C'est sa coupe à LUI !

C'est sa coupe à LUI !

Allez savoir pourquoi j’ai bondi de joie au premier but des Bafana Bafana contre le Mexique, moi qui n’ai eu à aimer l’Afrique du Sud que par ses écrivains, ou par ses chanteurs, oui, c’est vrai, des monstres de la littérature et de la scène, mais bon, cela n’explique pas que je jubile au premier but des Bafana Bafana, je n’avais jamais entendu parler de ce Tshabalala, ce n’est pas John Maxwell Coetzee, prix Nobel de littérature, ni Nadine Gordimer, ni encore moins Johnny Clegg.

Non, cela n’explique pas mon délire ni encore moins que je me mette à danser la Waka Waka avec Shakira, «Zamina mina hé hé, Waka waka hé hé», la Waka Waka, rien que ça, moi qui ai rarement pu aligner deux pas de danse sans trébucher au troisième ! C’est un truc fou, la Waka Waka, personne ne sait ce que cela veut dire, c’est entre Macarena, le gnaoui, le Haka des rugbymen néozélandais et la Soca Dance, mais c’est surtout la chanson officielle de la Coupe du monde de football 2010, et c’est chanté par Shakira à Soweto ! «Je suis honorée que Waka Waka ait été choisie pour la Coupe du monde 2010», a cru utile de déclarer la belle Colombienne aux courbes de braise. Enchantée ? Et moi donc ! Le foot fêté avec ses déhanchés sensuels et sa voix de velours, c’est certain, ce sera, définitivement, ma passion de l’été… Avec Shakira, tout devient magique, même Saâdane ! «Si t'es secoué du coco, t'es waka / Si t'es gorgonzola, t'es waka.» Oui, mais pourquoi, diable, ai-je bondi de joie au premier but des Tshabalala contre le Mexique alors que je devrais plutôt partager l’anxiété nationale, m’angoisser avec mes compatriotes pour le match contre la Slovénie, sans Meghni, sans Mansouri… Shakira s’arrête de danser. «Cette Coupe du monde, plus que toutes les autres, c’est la rencontre de la race humaine réunie par une passion et par l’amour, dit-elle… Toutes les nationalités, toutes les religions, sans haine, sur cette terre qui a tant souffert de la ségrégation… C’est cela que je veux chanter dans Waka Waka…» Mais oui, mais bien sûr, c’est pour LUI que j’ai applaudi au premier but des Bafana Bafana, pour la joie qu’il devait éprouver en ce moment-là ; c’est même pour LUI que j’ai dansé la Waka Waka, sans trébucher ! Pour LUI ! LUI qui a débarrassé l’Afrique du Sud de siècles de haine imbécile. Sans lui, M’bolhi, Etoo et Thierry Henri ne se seraient pas rencontrés en Afrique du Sud. Sans lui, Shakira, splendide métissée, n’aurait pas pu travailler avec le groupe sud-africain des Freshlyground. C’était interdit ! Oui, interdit aux Blancs de se mélanger aux Noirs ! Ce système absurde s’appelait l’apartheid, du temps de ce panneau interdisant l'accès d'une plage aux personnes de couleur et aux chiens. LUI, a payé de 27 années de prison, oui 27 années, pour que tout cela s’arrête, 27 années à effectuer des travaux forcés dans une carrière de chaux dans l'île-prison de Robben Island, à subir la kératite due à la poussière et à la lumière, mais aussi à encourager les hommes, à enseigner le poème Invictus (Invaincu), «Je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme», ces mots que l’on retrouve dans Waka Waka, «Quand tu tombes relève toi, oh oh, Et si tu tombes relève toi, hé hé, Zamina mina Zangaléwa, Car c’est l’Afrique…» Oui, c’est sûr, c’est pour LUI que j’ai applaudi au premier but des Bafana Bafana, pour tout ce qu’il m’a appris, pour tout ce qu’il a appris aux hommes, qu’ils peuvent être aussi déraisonnables dans la tendresse, pas seulement dans la haine. LUI, Nelson Mandela, l’homme qui a enseigné à la planète tout entière que la haine tue toujours mais que l'amour ne meurt jamais, la preuve, aujourd’hui, Shakira la métissée chante avec les Freshlyground , le joueur noir joue aux côtés du joueur blanc, et cette coupe qui rassemble Blancs et Noirs, Métis et Asiatiques, c’est sa coupe, LUI, Nelson Mandela, l’ancien chef de l'African National Congress (ANC) qui a simplement dit : «Jetez dans la mer vos fusils, vos couteaux et vos machettes»… «Zamina mina hé hé, Waka waka hé hé, Zamina mina Zangaléwa, C’est le temps de l’Afrique»

Et LUI, à la différence de tant d’autres, LUI grandi par une vie à lutter contre la domination politique de la minorité blanche et contre la ségrégation raciale, LUI n’a jamais été tenté par les ténèbres de la dictature. La Constitution adoptée en février 1996 après deux années de débats n'a jamais été violée. «Toute ma vie, j’ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et pour lequel je suis prêt à mourir.» Et cet Etat-là, cette nouvelle Afrique du Sud où chante Shakira et où vont jouer M’Bolhi, Etoo, Anelka, cette nouvelle Afrique du Sud fait partie aujourd'hui du G20, candidat sérieux pour un siège de membre permanent du Conseil de sécurité à l'ONU, l'une des grandes puissances émergentes de la planète, avec 40 % de la richesse du continent africain. Pour libérer les peuples, comme pour les diriger, ne l’oublie jamais, il faut aimer les hommes… Cette Coupe du monde, c’est le triomphe de l’amour sur la haine. C’est sa Coupe à lui.

Mohamed Benchicou

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Commentaires (17) | Réagir ?

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dalila

Je vous tire mon chapeau Monsieur Benchicou, toi qui nous a habitue à tes écrits que je dévore avec un immense plaisir. ton commentaire concernant cet héros qu'est Nelson Mandela est tellement vrai! alors je te dis tout simplement: continues d'exister pour nous car nous avons besoins d'hommes de ta trempe qui malgre tout ce que tu as subie tu contimues ta mission celle de dénoncer la betise humaine. un grand merci à toi!! dalila de Montréal

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CHAFI

tous les écrits ne suffiront pour qualifier la grandeur de cet homme hors paire et je crois que dans le monde contemporain il n'y avait que

deux geants du genre : le mahatma ghandi et lui nelson mondela deux grandes ames qui ont connu les souffrances les plus atroces mais dont le coeur est resté limpide envers leurs oppresseurs, un grand coeur voué à la paix et à l'amour

pour les peuples de tels hommes sont de la même lignée que celle des prophètes.

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