militaires contre la Libye y compris sans mandat de l'ONU ou en appellent a l'intervention militaire de l'OTAN.

troisièmement, s'agissant de la zone d'exclusion aérienne, la aussi, seul le Conseil de sécurité est a même d'en préciser ses contours (interdiction des vols militaires seulement ou inclusion des aéronefs civils), la durée et les intervenants. ces précisions sont importantes aussi pour prendre en charge les questions relatives a la souveraineté et au respect de l'espace aérien des pays riverains de la Libye.

comme vous le constatez, on ne peut pas réduire la position de l’Algérie a de simples pirouettes; c'est une position cohérente et responsable. en langage diplomatique, l'article de votre journaliste s'apparente a un galimatias amphigourique.

Cordialement.

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