Ferhat Mehenni: "Nous libèrerons la Kabylie"

Ferhat Mehenni: "Nous libèrerons la Kabylie"

C'est devant une assistance attentive et ravie que le président du MAK (Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie) a animé une conférence-débat, Samedi 13 Mars, dans le cadre de la commémoration du 30eme anniversaire du Printemps Berbère 1980. Le conférencier, invité par l'association culturelle Tamazgha, sise au 14eme arrondissement de Paris, est longuement revenu sur le combat identitaire et politique, menée par la Kabylie depuis maintenant 30ans, et sur son impact sur la formation de la conscience kabyle.

«Les hommes font l'Histoire mais ne savent pas quelle histoire ils font» affirme d'emblée Monsieur Ferhat en citant François Furet. Il releva les dates marquantes de l'histoire moderne de la Kabylie, confrontée au pouvoir algérien. Ces dates vont de la rébellion menée par le FFS contre la dictature de Ben Bella en 1963 aux événements tragiques du printemps Noir 2001, en passant par le printemps berbère 1980, le boycott scolaire de 1994 et l'assassinat de Matoub Lounès en 1998. Pour Ferhat, après l'indépendance de l’Algérie, la Kabylie voyait sa liberté, si chèrement arrachée contre le colonialisme, lui filer entre les doigts par le fait des armées stationnées hors des frontières, au Maroc et en Tunisie. Elles sont entrées au pays une fois la guerre terminée pour le contrôle du pouvoir. Pour lui l'Algérie et tous les pays nés de la décolonisation sont le fruit d'un «viol». C'est l'ancienne puissance coloniale qui a réuni des peuples et dessiné des frontières pour fabriquer des nouveaux Etats incapables d’être autre chose que des dictatures au service de l’ordre mondial, déduit le conférencier.

C'est grâce à l'Académie Berbère, fondée en France par Bessaoud Mohand Arav, le travail intellectuel de Mouloud Mammeri et la chanson kabyle moderne que la Kabylie a maintenu sa contestation du régime, dans les années 70. Le tout a ainsi forgé une détermination sans précédent pour défendre un aspect de la personnalité kabyle, l’amazighité. La jonction entre de jeunes étudiants activant au pays et un leader historique, à la fin des années 70, a débouché sur cet événement majeur, qui est le Printemps Berbère de 1980, et la naissance du MCB (Mouvement Culturel Berbère), porteur de la voix de la Kabylie. «On ne rendra jamais assez hommage pour Me Ali Mecili d’avoir permis la rencontre de ces deux générations qui ont fait redémarrer l’Histoire militante de la Kabylie» a-t-il continué. «Le maquisard de la chanson» confie que les revendications de l'époque n'étaient pas assez claires ni assez réalistes (Tamazight et l'Arabe algérien). Des divergences idéologiques différenciaient les militants, mais tout le monde était porté sur le compromis entre les différentes tendances.

Après l'ouverture démocratique, au lieu de transformer le MCB en parti politique, défendant les intérêts de la Kabylie, ses militants ont choisi de se fondre dans de nouveaux partis, croyant défendre la démocratie dans Etat qui continue de les instrumentaliser: «la pression exercée par le système était plus forte que celle exigée par le devoir et la conscience militante kabyle». C'est de la sorte que le MCB a été domestiqué et que ses deux tendances nées de sa division servaient davantage de moyen de légitimation des deux partis que de cadres de réalisation de la revendication amazighe. Ce n'est qu'en 1994 que la Coordination et les Commissions Nationales du MCB se retrouvent pour mener, d'une seule voix, une action d'envergure qui était le boycott scolaire. L'assassinat de Matoub et les événements tragiques du Printemps Noir ont causé, selon l'orateur, un traumatisme profond au sein de la population kabyle qui a perdu définitivement confiance dans ses deux partis politiques.

«Que reste t-il d'Avril 1980» questionne le conférencier: un pseudo-enseignement de tamazight, quelques minutes dans la télévision algérienne, dans différentes langues amazighes, et surtout le dévoiement des symboles d'Avril 80. La maison de la culture Mouloud Mammeri, symbole de subversion, est travestie en lieu de lancement de festivals arabes à Tizi-Ouzou, conclue tristement Ferhat Mehenni. Les élites de l'époque sont, dans leur écrasante majorité, rentrées dans les rangs.

Un avantage est tiré, tout de même, de toutes ces souffrances. Ces trente ans de lutte conjuguées au choc du Printemps Noir ont permis à la Kabylie de murir sa revendication et de s'assumer enfin et définitivement comme peuple. C'est, depuis 2001, le MAK qui en porte les espoirs. Depuis qu’il est sur le terrain, le 20 avril n’est plus commémoré comme c’était le cas jusque-là, culturel et linguistique. La revendication d’une autonomie pour la Kabylie prend le pas sur les revendications traditionnelles d’avant «Le 20 avril 2010 sera la date de l'union des Kabyles qui marcheront pour leur liberté».

