Opinion : "Non, M. Yasmina Khadra !"

Yasmina Khadra
Yasmina Khadra

Dans le périscope du Soir d’Algérie daté du 9 novembre 2007 je lis "…L’information est confirmée officiellement par l’ambassade d’Algérie en France. Mohamed Moulesshoul, soit Yasmina Khadra de son nom d’écrivain, sera installé officiellement mardi prochain (c’est à dire le 13 novembre 2007) à la tête du Centre culturel algérien à Paris. La cérémonie d’installation sera présidée par Missoum Sbih, ambassadeur…".

Je relis le billet pour m’assurer que je n’hallucinais pas. À l’évidence pas l’ombre d’un doute. Le texte lapidaire dit bien ce qu’il veut dire. Il vient brusquement me dépouiller du peu de naïveté qui me restait. Désormais, quand j’entends parler un "intellectuel engagé", je prendrai bien soin de me boucher le nez tellement je suis sûr que ses paroles pueront la charogne.

Passé le moment de surprise et d’indignation, je crus bon de ressortir une chronique écrite par Yasmina Khadra et publiée par le quotidien espagnol El Pais le 1er juin 2007, c'est à dire il y a moins de 6 mois. Je vous laisse savourer ces moments d’anthologie qui donnent à la révolte de l’écrivain les couleurs de l’espérance. Il fut pour moi la quintessence de la probité et de l’intelligence et m’inspirait, jusqu’à ce soir, une profonde sympathie et un respect sans bornes.

Accepter pareille compromission Mr Yasmina Khadra, c'est non seulement trahir ses convictions, mais c'est surtout balayer d'un revers de la main la responsabilité morale que votre statut d'intellectuel connu et reconnu vous confère.
Le régime corrompu d’Alger avec à sa tête Bouteflika connait la fibre essentielle de l’âme algérienne. Il sait jouer de la cupidité, de la corruption et de la mesquinerie des hommes de ce pays même lorsqu’ils se proclament intellectuels et même lorsqu’ils sont à l’abri du besoin.

Larbi Chelabi

Note : Une étude suisse présentée à Alger par le professeur Sartorius, lors d'un colloque sur la psychiatrie qui s’est tenu récemment à Alger, confirme que l'Algérie compte environ 2 millions de malades mentaux soit environ 7% de la population. Cette étude vient en complément d'une autre étude américaine qui elle parle de 12% de la population soit environ 3,7 millions de malades. Avec ce que je viens de lire dans le périscope du Soir d'Algérie, je dois reconnaître qu’on a beaucoup de chances de ne pas avoir 30 millions de malades mentaux dans ce grand asile psychiatrique qu’est l'Algérie.

Chronique de Yasmina Khadra publiée par le quotidien espagnol El Pais le 1er juin 2007

"Dans ce monastère triste et désœuvré qu’est devenue l’Algérie, tous les clochers sont en berne. Félés, misérables et laids, ils continuent de sonner le glas de nos espérances. C’est la fanfare préférée de nos gouvernants, constamment en prières, genoux au pied du seul dieu dont ils se réclament : le Pouvoir. Depuis l’indépendance du pays le 5 juillet 1962, les faux dévots du régime refusent de se relever, de relever la tête pour voir le gâchis qu’ils occasionnent à cause de leur entêtement à imposer une conduite obsolète et stérile et que tout le peuple décrie.

Ils refusent de se remettre en question et de se mettre au travail. Quel travail ? Ils n’ont jamais su ce qu’il signifie. Hypocrites, ils s’évertuent à nous casser les oreilles à coups de slogans creux, nous infantilisant, nous abrutissant d’année en année, d’élections bidon en élections contre nature, jusqu’à nous rendre complètement fous. Ces artisans de nos déconfitures n’arrêtent pas de nous décevoir. A chaque banqueroute, ils nous promettent de revoir leurs copies et de se corriger, et oublient l’essentiel : ce ne sont pas leurs copies qui sont en cause, mais eux-mêmes.

Lors des dernières élections législatives, le peuple algérien a été clair. En n’allant pas voter, il leur a signifié qu’il ne voulait plus d’eux. Jamais taux d’abstention n’a été aussi péremptoire et expéditif. Ce cri de désespoir a-t-il été entendu ?… Non ! Le système sclérosé cherche à se maintenir coûte que coûte, grâce à ses hypocrisies. Les mêmes incompétences nous proposent les mêmes malheurs. Les mêmes opportunistes menacent notre hypothétique devenir. Que faire ? Où donner de la tête ? A quel saint se vouer ?… C’est la perplexité, le dégoût, la rage au cœur qui officie dans nos rues. Qu’attendre d’un système en total décalage avec la mondialisation effrénée en train de bouffer la planète entière ? Qu’attendre d’une gouvernance qui a sinistré nos écoles et nos universités, mis à genoux nos institutions et nos entreprises, aggravé la fuite hémorragique de nos cerveaux, élargi les fractures sociales, dénaturé les rapports humains, avili la citoyenneté, travesti nos rêves, dénaturé nos aspirations avant de creuser le lit de la déferlante islamiste et jeter le pays dans la crue des horreurs et du sang ? Les années de terreur et d’assassinats, les milliers de morts et d’attentats n’ont toujours pas éveillé nos gouvernants à la réalité des choses.

