Grève à la SNVI de Rouiba, les travailleurs descendent dans la rue

Grève à la SNVI de Rouiba, les travailleurs descendent dans la rue

Les travailleurs de la SNVI de Rouiba durcissent leur action de protestation chaque jour un peu plus. Après le rassemblement organisé la veille sur la voie publique, juste devant l’entrée principale de leur usine, ils ont carrément bloqué la circulation de la route reliant Rouiba à Réghaïa hier, au troisième jour de la protestation. Ils ont occupé la voie publique, ne laissant passer que les cas d’urgence comme les automobilistes transportant des malades. Les forces de sécurité mobilisées sur place sont restées à l’écart veillant tranquillement au maintien de l’ordre.Si la grève est suivie par « les 5000 travailleurs du site », selon les manifestants, à notre arrivée sur les lieux, vers 10h30, il y avait environ 600 protestataires sur la voie publique. « Tout le monde est en grève et nous sommes tous d’accord avec ce mouvement. Si cela s’avère nécessaire, nous allons tous sortir dans la rue », nous déclare un groupe de travailleurs que nous avons rencontré à l’entrée de l’usine. Les travailleurs nous ont dit qu’ils marcheraient aujourd’hui sur la ville de Rouiba si aucune réponse n’est apportée à leurs revendications. Ils rappellent qu’ils rejettent catégoriquement les décisions prises lors de la réunion tripartite du mois de décembre 2009, notamment l’augmentation du SNMG de 3000 DA et la suppression du droit de départ à la retraite sans condition d’âge. « Nous souhaitons que nos camarades travailleurs des autres unités, voire des autres régions du pays, se mobilisent à nos côtés pour que nous puissions défendre nos droits. L’UGTA nous a vendus et il ne nous reste que l’action et la mobilisation pour nous défendre », nous a déclaré un travailleur. Les manifestants rappellent que « l’augmentation du SNMG de 3000 DA ne profite pratiquement à aucun employé de la SNVI et l’annulation de la loi de 1997 permettant de sortir en retraite proportionnelle est très dommageable pour nous qui travaillons dans des conditions pénibles ». « Le gouvernement a décidé de ne plus permettre de laisser partir à la retraite les travailleurs totalisant 32 ans d’exercice, pour ne nous laisser que l’option de l’âge (60 ans). Mais à 60 ans, j’aurais passé 43 longues années de travail dans la forge. A-t-on pensé aux effets de tout ce temps sur notre santé ? », nous a déclaré un autre travailleur, qui dit avoir commencé à travailler à la SNVI à l’âge de 17 ans. Un groupe d’autres travailleurs nous entretient des problèmes socioprofessionnels qu’ils vivent au quotidien. « Notre salaire est tel que nous devons quémander le couffin du Ramadhan et nous endetter auprès de l’employeur pour l’achat du mouton de l’Aïd. Ceci n’est pas normal pour un homme qui travaille depuis des années. Dans les pays qui se respectent, un citoyen qui travaille n’est jamais pauvre ; il est à l’abri du besoin et il se permet des vacances », nous lance-t-on. A cela se greffent d’autres doléances. Les travailleurs dénoncent ce qu’ils appellent le « favoritisme dans les promotions et les recrutements ». Ce que dément formellement le PDG de la SNVI, Mokhtar Chahboub, qui dit que « la direction du complexe fait tout conformément à la réglementation, car la promotion obéit à des critères ». Mieux, le PDG dira que « s’il y a eu fraude dans la promotion, y compris pour les syndicalistes, la direction n’a jamais été informée ». En ce qui concerne les recrutements, jusqu’à la limite tolérée par l’Agence nationale de l’emploi, les enfants des travailleurs de la SNVI, y compris de ceux qui sont décédés ou sortis en retraite, sont favorisés dans le cas de qualification égale avec les autres candidats, selon le même responsable.

« Aucun responsable n’est venu nous voir »

