Quand Sawiris dirigeait la presse et nos ministres

Quand Sawiris dirigeait la presse et nos ministres

Les temps ont changé. Djezzy ne fait plus recette. Recette publicitaire, s’entend. Djezzy, lit-on dans nos gazettes indignées et brutalement converties à l’intérêt national, Djezzy ce n’est plus qu’une firme à la prospérité suspecte, filiale d‘un groupe qui « pille » l’Algérie, Orascom le suceur de sang, un groupe dont on « découvre », dans la foulée d’une campagne anti-égyptienne née de matchs de qualification pour le Mondial entre l’Algérie et l’Egypte, dont on découvre donc, avec dix ans de retard, qu’il fraude le fisc algérien, qu’il réalise des plus-values de quelques milliards de dollars sur le dos du pays, qu’il a revendu, le gredin, au français Lafarge deux cimenteries qu’elle avait acquises pour une bouchée de pain ; Orascom dont on apprend, mon Dieu !, que les sorties de dividendes ont été cinq fois plus importantes que les nouvelles entrées de capitaux…
Mais que faisaient les médias algériens et nos ministres pendant que Sawiris « pillait » l’Algérie ?
Ils se prosternaient devant Djezzy, comme on se prosternerait devant un totem-mécène à l’amulette salutaire.
L’amulette de Djezzy, c’était un chèque en fin de mois, le « chèque Djezzy », Djezzy leader de la téléphonie mobile, 14 millions d’abonnés, premier annonceur publicitaire, le « chèque Djezzy », un chèque à plusieurs zéros, le chèque de Sawiris pour chaque titre, un gros chèque pour les gros, un chèque plus petit pour les petits, mais chacun aura son chèque, un chèque et un cadeau souvent, un coffret, un voyage à Barcelone pour assister à un match de football, quelques voyages qui entretiennent l’amitié…
Mais le chèque de Sawiris avait un coût : l’allégeance. Pas une critique envers Djezzy, rien qui irriterait Naguib Sawiris, walou, nada, nothing ! Ne parler de Djezzy qu’en bien, en mots gentils, « vous en avez rêvé, Djezzy l’a fait »…
Que faisaient les médias algériens et nos ministres pendant que Sawiris « pillait » l’Algérie ? Que faisaient-ils quand, avec l’argent des banques publiques et privées algériennes, il renflouait sa filiale de téléphonie mobile Djezzy comme ses cimenteries ! Que faisaient-ils quand il utilisait ce financement algérien pour mieux vendre à Lafarge et entrer dans le capital du groupe français à hauteur de 11,4% ? Que faisaient-ils quand on sut que Orascom a acheté la première licence téléphonique algérienne pour moins de 800 millions de dollars, soit un tiers en moins que la licence payée par Méditel au Maroc alors que le PIB par tête des Algériens est deux fois plus élevé que celui des Marocains. ?
Eh bien, nos ministres comme nos médias chantaient la gloire de Sawiris, dans le plus pur style de la bay’a, l’acte par lequel on prête serment au maître du moment, celui qui scelle un lien quasi mystique entre le prince et ses sujets, comme au temps des califes de l’âge d’or où l’on se plaisait, dans de vulgaires joutes poétiques, à rivaliser d’obséquiosité en déclamant des vers grassement payés…..
C’était l’époque où la ministre de la Communication, Khalida Toumi s’emportait contre Le Matin coupable d’avoir révélé les dessous de l’affaire Orascom, en 2001 déjà, une affaire à l'encontre des intérêts nationaux, Le Matin, « le vilain petit canard », conspué, matraqué, par tous. Souvenez-vous : la ministre de la communication, pour rétablir l’honneur d'Orascom et de Shorafa, est allée jusqu'à convoquer des réunions de rédactions des chaînes de radio publique pour exiger des contres enquêtes et menaçant dans une conférence de presse de déposer plainte contre Le Matin. Khalida Toumi, ex-Messaoudi, avait piqué sa colère pour défendre les plus grands corrupteurs, ses amis et ceux du Président. Elle avait signé un éditorial d’une « contre enquête » diffusée par la radio chaîne III, faite avec le mensonge et avec la pitoyable complicité d'une journaliste de la chaîne III promue un mois plus tard rédactrice en chef.