Le président du MAK met en garde le pouvoir algérien contre toute nouvelle agression contre la Kabylie. Il affirme solennellement que ce jour sera celui de la liberté du peuple kabyle. En fin de son intervention, Ferhat Mehenni lance un appel à tous les kabyles de France à se joindre massivement au rassemblement, organisé dans le cadre du «Collectif Tafsut 2010», le 18 Avril à République, et au sit-in du 20 avril à 17h, devant l'ambassade d'Algérie à Paris. Il rappelle que le MAK marchera dans les trois capitales de la Kabylie pour la liberté du peuple kabyle.

Ferhat a lancé un appel solennel pour une grève générale le 20 avril. Il a appelé tous les travailleurs (qu’ils soient du secteur public ou privé) et tous les fonctionnaires kabyles à ne pas se rendre à leur travail ce jour-là. Il invite également toutes les associations culturelles à n’organiser d’activités commémoratives qu’à partir de 17h.

Un débat riche a suivi la conférence. Les intervenants ont axé leurs questions notamment sur le projet d'autonomie, défendu par le MAK. Une question a attiré l'attention de l'assistance, il s'agit de l'éventualité d'une action armée, dans le cas du refus du pouvoir algérien d'accepter l'autonomie. L'Ancien déclare «si le pouvoir algérien recourt encore une fois aux armes je cesserai de revendiquer l'autonomie» sous les applaudissements de la salle. Face à l'inquiétude d'un intervenant quant à la misère sociale en Kabylie qui est, selon lui, prioritaire, le président du MAK rétorque que la Kabylie réglera ses problèmes sociaux une fois son Etat mis en place. Pour ce faire, elle a besoin de ses investisseurs, de ses chercheurs et de sa main d'œuvre mais, dorénavant, elle n'a rien à attendre d'un régime qui tue ses enfants. Quant à la stratégie du MAK pour aboutir à libérer la Kabylie, la désobéissance civile reste un moyen parmi d'autres explique Ferhat notant au passage que le MAK, à travers sa diplomatie, dispose d'un puissant soutien international. C'est dans un climat de convivialité et de fraternité que la rencontre s'est terminée, les présents ont été satisfaits que Ferhat s'approche des présents pour les saluer et expliquer des derniers détails concernant l'Etat Kabyle en gestation.

Synthèse A. Mekdam

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Commentaires (489) | Réagir ?

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khelaf hellal

Je préfère qu'on dise : nous libèrerons l'Algérie, parceque l'Algérie a été détournée de ses origines, de ses ancrages culturels ancestraux qui fondent son amazighité.

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deradji nair

Oh que non vous ne libériez ni l'une ni l'autre et vous pouvez vous mettre d'ailleurs un doigt dans l'oeil pour ne ps dire ailleurs pour vous sentir. Le peuple algérien est uni y compris en Kabylie et vos voix s'éteindront d'elles memes et que Meheni aurait du mieux fait d'aller chanter derrière la queue d'un chameau.

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Afifa Ismail

Quand je vois tous les commentaires, ou les uns s'attaquent aux autres je me dis que l'oppression en Algérie à de beaux jours devant elle car la cohésion du peuple n'est pas pour demain ; quand on parle d'autonomie ce n'est pas un vain mot, il faut faire attention à la réalité économique, géopolitique de la région. Car si c'est pour avoir un semblant d'autonomie et vivre sous perfusions d'Alger c'est absurde.

Ce qu'il faudrait c'est enseigner dans toutes les écoles du pays l'histoire (non déformée) du Maghreb, la langue amazigh, et les diversités culturelles du pays, ce qui fait sa grande richesse. Car quand je lis des inepties telle que "la Kabylie le coeur du Maghreb"cela ne veut rien dire. Le Maghreb est récent, avant cette région s'appelait Ifrikya et sa capitale Kairouan alors arrêtons de dire des bêtises et de nous diviser car c'est exactement ce que souhaite le pouvoir d'Alger.

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deradji nair

Il ne s'agit guère des Kabyles de l'intérieur mais bien ceux qui nous rédige qui de la mère patrie la France avec sa double nationalité, du canada ou des USAvoù ils apprennent toutes les leçons comme l'avaient appris les opposant syriens pour détruire le sel pays qui s'opposait aux desseins des sionistes. Meheni s'est rendu pour la seconde fois à Israel son but est clair comme un ciel bleu ; détruire toute l'Algérie mais oubli que la Kabylie dont il ne cesse d'en parler est aussi l'Algérie.

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