Au sujet de l’absence d’interlocuteurs dont se plaignent les travailleurs durant ces trois jours de grève, le premier responsable de la SNVI nous dit : « Au début, nous avons considéré que c’était au syndicat de prendre en charge le problème parce que les travailleurs exposent des problèmes qui les regardent directement. En plus, personne n’est venu nous voir. Cependant, des concertations sont en cours avec la tutelle et le secrétariat national de l’UGTA en vue de trouver une issue à cette crise. » Les travailleurs de leur côté déclarent qu’« aucun responsable n’est venu nous voir ». M. Chahboub estime le taux de participation à la grève à 62% et explique l’arrêt total des activités dans tous les ateliers par la « coïncidence de la protestation avec la période de l’inventaire ». « Durant les trois jours que dure l’inventaire annuel, tout se met à l’arrêt. Je peux dire par conséquent que sur le plan économique, la grève n’a jusqu’ici pas eu d’impact sur l’entreprise, car de toutes les manières, on aura arrêté de travailler pendant ces trois jours. » En tout cas, la grève va commencer à affecter le budget de l’entreprise à partir d’aujourd’hui, si elle ne l’a pas déjà fait. Quant aux salaires, M. Chahboub soutient que ceux de la SNVI ne sont pas en deçà de ceux des autres entreprises de la Fédération de la métallurgie. « Nos salaires sont conformes aux dispositions des conventions de branches et de la convention collective », a-t-il affirmé, laissant entendre qu’en termes de politique salariale et de départ à la retraite, la direction de l’entreprise n’est pas habilitée à prendre des décisions. Il soutiendra aussi que du point de vue sanitaire, son entreprise est dotée d’un service de médecine du travail capable de prendre en charge les travailleurs. Il précise toutefois qu’« il se pose un problème avec les maladies à caractère professionnel qui ne sont pas reconnues par la CNAS ». Sa collaboratrice, la DRH du complexe, ajoute : « Nous avons entrepris une démarche pour ajouter à la liste des maladies professionnelles reconnues par la CNAS d’autres maladies qui touchent nos travailleurs. » Mais les travailleurs insistent sur l’insuffisance de tout cela. « Je ne peux pas me permettre de manger tous les jours à la cantine. Si je le fais, ce serait au détriment de mes enfants. C’est donc à l’Etat qui engrange des milliards de dollars de recettes pétrolières de nous assurer un minimum vital », dit un travailleur. L’un d’eux nous dira qu’il a perdu un poumon à cause de l’air qu’il respire dans les ateliers. Un autre nous montre ses jambes pleines de varices à cause du poids qu’il est obligé de soulever tout au long de la journée et un autre encore des blessures qui ont failli lui faire perdre le pied. « Nous réclamons un statut particulier, nous exigeons un salaire à la mesure de nos sacrifices et le droit de partir en retraite lorsque nous sentons que nous n’avons plus d’énergie pour continuer. Nous sommes exténués », ajoute notre interlocuteur. Son camarade intervient pour rappeler : « Nous sommes conscients de ce que nous faisons. Nous ferons tout pour préserver notre entreprise. » Le PDG a lancé un appel en direction des travailleurs pour qu’ils reprennent le travail, soutenant que son entreprise est sur la bonne voie avec un programme d’assainissement, une bonne part du marché et un plan de charge pour les 3 ans à venir. Dans la matinée, c’est le syndicat d’entreprise, qui dit rejeter les décisions de la tripartite, qui avait appelé les travailleurs, à travers un communiqué affiché dans l’enceinte de l’usine, à reprendre le travail tout en s’engageant à « arracher une augmentation des salaires dans le cadre des négociations de la convention de branches et qui serait effective à partir du 1er janvier courant ». L’après-midi, des bruits couraient que d’autres unités industrielles de la zone de Rouiba-Réghaïa rejoindraient la protesta aujourd’hui.

Par Kamel Omar - Elwatan.com

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Bey Mustapha BEBBOUCHE

Le mouvement de protestation des travailleurs de la zone industrielle de ROUIBA-REGHAÏA entame sa deuxième semaine et promet de prendre de l’ampleur s’ils ne sont pas pris en considération et associés à un débat constructif sur leurs revendications salariales et leur remise en cause des décisions arbitraires prises par les « pouvoirs publics » en matière d’SNMG, de retraite (ordonnance 1997), de grilles de salaires et d’IRG (article 87 bis) …

En parallèle, la grève ouverte des praticiens du secteur sanitaire qui dure depuis trois semaines, est en train de se radicaliser, et la coordination entre le SNPSP et le SNPSSP montre clairement que les syndicats libres sont bien décidés à faire face à l’arrogance et aux pratiques d’intimidation de leur tutelle qui, en poussant au pourrissement, compte sur le tout-répressif pour mettre fin à leur action.

La grève des enseignants, déclarée « illégale » par une justice inféodée au pouvoir, et dont la dynamique n’a été que différée par des négociations qui ont débouché sur une situation d’équilibre instable, reste annonciatrice d’évènements probables qui risquent de grever la scolarité des élèves en classes d’examens.

La centrale syndicale (UGTA), par son comportement atypique d’alliée objective du patronat, a définitivement largué ses propres adhérents pour devenir un comité de soutien à un pouvoir ploutocratique qui, sous le couvert du tout-sécuritaire antiterroriste, s’est doté d’une formidable machine de répression qu’il dirige sans vergogne contre les citoyens pour mater toute revendication sociale, tout mouvement pacifique généré par l’aspiration légitime à une vie digne en parfaite concordance avec le projet sociétal porté par l’appel historique du 1er Novembre 1954.

Lors de deux conférences de presse tenues le 09 janvier 2010 à KHENCHELA et à BATNA, Mr Ali-Fewzi REBBAÏNE, président du Parti « AHD 54 », a fermement dénoncé cette dialectique de la matraque et des gaz lacrymogènes, et exprimé au nom de sa formation politique, son soutien indéfectible aux travailleurs qui luttent pour leurs droits constitutionnels, pour la démocratie et pour les libertés fondamentales des citoyens. Il a par ailleurs rappelé qu’à l’instar du multipartisme, le syndicalisme autonome et le droit à la grève comme moyen pacifique de revendications sociales sont consacrés par la Constitution, et que l’UGTA est le seul syndicat qui, au lieu de défendre les intérêts des travailleurs, fait l’apologie constructive d’hypothétiques « programmes de relance économique » qui ne sont en définitive que le camouflage de l’incapacité de l’Etat de créer l’emploi et de résorber le chômage. L’exclusion des syndicats autonomes de la dernière « tripartite » dénote clairement que seuls les serviteurs du Pouvoir sont reconnus comme partenaires sociaux, économiques et politiques dans un système rentier dont la politique salariale ne profite qu’aux hauts responsables pour s’assurer de leur allégeance aux liquidateurs des richesses et du tissu industriel du Pays.

Alger, le 10 janvier 2010

Aïssa BELMEKKI

Secrétaire National chargé de la Communication & de l'Information

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yiwen

On ne peut qu'être d'accord avec votre mouvement; nous qui travaillons au sud. Que dire de 30 ans de sud dans des baraquements? l'UGTA nous a lâché depuis longtemps. Nos gouvernants ne peuvent ressentir se que nous endurons

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