C’était, il est vrai, l’époque où la censure et la répression, en Egypte même, s'était lourdement abattue sur nos confrères égyptiens, le directeur du quotidien cairote Saout El Ouma, Issam Fahmi, et le journaliste Adel Hamouda, condamnés, à six mois de prison pour s'être attaqués à l'empire puissant des Sawiris, propriétaire d'Orascom. L’époque où débarquait à Alger un certain Ibrahim Nafaâ, responsable de l’Union des journalistes arabes, avec pour mission - suggérée ? - de se venger du MATIN coupable aux yeux des Egyptiens d'avoir sali la réputation de leur firme-phare, Orascom, sans avoir subi le sort d'Issam Fahmi et Adel Hamouda. Notre rédempteur était accueilli en seigneur à l'aéroport par Abdelkader Khemri, fonctionnaire attitré du clan présidentiel, et largement filmé par les caméras de l'inégalable Hamraoui Habib Chawki, dont la présentation est superflue. Ce Nafaâ parlera en public, du MATIN avec le vieux mépris pharaonique pour cette presse algérienne pouilleuse et mal dégrossie, se faisant applaudir par les officiels, passant pour un héros, alors que son Union des journalistes arabes avait lâchement détourné la tête quand le journaliste syrien d'El Hayat, Brahim Hamdi, croupissait dans les geôles d'El Assad et que le directeur d'Al-Jazira, Djassam El Ali, était écarté sous la pression des Américains.
Que faisaient les médias algériens pendant que Sawiris « pillait » l’Algérie ? Eh bien, les médias algériens, pour le chèque Sawiris, ils passaient de la presse de Djaout à la presse de Djezzy.
Pas une critique envers Djezzy, rien qui irriterait Naguib Sawiris, walou, nada, nothing !
Il y avait le journalisme et le chèque de Sawiris. Il y avait l’Algérie et le chèque de Sawiris. Il y avait l’éthique et le chèque de Sawiris. Eh bien, que voulez-vous, c’est le chèque de Sawiris qui l’a emporté à chaque fois !
On ne savait pas.
On ne pouvait pas savoir…
C’était l’époque où, pour le chèque de Sawiris, on faisait des publi-reportages bidon sur Djezzy.
C’était l’époque, toute récente, où, pour le chèque de Sawiris, on faisait courbette devant le directeur de la communication de Djezzy, un brave confrère qui se pique de littérature et que le chèque de Sawiris a propulsé au rang de grand écrivain, le nouveau Mammeri, notre Fuentès, l’incroyable résurrection de Mohamed Dib. Pas un titre qui n’ait commis une, deux ou trois interviewes de complaisance de notre écrivain-directeur de communication de Djezzy, dont l’autorité littéraire est inversement proportionnelle à celle, redoutable, de vous priver du chèque Sawiris.
Les archives regorgent de ces pitoyables entretiens obligeants et fort déférents autour de la prose de l’employé de Sawiris, où l’on évoqua Montherlant en pensant au chèque Sawiris.
Il en fut même d’un grand quotidien algérois dont on pensait qu’il possédait assez de margarine pour se passer de pommade, pour s’abaisser à licencier un de ses meilleurs journalistes qui avait eu l’outrecuidance de juger farfelu un entretien avec l’écrivain-directeur de la communication de Djezzy !
Bref, c’était l’époque des émirs braconniers venus exterminer la faune algérienne, notamment les espèces protégées par la loi, la gazelle Dorcas et l'outarde.
Dix ans après, Orascom est priée de quitter l’Algérie.
Entre-temps, la gazelle Dorcas et l'outarde furent décimés.
Un journal fut liquidé.
Son directeur emprisonné pendant deux ans.

G. H.

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Commentaires (25) | Réagir ?

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amazigh

vous parlez tout le temps de clan ou le votre. manifestez vous comme de vrais démocrates que vous prétendez l'être.

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ismael

Pourquoi le clan d oujda vient d ouvrir le pays aux moyen orientaux, egypchiens et leurs semblables!C est normal;c est pour service rendu, c est grace en partie à l Egypt;leur planque pendant la revolution qu ils se sont accapare le pays, aide par leur pere spirituel Nacer et fethi Dib;qui a prepare l assassinat d Abane en le stigmatisant;et en stigmatisant les kabyles;ils ont obei a leurs maitres du Nil et les voilà en train de dilapider le pays.

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