POURQUOI LES PAYS ARABES SONT MAL GOUVERNES : 3. LE CAS DE L'ALGERIE

POURQUOI LES PAYS ARABES SONT MAL GOUVERNES : 3. LE CAS DE L'ALGERIE

La planète politique de notre temps et les modèles politiques qui l’ont caractérisée amorce semble-il une mue qui ne tardera pas à changer sa fonction. D’un côté des Etats puissants qui se liguent pour prendre en main les destinées du monde et d’un autre côté, les Etats chétifs souvent ruinés qui deviennent alors un danger pour la paix, la sécurité dans le monde. Apparaît alors l’importance et l’efficacité des institutions internationales et les organisations non gouvernementales comme structures organisationnelles animées par de nouveaux acteurs sociaux et capables de remédier aux handicaps des gouvernements. Dans le système des relations internationales, la gouvernance apparaît alors comme une gouvernance sans gouvernement.

Le principe de la souveraineté est mis à rude épreuve et apparaît alors comme une vieille recette politique. Les constituants juridiques et anthropologiques de la nationalité et les structures idéologiques et subjectives des nationalismes céderont progressivement devant l’avancée d’une nouvelle citoyenneté sans odeur et sans couleur. Les identités religieuses ou écologiques se dissolvent et se désagrègent dans les matrices de la nouvelle culture médiatique. L’universel serait le creuset ou se construisent dans le cadre d’un fonctionnalisme à l’américaine, les normes et les valeurs qui fondent les relations sociales. C’est cette tendance philosophique et politique qui glorifie les rôles des ONG pour les placer alors comme armatures du nouvel ordre politique international. Le résultat serait comme « le suggère avec ironie Anne Marie Slaughter … un ordre mondial dans lequel les réseaux de gouvernance globale relieraient Microsoft, l’Eglise catholique, Amnesty international, avec l’union européenne, les Nations Unies, et la Catalogne ».Or, devant cette tendance lourde qui se dessine au XXIème siècle, et il faut le reconnaître , dans le monde arabe, la complexité des taches politiques et les exigences accrues du contrat politique demandent de plus en plus un apport conséquent en terme d’intelligence et de compétence et la qualité des élites fait aujourd’hui que les hommes d’Etat dépendent de l’Etat des hommes.

Face à cette situation, aujourd’hui, si l’on prend notre pays, l’Algérie et après des ruptures et les agressions qui ont ravagé la mémoire et provoqué des déboires, négocie avec elle-même les virages de ses modernisations socio-économiques et politiques solidaires, en un mot la construction de l’économie de marché concurrentielle et de la démocratie. L’espace sociologique et la tradition politique algérienne ont une histoire particulière tant en ce qui concerne le rapport avec l’occident que le rapport avec le patrimoine politico-religieux de l’islam. Cet espace a été le premier à forger sa déférence et son autonomie vis-à-vis du Moulk Abbasside qu’on appelle abusivement khilafa. L’ibadisme et son émirat sont fondés sur une certaine idée de la justice et du travail.

Si les logiques de la fragmentation ont été profondes, les méfiances remarquées face à la centralité politique traditionnelle avec les séquelles encore vivaces d’une culture beylicale alimentée par une écologie politique à dominance ruralo assabienne, l’Algérie s’est aussi construite dans une tradition politique fondée sur un mouvement politique pluriel et un nationalisme libérateur qui a marqué son identité politique actuelle. Les fruits et les paradoxes de son développement, sa crise et sa fitna, n’ont pas occulté la question de la légitimité du pouvoir et la problématique de la gouvernance. Les différents discours de tous les présidents qui se sont succédés depuis l’indépendance politique n’ont-t-ils pas été axés sur la bonne gouvernance mais hélas qui n’a pas été suivie dans la pratique. Il existe une symbiose entre les discours que contredisent quotidiennement les pratiques quotidiennes à travers les différents scandales financiers, des procès tapageurs mais sans lendemain, du fait de la neutralisation des rapports de force au niveau du pouvoir, expliquant en partie la démobilisation et la méfiance de toute une population comme en témoigne le fort taux d’abstention lors de différentes élections. C’est que le pilotage improvisé de la société, le détournement de l’Etat par les dépositaires des idéologies peu enracinées dans les consciences ont réduit la fonction sociale de l’autorité et remis sur le tapis une nouvelle fois les fondements de l’Etat tranchés avec un génie remarquable par le document historique, l’appel du premier novembre qui élabore l’architecture d’un Etat démocratique et social. Dans le triptyque « démocratique, social, imprégné des valeurs de l’Islam », tout en tenant compte de notre culture ancestrale amazigh, se concentrent en réalité les valeurs consensuelles d’abords du mouvement national algérien, l’esprit combatif et jihadien de la génération de l’indépendance, mais aussi une avancée historique dans l’apprentissage et la construction politique en Algérie.

Une rupture définitive ave les archaïsmes structurels de la pensée et de l’organisation sociale, une négociation avancée dans le domaine du développement, des ambitions exprimées dans le secteur de l’éducation, une participation active dans la scène internationale font que l’Algérie pouvait d’une certaine manière inscrire son parcours dans les logiques des Etats émergents. Or, ce programme a subi un naufrage inattendu. La mauvaise gouvernance conjuguée avec une conjoncture compliquée dans les relations internationales a mené vers l’échec et la fitna. Toutefois, les algériens ont soif d’une bonne gouvernance qui délimiterait alors les excès d’un populisme inconséquent et qui engagerait la collectivité nationale dans le renouveau. L’hypothèse la plus forte reste liée à la capacité des hommes à faire un Etat ou la capacité de l’Etat a engendré les hommes de la bonne gouvernance. Les équipements anthropologiques évoqués, les démantèlements provoqués par la fitna, les douleurs et les séquelles de la crise qui constituent des lourdeurs peuvent aussi pousser s’ils sont accompagnés par une communication politique conséquente, vers la recomposition du champ politique qui prendrait en charge la refondation national et la modernisation de l’Etat. Car, si le retour à la paix, à la stabilité et à la sécurité constitue la condition sine qua non du développement et de la prospérité, la démocratisation de la vie politique et la restauration de la crédibilité des institutions de l’Etat ne représente pas moins une condition tout aussi fondamentale.

