Il y a trente ans, le Printemps berbère : déjà « la main de l’étranger »…

L’Algérie célèbre cette année le trentième anniversaire du printemps berbère. Cela fait donc 30 ans qu’une partie des Algériens est sortie dans la rue pour revendiquer ses droits à la reconnaissance de son identité et, partant, plus de libertés et de démocratie dans une Algérie qui n’avait que 18 ans d’indépendance.

Trente ans ont passé.

Mais, depuis ces événements, les premiers de cette envergure en Algérie, beaucoup de choses sont passées et ce séisme a donné des répliques, parfois beaucoup plus douloureuses que la secousse initiale. Car, si dans l’immédiat les responsables de l’époque ne parlaient que de «revendications culturelles», les choses ont beaucoup évolué par la suite. «L’examen du dossier de la culture doit obéir aux mêmes méthodes utilisées pour les autres dossiers. Nous ne permettrons pas que des questions nationales soient débattues dans la rue de façon anarchique qui compliquerait encore les choses au lieu de les résoudre…», avait affirmé le chef de l’Etat de l’époque, Chadli Bendjedid qui, comme beaucoup de responsables et même de journalistes, voyait dans ce soulèvement «la main de l’étranger» ou «la main de l’impérialisme», comme l’avait écrit un journaliste à la Une du journal gouvernemental El Moudjahid.

Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de l’époque, Abdelhak Bererhi, parlait, quant à lui, du «patrimoine culturel et populaire et de sa valorisation». Mais les temps ont prouvé qu’il s’agissait bien d’autre chose que cela. En effet, une année après ce «printemps» des heurts, plus ou moins graves, avaient secoué le 19 mai 1981 la faculté centrale d’Alger. D’autres événements, notamment à la Casbah d’Alger puis à Constantine en 1986, devaient confirmer qu’une ère nouvelle était arrivée. Viendra ensuite octobre 1988 qui avait constitué une sorte de trop-plein des frustrations populaires. Se mêlaient les revendications sociales aux aspirations politiques. Des morts, des disparus et de blessés. En fin de compte, les Algériens auront droit à une Constitution en 1989, consacrant officiellement l’ouverture et à plus de 15 ans de violence.

La Kabylie, quant à elle, est restée sur cette frustration de voir ses revendications mises de côté.

Ainsi, en 1994-1995, des milliers d’élèves et d’étudiants de Kabylie avaient observé une année de grève. Les principales revendications étaient : tamazight à l’école et tamazight langue nationale et officielle. C’était «la grève du cartable». Cette année blanche avait abouti, en avril 1995, à la création du Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA) et l’introduction de tamazight dans l’enseignement, même si c’était de façon facultative. Cette nouvelle donne - précédée en 1989 et 1990 par la création de deux départements, devenus instituts, de tamazight à Tizi Ouzou et à Béjaïa, avant un troisième récemment à Bouira- n’a pas vraiment donné les résultats escomptés, vu son caractère symbolique. Les frustrations enfouies refont surface trois ans après. L’assassinat, le 25 juin 1998, du chanteur engagé Lounes Matoub avait fini par raviver les tensions. Des émeutes violentes avaient secoué toute la Kabylie suite à cet attentat non encore élucidé. Certains avaient, malgré tout, crié à la thèse islamiste.

En avril 2001, alors que la Kabylie se préparait à fêter son «printemps», un autre «printemps», noir celui-là, était né. Le 18 avril, un jeune lycéen, Guermah Massinissa, était tué par un gendarme à l’intérieur de la brigade de Béni Douala. Deux jours après, deux collégiens d’Amizour furent provoqués par un gendarme. C’est le début d’un cercle infernal qui aura duré au moins trois ans. Le bilan cette fois-ci est lourd. Très lourd. 126 jeunes sont tués à la fleur de l’âge par les gendarmes qui tiraient, durant des journées entières, à balles réelles sur des manifestants sans armes. La commission d’enquête diligentée et présidée par le juriste Mohand Issad a remis un rapport au président de la République. Huit ans après, ni les résultats ni les sanctions ne sont connus du grand public.Ce drame a conduit, tout de même, à un nouvel acquis. En effet, le 12 mars 2002, les deux chambres du Parlement réunies avaient introduit tamazight «également langue nationale» dans le fameux article 3-bis de la Constitution. Quant au dialogue entamé dès janvier 2004 entre le mouvement des archs et le gouvernement sous la conduite d’Ahmed Ouyahia, il s’était brusquement arrêté en janvier 2005. Seules les indemnisations -et encore- sont à peu près réglées. Depuis, une chaîne de télévision a été créée.

Quant aux autres promesses, liées notamment à la promotion de la langue en même temps que la création d’une académie, sont restées lettre morte. Comme beaucoup d’autres promesses d’ailleurs.

A. B. (La Tribune)

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Commentaires (16) | Réagir ?

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algerie

merci

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algerie

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