Nos villages massacrés, nos villes abâtardies, nos idoles immolées comme les moutons de l’Aïd n’ont finalement servi à rien. Les mêmes gueules nous narguent du haut des tribunes, la même épée de Damoclès surplombe nos nuques basses. Après tant de deuils et de traumatismes, le peuple algérien se retrouve à la case départ, otage du même système pourri et face aux mêmes incertitudes. La corruption a atteint des proportions sans précédent. Pour vous faire délivrer un extrait de naissance ou le moindre document à la mairie, il vous faut graisser la patte. Tout le monde rackette tout le monde : le guichetier, le flic, l’administrateur, le plombier, l’éboueur, le boucher. Les dépassements, les injustices et les humiliations quotidiennes sont en passe de transformer notre pays en une jungle inextricable et mortelle. Devant un tel fiasco, la colère attend d’autres discours séditieux pour replonger la société dans une nouvelle décennie noire alors que l’on n’a pas fini de faire le deuil de celle du terrorisme. Les Algériens sont fatigués. Ils sont conscients des malheurs qui les guettent, mais le système s’en fiche.

Nos gouvernants ne pensent qu’à leurs fonds de commerce, leurs petites magouilles et leur trafic d’influence. Même les fauves sentent le danger. Pas nos gouvernants. Ces derniers sont insatiables, inconscients, toujours à l’affût du filon, jamais alertés par leurs abus ou la dangerosité de leur irresponsabilité. Aujourd'hui, notre jeunesse touche le fond. Elle ne voit que deux issues : rejoindre l’Europe ou rejoindre le terrorisme. Elle n’a pas d’autres choix car rester au pays, à l’ombre des murs, c’est accepter de moisir comme des fruits précoces tombés de leurs branches. Tous les soirs, des groupes d’adolescents sautent sur des embarcations de fortune et mettent le cap qui sur l’Espagne, qui sur l’Italie, prêts à mourir noyés dans la mer obscure plutôt de subir un jour de plus l’état de désolation plurielle qui sévit au village ou dans le quartier. Tous les matins des initiatives heureuses sont repoussées par une administration stalinienne, des tentatives d’investissement, des études pour la relance économique, de véritables bouffées d’air sont proposées par de jeunes entrepreneurs, et chaque fois, le système les décourage en leur opposant des démarches bureaucratiques insensées et des pots-de-vin de quoi soûler la terre entière. Pourtant, l’Algérie n’est pas morte. Elle regorge de talents, par endroits de génie. Elle est encore aimée par ses enfants qui ne demandent qu’à lui venir en aide.

Je les ai rencontrés en Europe, en Asie, aux USA, partout où je suis allé. Ce sont des hommes et des femmes splendides, des énergies colossales, des chances inouïes qui ne rêvent que d’une chose : rendre à l’Algérie sa beauté, sa dignité, ses rêves perdus. Nous avons un pays fantastique, riche et encore vierge, un eldorado en jachère, un futur grand Etat capable de rayonner sur la Méditerranée. L’Algérie est une Amérique qui s’ignore. Elle rassemble toutes les potentialités pour rivaliser avec les pays de la rive d’en face, participer à l’essor du Bassin méditerranéen et contribuer à l’émancipation du Maghreb. C’est là une réalité évidente, mais il existe une autre incontournable : le système doit disparaître. Nos gouvernants doivent comprendre que leur place est au musée de la Bêtise humaine ou bien à la fourrière. Il faut qu’ils cèdent la place à la fraîcheur des énergies nouvelles, modernes, cette élite qu’ils ont chassée ou disqualifiée, ces Algériens porteurs d’espoirs et de compétence, beaux comme leurs rêves, purs comme leurs convictions. Alors seulement une ère flamboyante s’installera dans mon pays où l’islamisme, né de la décadence et des humiliations, n’aura aucune raison d’être, où la démocratie, le travail, la liberté et l’intelligence seront les grands repères des Algériens de demain et de toujours".

Y. K.

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Commentaires (34) | Réagir ?

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Bellouga

La vacuité de vos réfléxions en dit long sur l'mertume qui vous habite.

Est-ce votre haine d'un pouvoir devant lequelvous vivez tous lesjours ou votre tropisme pour les polémiques stériles qui en sont la cause, mais c'est un véritable procès en sorcellerie qui est mené là.

Lamentable!

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houria basla

?Sacrifice? gallou !!

Je ne sais quelle mouche a piquer notre cher romancier populaire yasmina khadra ?, ou c'est juste sa vraie nature fourbe qui a pris le dessus sur son engagement national et sa droiture ; Cette nomination a la tête du Centre Culturel Algérien a Paris est un mérite qui lui reviens de droit certes, mais être nommé par un dictateur, et devoir a chaque occasion citer la formule magique " tahta é riaya é samia li fakhamet el rais...... " je vois mal notre auteur qui s'indignait il y?a de cela quelques semaine par une plume aussi incisif et mordante que le tranchant du glaive d?une justice divine, de la médiocrité et l'étroitesse d?esprit de nos ? dirigeants?, l'invoquer, et pourtant il se pliera et la citera, c'est la loi. Mais, après tous à bien y penser il a été nourri au sein par madame ANP, et il restera toujours aux ordres des généraux, on ne mords jamais la main qui t?a arrondie les fesses (proverbe déposé) ; J?aurai du me méfier. Pas grave ça tombe bien il fait froid et cet hiver je me chauffe en brûlant tous tes titres que j?ai acquis, avec un argent pur et limpide, comme ma conscience !

N. B : tous tes collègues abattus et égorgés par tes nouveaux amis, Madani, Kertali et MONSIEUR Hattab. T?embrassent très fort et te disent en ch?ur, alf mabrouk mon commandant !!!!!!!!!!!!

HOURIA BASLA

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