La bonne gouvernance concerne l’ensemble des outils et des méthodes de gestion des affaires de la Cité et embrasse la totalité des actions politiques – celles des hommes comme celles des institutions qu’ils dirigent – qui ont pour vocation de servir la collectivité. Comme analysé précédemment , mesurable et quantifiable, en quelque sorte, la bonne gouvernance est aujourd’hui l’objet d’une attention particulière à la fois des institutions internationales, des grandes nations et d’ONG internationales spécialisées et surtout ne laisse plus insensible les investisseurs potentiels c’est-à-dire des investissements porteurs à moyen et long terme seules condition de lutter contre le chômage et la pauvreté afin d ‘avoir une croissance durable hors hydrocarbures et éviter que l’Algérie ne soit qu’une pure plateforme commerciale afin de drainer les réserves de devises via la rente. S’agissant de l’Algérie, les résultats qu’elle réalise malgré des dépenses monétaires sans précédents et ce grâce aux hydrocarbures et non au génie créateur qui vont à l’épuisement, semblent mitigés. La corruption dans les administrations et le système judiciaire semble constituer une
entrave aux affaires en Algérie. La mauvaise position de l’Algérie est liée au détournement de deniers publics, du trafic d’influence et de la corruption dans les marchés publics » lit-on dans la majorité des documents internationaux entre 2007/2010.. Cela ne fait que corroborer le manque de cohérence et visibilité dans la démarche de la réforme globale en panne et la socialisation de la corruption.

Conclusion : Pour l’Etat de droit et la démocratisation des régimes arabes

La bonne gouvernance est une condition essentielle à l’instauration d’un Etat de droit qui à la lumière des expériences historiques ne saurait s’assimiler durant une certaine phase à la démocratie qui doit prendre en charge les équipements anthropologues propres à chaque société comme l’a montré brillamment l’économiste indien prix Nobel d’économie A.SEN. La bonne gouvernance reste cette capacité intrinsèque que possède une société à produire la politique et à faire ressortir à chaque fois la force de l’arbitrage pour piloter les clivages et contenir les contradictions débordantes. Car les quarante dernières années qui ont marqué la vie politique et économique de bon nombre de pays du Tiers monde nous réconfortent aujourd’hui dans notre conviction qui consiste à dire que le développement n’est pas une affaire de quincaillerie industrielle, de signes monétaires tant par l’importance des réserves de change ou de dépenses monétaires sans se soucier de la bonne gestion , mais une question de bonne gouvernance, de moralité des institutions par la lutte contre la corruption, la considération du savoir, le respect de la femme, la symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident grâce au dialogue des cultures, qui a fait la prospérité du monde arabe et musulman en général à une certaine période historique, une visibilité dans la démarche , une politique socio-économique cohérente , réaliste loin du populisme, permettant de concilier l’efficacité économique et l’amélioration du pouvoir d’achat de la majorité tenant compte des nouvelles mutations très rapides du monde où toute Nation qui n’avance pas recule. Bref, la bonne gouvernance se conjugue toujours au présent et se chante selon les hymnes des cultures et vit comme une harmonie entre la force et la politique. La bonne gouvernance se vérifie dans la vision et les convictions des vrais acteurs et leurs capacités réelles à entreprendre les actions appropriées et engager la société dans la voie de l’efficacité et de la modernité fécondes et intelligentes.
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Abderrahmane Mebtoul est Docteur d’Etat Es Sciences Economiques et Mohammed Tayebi Docteur d’Etat en sociologie, tous deux professeurs d’Université
(1) A. Mebtoul et M. Tayebi « le poids des tribus dans les sociétés maghrébines » –contribution peut être consultée site Internet www.yahoo.fr ou www.google.fr

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Commentaires (20) | Réagir ?

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aigle de KABYLIE

Droit? Justice? allons-donc c'est bon pour les contes... les pires ennemis sont en nous, dites seulement que je suis Algerien et que les siècles m'ont trahis.....

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erbil

@ il faudra un pouvoir de transition sans gouvernement donc pas de président, pas de chef de gouvernement, pas de ministres, pas de ministres d'état, pas de wali, pas de chef de daïra, ils n'ont servis qu' a rendre la vie des algériens impossible. C’est une idée transitoire qui passe comme ça, mais c'est mieux qu mehri ou brahimi ou un autre du sérail. Même les politiques algériens qui jouer a l'opposition ne mérite pas de gouverner l'Algérie parce qu'il ont étés complices d'un système pourri, justement en participant a des élections que tout un chacun savait truquées. les fraudeurs ont trouvés un terrain favorable avec la complicité des partis d'oppositions qui cautionnés le système pourri avec leurs participations. Les partis politiques participatifs ont ils améliorés les choses? Non ils ont permis la transgression de toutes les lois et la constitution en premier lieu. Peut être vaut mieux réclamer un pouvoir, un gouvernement, et des institutions, constitués uniquement de canadiens, suisses et scandinaves. Que peut on reprochés aux gouvernants algériens et leurs valets de tout bords, et bien juste les 7 péchés capitaux : -ORGUEIL –AVARICE – ENVIE –COLERE –LUXURE-GLOUTONNERIE-PARESSE.

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