Le charivari algérien

Le dernier message adressé par le président Abdelaziz Bouteflika, mardi 13 juillet, à son homologue Nicolas Sarkozy à l’occasion de la fête nationale française illustre à lui seul le charivari algérien qui tient lieu de diplomatie et qui, s’appliquant aux rapports avec la France, alterne entre chahut, tapage, roucoulade, tumulte, agitation, puis roucoulade de nouveau, avant un autre vacarme, le tout au gré des calculs personnels du chef de l’Etat algérien. Alors que le pouvoir algérien a braqué l’opinion sur ce projet d’une loi criminalisant le colonialisme, que les hommes de Bouteflika n’avaient pas de mots assez durs pour vilipender les officiels français, voilà le chef de l’Etat algérien qui s’engage, dans son message du 13 juillet, « à œuvrer à l'approfondissement de notre dialogue politique et à la poursuite de l'œuvre d'édification d'un partenariat d'exception et mutuellement bénéfique pour nos deux pays et nos deux peuples »

L’ambassadeur de France à Alger a une formule pour ça et parle de « tendances haussières et parfois baissières comme à la Bourse de Paris... » Vraiment ? Mais alors, comment appelle-t-on en Bourse ce passage brusque d’une menace de divorce à cette déclaration d’amour du 13 juillet ? Une éruption volcanique ? Et quel est l’indice boursier en fonction duquel se mesurerait la hausse comme la baisse ? La vérité est que l’Algérie de Bouteflika n’a pas de position standard envers l’ancienne puissance colonisatrice. C’est le tempérament du moment qui tient lieu de ligne de conduite. Bouteflika a agité la proposition de loi incriminant le colonialisme français par « dépit amoureux » envers l’Elysée qui avait montré moins d’empressement à le soutenir.

Seules les âmes candides qui continuent de prêter au président Bouteflika quelque scrupule politique en sont à croire qu’il agit par souci de défendre la mémoire.

Il y a bien longtemps de la mémoire ne relève plus, pour Bouteflika, du différend historique mais du cabotinage conjugal, cette pratique un peu malsaine qui consiste à rappeler au conjoint un antécédent fâcheux chaque fois qu’on éprouve le besoin de lui extorquer une nouvelle déclaration d’amour.

La méthode est classique : Bouteflika fait provoquer, en sous-main, un début d’incendie par des pyromanes qualifiés et se donne ensuite le loisir d’intervenir en pompier, prestation qu’il monnayera alors au plus haut prix.
Selon les réponses qu’il reçoit de la France, le président algérien peut ainsi passer de la plus grande « indignation » envers le préjudice colonial à la plus béate des indulgences.
Or, pour revenir à cette "loi" criminalisant le colonialisme, rien ne se serait produit s’il n’y avait eu, au printemps dernier, cette décision française que Bouteflika considère comme un camouflet : le report, voire l’annulation de cette visite d'Etat qu’il devait effectuer en juin à Paris et que l’Elysée a jugé embarrassante car trop « proche » du scrutin bokassien du 9 avril à l’issue duquel le chef de l’Etat algérien avait été réélu avec plus de 90 % des suffrages, réélection alors qualifiée en France de « pharaonique ». L’Elysée (si on en croit le Parisien), redoutant que cette encombrante victoire ne soit évoquée par l’opposition et par les médias, avait décidé de la repousser à la fin de l’année, ce qui a fortement froissé Bouteflika, furieux d’être assimilé à un vulgaire dictateur infréquentable.

Toujours est-il que, depuis, les représailles algériennes se sont multipliées à l’encontre de la France : difficultés aux entreprises françaises exerçant en Algérie, refus de recevoir des ministres de Sarkozy et ... l’annonce de cette « loi algérienne criminalisant la colonisation".

Bouteflika entendait entretenir la pression jusqu’à être reçu par l’Elysée et briser ainsi sa soudaine « infréquentabilité »
A ces représailles a répondu une surenchère parisienne (débat sur l’identité nationale, liste des pays à risque, propos de Kouchner…).

Bouteflika a-t-il obtenu des "concessions" de l'Elysée qui expliquerait ce message du 13 juillet ?
Dans le fonds, non. L’Etat français vient de répéter son soutien à la thèse marocaine à propos du Sahara Occidental ; sur les grands dossiers – Circulation des personnes, repentance, investissements…-, d’importantes divergences persistent entre les deux pays.

