Ce qui s’est passé ce jour-là…

Lorsque, le 10 mars 1980, le wali de Tizi Ouzou de l’époque, Hamid Sidi-Saïd, avait décidé d’interdire la tenue d’une conférence de Mouloud Mammeri autour de son ouvrage Poèmes kabyles anciens, il ne se doutait probablement pas que son geste allait déclencher la première véritable contestation de l’Algérie indépendante. Car c’est autour d’une conférence sur la poésie que le «Printemps berbère» est né.

Tout a donc commencé avec l’interpellation, le 10 mars 1980, de l’écrivain, anthropologue et chercheur Mouloud Mammeri à l’entrée de la ville de Tizi Ouzou.

Il était venu donner une conférence au centre universitaire, ouvert deux ans auparavant, sur la poésie ancienne. Il venait, en fait, de publier Poèmes kabyles anciens, un livre resté jusqu’à aujourd’hui une référence en la matière.

C’était en fait «une provocation de trop». Car cela faisait des mois que les étudiants voulaient gérer eux-mêmes leurs activités, comme ce fut le cas pendant une certaine période dans certaines cités universitaires de l’Algérois. Ce refus avait donc provoqué un véritable tollé au sein de la communauté universitaire. Deux jours plus tard, la majeure partie des étudiants (le centre en comptait à cette époque 1 700) observait un sit-in devant l’administration du centre. Les choses dégénèrent et l’information finit par faire le tour de toute la Kabylie. Les lycéens, puis les collégiens se mettent de la partie. Les citoyens, informés, observent des scènes de contestation. Larba Nath Irathen, Aïn El Hammam, Azazga, Boghni, Tigzirt, Sidi Aïch, El Kseur, Tazmalt et d’autres localités connurent des événements de protestation. La tension était restée en l’état.

Le 7 avril, à Alger, le mouvement connaîtra une autre dimension. Des étudiants et des militants organisent un rassemblement à la place du 1er Mai, à Alger. Il y a plusieurs arrestations et des blessés. Mais l’objectif était atteint : porter la protestation au cœur de la capitale. Le 16 avril -la date est symbolique - la Kabylie est paralysée par une grève générale, tandis que les étudiants occupent l’enceinte universitaire. Les travailleurs de l’hôpital de la ville de Tizi Ouzou ainsi que les travailleurs de plusieurs unités industrielles occupent également leurs lieux de travail. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdelhak Bererhi, avait adressé un ultimatum aux étudiants et aux enseignants de reprendre les cours le 19 avril. Ces derniers répondront par un autre télex où ils réitérèrent leurs revendications.

La nuit du 19 au 20 avril 1980, l’armée déclenche l’opération «Mizrana». Les étudiants -y compris les filles- sont surpris dans leur sommeil à 3h du matin. Ils sont tabassés et humiliés. Beaucoup sont blessés. 24 personnes sont détenues. On trouve parmi ces détenus Arezki Aït-Larbi, Saïd Sadi, Ali Brahimi, Djamel Zenati, Arezki Abbout, Achour Belghezli, Saïd Khelil… Ils seront différés devant la cour de Sûreté de l’Etat pour «atteinte à la sécurité de l’Etat» et «intelligence avec l’ennemi».

Ils seront libérés, sous caution, le 25 juin 1980 après une pression populaire et diplomatique. Ce n’est qu’après cette libération que le calme est revenu. Mais pas pour longtemps.

La Tribune

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algerie

merci

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