« Les geôles d'Alger » : conférence de presse cet après-midi

L’auteur du livre « Les geôles d’Alger » qui vient d’être interdit au 12è Salon du livre d’Alger, Mohamed Benchicou, et l’éditeur Ouadi Boussad, directeur des Editions Inas, ont animé une conférence de presse à la Maison de la presse à Alger, en présence de nombreux journalistes et de représentants de certaines ambassades étrangères, dont celle des Etats-Unis.
Voici un compte-rendu.

Q : Est-ce que le livre est interdit de vente en librairie ?
Ouadi : Non. Ce matin les librairies ont été approvisionnées normalement et demain dimanche le livre sera dans toutes les régions d’Algérie.

Q : Pourquoi le pouvoir a-t-il eu peur de ce livre ?
Benchicou : Ce livre n’est pas un « livre subversif » comme ils le disent, si tant est qu’il existe des livres subversifs et des livres non-subversifs. Ce n’est pas un écrit de provocation. C’est un livre qui raconte un arbitraire, une expérience carcérale, un abus de pouvoir. Si le pouvoir a voulu l’éliminer, c’est, à mon avis, pour deux raisons qui tiennent à son orgueil autoritaire. La première est qu’il refuse qu’un livre dérangeant soit publié sur le sol algérien, sous son nez, ce qu’il considère comme une bravade et un défi à son autorité. Il veut pousser les Algériens à s’exprimer à partir des capitales étrangères. Et cela, je le refuse. L’Algérie n’est pas la propriété des généraux, de Bouteflika ou de Zerhouni. C’est notre pays ! C’est mon pays !
La seconde raison, à mon avis, tient à l’exemplarité de la répression, donc de la puissance du pouvoir : pour le pouvoir, un citoyen qui a été jeté en prison, doit en ressortir brisé, muet, et servir d’exemple pour ceux qui auraient l’idée de contester à l’avenir…

Q : Pourquoi donc, connaissant tout cela, avoir tenu à écrire ce livre et l’éditer à Alger?
Benchicou : Par devoir. De multiples devoirs. D’abord le devoir de désespérer le bourreau : il faut qu’il sache que son forfait le poursuivra jusqu’au bout. Je ne me tairai pas. Il y a l’arbitraire et l’après-arbitraire. Mes bourreaux ont commis l’arbitraire. Nous sommes dans l’après-arbitraire et je suis encore debout pour dénoncer leur manipulation politico-judiciaire, leur police dévoyée et leur justice aux ordres. Il n’y aura pas une chape de silence sur son forfait.
« Les geôles d’Alger » c’est aussi une façon s’acquitter d’un autre devoir : celui de contribuer à briser la peur, l’inhibition que plante en nous le pouvoir et qui s’est transformée, graduellement, en indifférence, en passivité, parfois en lâchetés. Il faut arrêter d’avoir peur de ce régime ! Il est temps de divorcer avec les allégeances, les basses connivences, les silences complices. De sortir des mécanismes de corruption des esprits. Je n’appelle pas à la désobéissance civile, ce n’est pas mon rôle, je souhaite juste qu’on quitte ces postures d’allégeance. De ce point de vue, « Les geôles d’Alger » c’est le prolongement de mon message de sortie de prison : « N’ayez pas peur de leur prison ! »
Il y a ensuite un devoir envers l’avenir. Nous sommes en phase de construction démocratique. Qu’allons-nous laisser aux prochaines générations si l’on n’est pas capable de défendre le droit d’écrire dans son pays, d’éditer dans son pays, de s’exprimer dans son pays ? Je refuse d’être un écrivain de l’exil tant qu’il restera un chèvrefeuille dans Alger.
Il y a enfin le devoir du journaliste : j’ai vu, je raconte. Le pouvoir n’a qu’à ne plus mettre de journalistes en prison ! Enfin, « Les geôles d’Alger » c’est aussi un devoir envers les milliers de détenus qui subissent l’âge médiéval, inhumain , dans les prisons algériennes.

Q : Qu’avez-vous à répondre aux autorités qui affirment que « Les geôles d’Alger » a été retiré parce qu’il ne figurait pas sur le listing remis à la commission ?
Ouadi : Société de droit algérien, en règle avec toutes les dispositions et règlements en matière de dépôt légal et d’enregistrement ISBN, INAS s’était acquitté pourtant de la totalité des droits de location du stand.

C’est un prétexte fallacieux qui a été avancé par les responsables du Salon. « Les geôles d’Alger », est sorti des presses seulement le 31/10/2007. Et pourquoi imposer aux éditeurs algériens l’obligation incongrue de fournir des listes de livres édités et vendus en Algérie déjà soumis aux obligations de déclarations préalables au dépôt légal et ISBN auprès de la Bibliothèque Nationale ?
Q : Pourquoi avez-vous quitté le salon ?

Ouadi : Au troisième jour de cet abus de pouvoir, et devant l’arrogance des responsables du Salon à conditionner la réouverture du stand à la renonciation aux « Geôles d’Alger » par les éditions INAS, ces dernières ont décidé de se retirer du Salon.

Nous ne saurions, en effet, nous soumettre à un chantage qui aurait des répercussions dommageables pour notre métier et pour le droit à l’expression en Algérie et qui nous renverrait aux années de plomb. L’édition en Algérie du livre « Les geôles d’Alger » n’est entachée d’aucune irrégularité et il ne fait l’objet d’aucune interdiction. Pourquoi nous en interdire la commercialisation ?

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Commentaires (3) | Réagir ?

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avroche boubnider

yaatik saha aami mohamed nta au moin tbared na lghelb on est la nmoutou wakfin nchalah

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alger ois

On peut saluer les propos de M. BENCHICOU face à cette enième "médiévalerie" de ce pouvoir cancéreux.

On peut aussi apprécier le fait que cela fasse un peu de bruit et donc de lumière sur l'arbitraire d'un demi siècle de prédation.

Mais la question légitime qui nous vient à l'esprit est de savoir dans quelle perspective s'inscrira cette "affaire"?

Le "voile-flou" junto-mafio-islamo-ténébreux va t'il se lever sur l'Algérie pour autant?

L'auteur du livre affirme ne pas se taire face à l'arbitraire qu'il a subi mais qu'il ne pousse pas à la désobéissance civile. Il leur en veut mais ne pousse pas le bouchon très loin de crainte de retourner à la "case prison".

La peur de ce pouvoir assassin ne se dissoudra que dans la détermination totale. La tiédeur n'a jamais donné de bonnes choses et les dictatures ont toujours su la maintenir... cette tiédeur. L'Histoire est une mine d'enseignements, ne l'oublions pas.

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