Yasmina Khadra vu par Leila Aslaoui

Yasmina Khadra vu par Leila Aslaoui
Le «koursisme » n’est pas seulement la course pour le siège éjectable, c’est une opinion, une conviction, un mode de pensée, un savoir-faire. Lorsqu’on en est atteint, on ne peut pas s’appeler Mohamed Benchicou, Boualem Sansal, le commandant Azzedine, ou Abdelaziz Rahabi. Le profil du koursiste est bien défini. L’exemple tout à fait récent nous est fourni par Mohamed Moulesshoul, alias Yasmina Khadra, nommé et installé mardi 13 novembre 2007 à la tête du Centre culturel algérien à Paris. En d’autres temps, j’aurais vivement et sincèrement applaudi à cette nomination car quoi de plus judicieux qu’un homme de culture à la tête d’une structure culturelle et qui plus est à l’étranger ? Pour avoir lu tous les ouvrages — Tous sans exception — de cet écrivain, je ne saurais décrire avec des mots l’admiration sans limites qui était mienne pour sa plume libre et son ton tout aussi libre. L’ex-commandant Mohamed Moulesshoul ne m’a pas laissé, quant à lui, indifférente car ce n’est pas commun dans notre pays de voir un homme choisir la plume au détriment de sa carrière. Mais aujourd’hui Mohamed Moulesshoul, alias Yasmina Khadra, ne peut nous interdire — quand bien même la critique l’insupporte et nous sommes nombreux à avoir conservé le souvenir de son «coup de gueule» contre El Khabar qualifiant l’un de ses journalistes de «criminel» (voir El Watan 2 novembre 2006) au café littéraire du Salon du livre en 2006 — de nous poser des questions. Et ce pour une raison évidente. L’homme dit avoir été honoré de la confiance placée en lui par Abdelaziz Bouteflika. Que signifie donc ce mot pour ce dernier lorsqu’on sait que ses ministres nommés, renommés, reconduits par lui, ont été l’objet de colères bouteflikiennes publiques, dix jours, quinze jours après leur nomination ? L’autre raison réside dans le fait que Mohamed Moulesshoul, alias Yasmina Khadra, avait publié un réquisitoire très sévère contre le régime actuel dans El Païs (quotidien espagnol) le 1er juin 2007. Je l’avais, pour ma part, lu dans l’édition du Soir d’Algérie du 3 juin 2007. J’ai conservé l’article parce que j’avais trouvé les mots justes et tout à fait conformes la réalité. Je ne pensais pas m’en servir. Aujourd’hui, j’en reproduis quelques extraits : «Dans ce monastère triste et désœuvré qu’est devenue l’Algérie tous les clochers sont en berne. Fêlés, misérables et laids telle est la fanfare préférée de nos gouvernants... A chaque banqueroute, ils nous promettent de revoir leurs copies et de se corriger et oublient l’essentiel. Ce ne sont pas leurs copies qui sont en cause mais eux-mêmes. Lors des dernières élections législatives, le peuple algérien a été clair. En n’allant pas voter, il leur a signifié qu’il ne voulait plus d’eux. Jamais un taux d’abstention n’a été aussi péremptoire et expéditif. Ce cri de désespoir a-t-il été entendu ? Non ! Les mêmes incompétences nous proposent les mêmes malheurs. Le peuple algérien se retrouve à la case départ : otage du système pourri face aux mêmes incertitudes.» La chronique est plus longue, j’ai choisi quelques extraits les plus significatifs. S’il n’y avait pas eu ce réquisitoire, l’on aurait pu se montrer indulgent et se dire que Mohamed Moulesshoul a fait preuve de candeur politique. Mais, que s’est-il donc passé pour que le même Moulesshoul, alias Yasmina Khadra, ait soudainement découvert des vertus au «système pourri» ? (ses propos à lui). «La confiance placée en lui» est plutôt à mettre dans le registre langue de bois. Non, la réponse est ailleurs : Mohamed Moulesshoul a déclaré aux journalistes présents lors de son installation officielle qu’il préparait un ouvrage sur la réconciliation nationale entre Algériens. Voilà tout est dit dans cette réponse. Inutile de tenter de retrouver le militaire qui dit «avoir cassé du terroriste». Mohamed Benchicou continue à faire un tabac avec ses ventes-dédicaces, il mène son combat contre vents et marées, tandis que l’autre... Mais qui est l’autre ? Je ne le connais plus. Mohamed Moulesshoul est directeur du Centre culturel algérien à Paris. La page est tournée, définitivement tournée. Je comprends mieux que des compatriotes de bonne foi suspectent souvent des hommes et femmes publics dont la voix est discordante de courir derrière le «koursi». Et pourtant ! Des Algériens (ennes) qui ne vendent pas leur âme, cela existe fort heureusement quand bien même le prix à payer est fort coûteux. C’est le prix de la liberté, celle qui consiste chaque jour à se dire que l’on n’a nullement besoin de gouvernants pour exister et pour vivre.

Leila Aslaoui

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Commentaires (17) | Réagir ?

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Fanny

Moi je sais une chose : un homme qui a mangé dans la main du gouvernement, servi sous l'uniforme dans le rang des gradés, œuvré certainement avec les services secrets, et côtoyé l'usage de menace et la terreur imposées aux algériens, cet homme ne peut jamais sortir VIVANT le sérail des "binathoum".

Oser montrer figure et prétendre honorer sa femme en utilisant ses prénoms, ultime stratégie démagogique pour trouver sa place dans un occident naïf à tous les courages affichés.

Cet homme gagne quelques millions d'euros annuels dans son entreprise florissante d'intellectuel défroqué. Il y a à parier qu'il ressert la soupe à ceux qui lui auraient peut-être épargné la vie en échange.

Le meilleur soutien à apporter aux centaines de milliers de victimes du terrorisme depuis 1962 à nos jours, est de ne pas acheter ou lire ses livres. Ce que je fais, passant mon chemin avec une grande indifférence devant sa moue souriante à tous les médias.

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Jérôme.B

Vrai ou pas vrai ?

Il paraît que les livres de Yasmina Khadra sont écrits par plusieurs mains.

Ne vous affolez pas, amis Algériens, ce sont des méthodes largement pratiquées en France par des écrivains qui vendent dix fois plus que Yasmina Khadra. Ce n'est plus un secret en France. Là où Khadra a fait fort, (contrairement aux écrivains Français), c'est que toutes les ambassades d'Algérie dans plusieurs pays lui font de la pub, lui organisent des rencontres, des débats. J'ai le souvenir aussi que Yasmina Khadra est arrivé en plein guerre civile, avec un seul but : donnez un peu d'éclat et redorer l'image du flic et du militaire algérien (après cette horrible guerre civile.)

Et puis, cette polémique de plagiat concernant son dernier livre "Ce que le Jour doit à la nuit. "

Il est dit ici que c'est carrément une copie (jusqu'au prénoms des personnages et les lieux dans le roman) d'un livre déjà publié en Algérie, de Youcef Dris "Les amants de Padovani", qui est une histoire vraie, publié en 2004 seulement en Algérie.

La presse française ne comprend pas non plus ses amitiés avec Bouteflika, son incapacité à critiquer le bricolage de la constitution par le président, son troisième mandat, personne ne comprend non plus son absence de soutien à la communauté kabyle, etc.

Ici en France, cet auteur n'est pas net du tout.

http://www. dailymotion. com/video/x9063t_yasmina-khadra-humilie-par-le-psych_news?from=rss

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