Mais voilà que l’ambassadeur français parle, au Quotidien d’Oran, d’un « nouveau processus qui, nous l’espérons, pourrait être conclu par une visite du Président Bouteflika en France… »
On y est !
Une visite à Paris.
La crise avec la France n’a plus de raisons d’être.

LE MATIN

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Tamazgha Centrale

Un 14 juillet sur les hauteurs d'Alger:

Prise de la Bastille, Fête de la Fédération, le 14 juillet reste une date dont la célébration revêt une importance particulière pour la République française. Vue d'Alger, cette fête est aussi porteuse de certaines valeurs.

Comme toutes les représentations diplomatiques de France, l’ambassade à Alger a organisé le 14 juillet une réception à l’occasion de la commémoration de la prise de la Bastille, en 1789. Les tensions politiques entre les deux pays et les récentes restrictions budgétaires décidées par le Quai d’Orsay n’ont pas amoindri l’intérêt suscité par cette soirée mondaine.

L’hymne national algérien, Qassaman, a résonné après La Marseillaise dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur, à El Biar, sur les hauteurs d’Alger. Le gouvernement algérien y était représenté par Karim Djoudi, ministre des Finances ainsi qu’Amar Tou, son collègue des Transports. Le choix des deux hommes décidé par Abdelaziz Bouteflika, semble-t-il, n’est pas fortuit. Le premier est une étoile montante de l’équipe d’Ahmed Ouyahia, et le second s’occupe d’un secteur où le partenariat avec les entreprises françaises est très dense : 14 projets de tramway, des milliers de kilomètres de rail, métro d’Alger, etc.

La coopération militaire entre les deux pays se porte plutôt bien. Parmi les nombreux officiers supérieurs présents, un haut gradé au nom familier : le général-major Mohamed Zerhouni, cousin de Yazid et conseiller spécial du ministre de la Défense, autrement dit d’Abdelaziz Bouteflika.

Un hommage apprécié au père de la nation

Bien que la représentation du pouvoir était conséquente, l’ambassadeur de France n’a pas pour autant oublié l’opposition et la société civile. Saïd Saadi (Rassemblement pour la culture et la démocratie, RCD) et Louisa Hanoune (Parti des travailleurs) ont honoré l’invitation, tout comme Mustapha Bouchachi, le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH). Autre présence remarquable, celle de Maître Ali Yahia Abdennour, infatigable défenseur des droits de l’homme et membre fondateur de la LADDH. Quelques anciens combattants ont été conviés pour fêter l’alignement de leurs pensions de retraite sur celles de leurs compagnons d’armes français.

Les quelques 600 convives ont écouté avec attention l’adresse de leur hôte Xavier Driencourt. Le diplomate a habilement placé les festivités sous le sceau du 150e anniversaire du sauvetage, en juillet 1860, de milliers de chrétiens promis à l’extermination par des extrémistes druzes par l’émir Abd el-kader à Damas. L’émir Abd el-kader étant considéré comme le père de la nation, l’assistance a particulièrement apprécié. Par Cherif Ouazani (Source: www. jeuneafrique. com)

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Daamghar

@al-hore. Mais Monsieur vous étiez certainement en Jordanie ou en Syrie lorsque deux millions d'Algériens sont descendus des montagnes kabyles pour venir crier la hogra à Alger. Qu'aviez-vous fait ce jour-là, Monsieur? Dîtes-le nous s'il vous plait. Avez-vous caillassé ces héroïques kabyles venus "casser la capitale des algérois" Dixit ce cher policier ami Ahmed. Ou bien vous vous êtes rangé du côté des mahgourines ?. -----Je crois que la décence aurait été de signaler cet unique et grandiose événement et de tirer les conclusions qui s’imposent. Comme vous devez refaire votre approche ou lecture des causes qui font que l’Algérien soit absent dans les civismes quotidiens du pays. Le peuple s’éduque, Monsieur, et cela se fait sur le long terme. Et cette éducation commence à l’école. Et vous savez certainement que l’école algérienne n’a jamais travaillé pour éduquer mais, malheureusement, elle n’a activé que pour l’endoctrinement et l’abrutissement de la société. -----Je vous concède néanmoins que la solution salutaire au pays ne peut venir que des simples citoyens. Et pour cela le MAK/GPK donne la solution pour réveiller le patriotisme dans le cœur des Algériens. Bien à vous.

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