Notre presse entre Phèdre et Ould Abbès

Notre presse entre Phèdre et Ould Abbès

L'un des signes de vitalité de la presse algérienne, le plus singulier sans doute, c'est son aptitude à prolonger le suspens pour une salle vide. La besogne exige du doigté : il faut savoir se persuader de la présence d'un public, savoir jouer derrière les rideaux et, ce n'est pas la moindre des gageures, savoir continuer un vilain vaudeville en une poignante tragédie grecque.
Passer de Touati à Phèdre : il fallait y penser !
N'accablons pas nos confrères. Nous avons tous connu l'implacable angoisse de ce métier : quoi dire aujourd'hui? La presse étant une bouche forcée d'être toujours ouverte et de parler toujours, nous avons appris à dire mille fois plus que nous avons à dire, et parfois même, avouons-le, à divaguer. On dit que cela a donné deux sortes de journalistes : les quelconques, ceux qui s'intéressent à ce qui intéresse le public ; et les célèbres, ceux qui intéressent le public à ce qui les intéresse.
Et cela est souvent mérité : n'importe quel comique vous dira combien il est difficile d'égayer le public.
Mais, enfin ! Evoquer une " angoissante attente du nouveau gouvernement", voilà qui surpasse toutes les audaces du métier !
Même pour un public de nigauds, l'image d'un Algérien tourmenté par l'insoutenable question de savoir qui va remplacer El Hachemi Djaâboub. au Commerce, relève du ridicule !
Je sais bien qu'il y a trois choses qu'un journaliste est capable de réaliser avec rien - une indiscrétion connue de tous, une salade et le compte-rendu d'un livre qu'il n'a pas lu - mais là, ériger la succession de Saïd Barkat à la Santé en préoccupation nationale, suscite franchement l'admiration ! On attend le reportage poignant, " Bab-El-Oued divisée sur le bilan de Djamel Ould Abbès à la Solidarité nationale" et, cela va de soi, le câble de l'envoyé spécial sur les lieux du drame : " Impatient d'attendre le remplaçant d'Abdelhamid Temmar au ministère de l’Industrie et de la Promotion des investissements, il se jette par la fenêtre !"
Tout cela pour dire qu'en journalisme, la mémoire n'est pas la qualité indispensable. On peut passer six mois à soutenir que le peuple "se désintéresse de la politique du pouvoir " et, le septième mois, faire des manchettes sur " L'angoissante attente du nouveau gouvernement"
Qui a dit : " Les journalistes ne croient pas les mensonges des hommes politiques, mais ils les répètent ! C'est pire !" ?
Coluche.

L.M.

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Commentaires (19) | Réagir ?

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yiwen

Il y a des ministres sur le point d'être remplacés c'est normal. A un nouveau président, un nouveau gouvernement. J'ai lu que bouguerra Soltani va démissionner. N'est il pas logique de lui demander de nous faire le bilan de son passage à la tête de son ministère fantome?Parce que durant toute cette longue période, il a été payé avec notre argent.

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LESYSTE

C'est connu, lorsqu’on est formaté par le système de la pensée unique, on n’est forcement assujetti à suivre sa lignée. On n’a jamais vu quelqu’un mordre la main qui le nourri à longueur d’année. Au même titre que tous les rouages de la société on n’a le type de presse et le niveau du journalisme au ras des pâquerettes. On mérite bien mieux, mais malheureusement cela continuera pour quelques générations encore.

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