Chroniques algéroises (1)

Ils m’ont pris, à trois heure du matin, le laitier n’était même pas éveillé.

Les flics sont passés par-là, par hasard et ont suivi l’ambulance qui me menait à l’hôpital, sans gyrophare, sans sirène, sans oxygène, sans rien.

Ils m’ont déclaré gravement blessé, c’était pas nouveau, je l’étais déjà depuis que ma mie m’avait quitté. Elle avait pris avec elle l’essentiel de mes viscères, m’avait laissé juste un peu de foie, quelques bronches et un rein orphelin de l’autre.

Pour mon cœur, le juge avait déclaré, qu’il ne tombait pas sous la loi de la séparation des biens, il avait morflé à l’antépénultième rupture, plus en état de pomper quoique ce soit, ni sang, ni souvenir et encore moins de sentiments.

Donc, en route pour l’hôpital, j’ai l’estomac qui s’essaie à un tri de la pharmacie que j’ai ingurgitée, par pathologie, il range les cachets un à un, celui pour l’ulcère, il reste sur place, celui de l’insomnie, qu’il aille aux paupières, la dépression, un peu partout, le viagra, non, c’est une blague pour mes potes, un pied de nez, ils m’appellent la poutre de Bamako…

Revenons à l’ambulance, le cardiogramme est plat, l’encéphalogramme est plat, le tensiomètre l’est aussi, j’ai les pupilles dilatées, les papilles affamées, j’ai la main qui bouge à peine, enfin, même pas le poignet, juste mes doigts qui tentent une percée sous la blouse de cette stagiaire, pour un dernier plaisir partagé.

« T’as vu ou rien ? » a dit le professeur en médecine dure à l’interne né. « Il est dans un état de mort inique », « mort clinique… » dit timidement le binoclard, « Non, je dis bien mort inique, soudaine, injuste », « Il a pris le parti de ne plus se battre, il a pris le parti de ne pas lutter », « le parti unique professeur ? », « Bien, Justine, le parti unique, c’est ça », l’étudiant se nommait Hafid, mais le professeur appelait tous ses internes nés, par un prénom féminin depuis qu’il avait vu la saison trois d’urgences, ça l’excitait.

Mort inique qu’ils disaient tous, cynique, répétaient les autres, j’avais les glandes, au niveau de la gorge, un nœud au duodénum pour ne pas déranger l’estomac et une boule au dos pour éviter un gonflement excessif du ventre qu’il l’était déjà…Bref, je ne voulais pas finir en sujet de travaux dirigés pour une bande d’étudiants.

J’ai balancé l’équivalent d’une pile d’un volt cinq dans la cathode, de quoi faire lever les courbes de ces appareils qui flirtaient avec les abscisses et le miracle s’est produit, les courbes se sont arrondies, celles des infirmières aussi, j’ai moi-même tracé une asymptote.

J’ai pris mes jambes à mes hanches, mon cou étant trop haut et j’ai fui.

Salah

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Commentaires (1) | Réagir ?

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lioty

surprenant et interessant