Les geôles et les stands d'Alger par Slimane Laouari

Les geôles et les stands d'Alger par Slimane Laouari

Interdire un livre est une horreur. Les geôles d’Alger de Mohamed Benchicou vient d’être retiré de la foire et le stand de son éditeur fermé pour n’avoir pas respecté la réglementation. Manifestement, ce n’est pas de réglementation qu’il s’agit, mais d’une "règle du jeu" que les organisateurs de la Foire du livre ont mis au point. Un accord de compromis qu’ils auraient proposé à la maison d’édition Inas et qui, pensaient-ils-allait aboutir sans encombre : renoncer à l’exposition d’un livre encombrant contre une autorisation négociée pour le reste des publications. Mais voilà, dans l’Algérie de 2007, il n’est plus possible de censurer un écrit sans que cela ne provoque un bel esclandre.L’éditeur ne s’est pas tu et l’auteur est revenu de ses enthousiastes illusions s’il se trouve qu’il en avait vraiment.

Première victoire cependant, la censure est désormais obligée de se procurer quelque habit "réglementaire" ou "technique" pour sévir. On savait depuis toujours ces dérisoires arguments de pure forme, mais quelque chose a quand même changé. L’arrogance des censeurs est maintenant dans ses petits souliers et dans le cas qui concerne Mohamed Benchicou, les bouts de ficelles qui ont servi à introduire le doute sur la nature de son "dossier" sont au bout de l’usure. Ce nouvel épisode a même fini par convaincre ceux qui, par naïveté, ont prêté un bout d’oreille aux raisons officielles d’une cabale. Mohamed Benchicou n’a certainement pas toujours été irréprochable et j’ai cru lire quelque part que dans Les geôles d’Alger, il a même été autocritique. Ce n’est peut-être pas tout à fait ce qu’attendaient de lui ses admirateurs, mais Mohamed semble trop libre pour s’encombrer d’un fil à la patte, fusse-t-il celui qui le lie aux plus proches. Parce que pour écrire, on ne peut pas être plus libre qu’en prison. Et il n’y a pas de plus fertile liberté que celle vécue dans le recul et la sérénité de l’isolement. Je n’ai pas encore lu Les geôles d’Alger, mais il y a quelque chose en Benchicou depuis sa sortie d’El Harrach qui suggère une autre force d’être et d’écrire. Une sorte d’apaisement qui exclut le renoncement, mais inaugure un autre regard sur les choses et les hommes. Dans ses désillusions, il y a plus de volonté d’élargir son espace d’évolution que d’aigreurs à l’endroit de ceux qui l’auraient déçu ou trahi. Sans doute pour faire réagir plus de monde à la censure de Les geôles d’Alger qu’à son emprisonnement, Mohamed Benchicou a choisi d’élargir et non de déserter les sentiers du parcours qui est le sien. Contre la censure et quelques travers personnels. La censure d’un livre et l’interdiction d’un journal sont toujours une horreur, le reste n’est pas vraiment important. Beaucoup de monde, Benchicou en premier, l’aura compris.

S. L.

Dans "La Dépêche de Kabylie"

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Commentaires (5) | Réagir ?

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alger ois

Quand je vous disais que Yasmina était un enfant du système...

http://www. lexpressiondz. com/article/2/2007-11-08/46991. html

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younes bouchagroune

Je voudrai bien lire (je... rêve!) nos enturbanés, si promptes à s'émouvoir et s'indigner de l'arrogance du vent ou d'un courant d'air, ayant eu le culot de défaire le foulard d'une jeune fille..., exprimer leur "position" au sujet de l'interdiction de s'exprimer qui s'est abattue sur M. Benchicou !!!

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