Sid Ahmed Ghozali : "Nous avons reproduit le scénario des années 80"

Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre entre le 5 juin 1991 et le 8 juillet 1992
Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre entre le 5 juin 1991 et le 8 juillet 1992

Dans une longue interview accordée au Point Afrique, l’ex-Premier ministre (1991-1992) Sid Ahmed Ghozali, considère que le pouvoir reproduit les mêmes erreurs que dans les années 1980.

Interrogé sur la démarche du gouvernement et ses solutions préconisées tel le recours au financement non conventionnelle, il explique que « la démarche gouvernementale aura pour effet d'amoindrir davantage, pour finir par l'anéantir, tout espoir d'une sortie à terme d'un guêpier », affirme l’ex-premier ministre.

Pour Sid Ahmed Ghozali, « le pouvoir croit s'exonérer des effets de sa propre incurie, et ce, en égarant les esprits et en y instillant l'idée que c'est la chute du prix du pétrole qui serait la cause de tous nos malheurs», expliquait-il.

En ce qui concerne la planche à billets il affirme qu’elle fonctionne déjà, depuis plus de dix ans. « Sinon, dit-il, d'où est provenue la dépréciation du dinar (par rapport au dollar ou à l'euro), qui aura été d'un tiers sur la base du taux affiché par la Banque d'Algérie et de plus de 50 % dans le marché réel ? Pour lui, « le changement annoncé de la loi sur la monnaie et le crédit n'est donc que la « légalisation » d'une pratique existante depuis plus de quinze ans, non formalisée, certes, mais tacitement consacrée » ajoute-t-il.

Gaz de Schiste

Interrogé sur le recours au gaz de schiste comme moyen de compensation des pertes de revenues pétrolières, Sid Ahmed Ghozali croit notamment que « l'annonce relative au gaz de schiste est une autre fumisterie présentée comme une sorte de deuxième idée « de génie », qui serait propre à compenser les pertes de revenus pétroliers (…) Quand les recherches auront abouti, il faudra quinze à vingt ans pour passer à la phase de production significative et d’ajouter qu’il était « farfelu de croire et faire espérer à un éventuel accroissement de nos revenus à partir des réserves de gaz de schiste avant 2030. », insistait l’ex-ambassadeur d’Algérie en France

Versement des salaires de Novembre

Interrogé sur la menace de cessation de paiement, brandie par Ouyahia, Sid Ahmed Ghozali compare le gouvernement à la cigale de la fable. « Aujourd'hui, le gouvernement, telle la cigale, désemparée, laisse entendre qu'il y a une solution immédiate (planche à billets, NDLR). Il ne peut pas y avoir une solution immédiate à un problème qui s'est constitué sur des décennies », faisait-il remarquer. Et de s’interroger si ce type d’annonce n’avait pas comme but d’assurer la paix social par la peur, au même titre que le reportage effarant diffusé sur l’ENTV et traitant la décennie noire. « Est-elle le signe d'une crainte panique de voir se dissiper bientôt une paix sociale factice ? (…) Comme tend à le suggérer le récent et indécent étalage télévisé des horreurs terroristes, ressorties, comme à point nommé, des archives par l'ENTV. » expliquait-il encore.

Plans de relances

Sid Ahmed Ghozali explique que tous les plans de relance ont été fait comme des mesures afin d’endiguer les révoltes populaires comme en Kabylie en 2001, où des centaines de jeunes ont été massacrés.« Le plus célèbre est le plan de soutien à la relance économique (PSRE) en 2001. Il s'agissait d'endiguer le printemps noir (violentes émeutes en Kabylie qui ont fait 126 morts et des centaines de blessés), qui fut une revendication éminemment politique et à laquelle on a cru répondre par une dure répression d'abord, puis par une vaste opération de réfection des trottoirs des cités, y compris ceux qui n'en avaient pas besoin (…) On a créé ainsi quelques centaines de milliers d'emplois bureaucratiques... artificiels. Contrairement à ce qui se passe en Europe, la création d'emplois fictifs n'est pas un délit en Algérie, c'est une obligation ! » Ironisait l’octogénaire.

Effondrement inévitable du système

L’ex sociétaire de Dali Brahim s’interroge sur la cécité maladive de l’actuel pouvoir l’incitant à apprendre des leçons de l’histoire récente des dictatures arabo-islamiques. « A-t-on assez médité sur les cas de l'Irak, l'Iran, la Syrie et la Libye, où des régimes méprisants vis-à-vis de leurs peuples ont inconsciemment servi de prétexte à la destruction par l'impérialisme de joyaux arabo-musulmans de la civilisation humaine ? Je ne le crois pas », se navre-t-il.

Explosion sociale

Sid –Ahmed Ghozali est pessimiste quant à l’avenir proche et la tournure des évènement. « Je crains que ce ne soit trop tard. La mauvaise gouvernance et le refus obstiné du changement sont le carburant de la rupture sociale. Les effets de la mauvaise gouvernance en sont le détonateur», avertit-il.

Destitution de Bouteflika

Sans le dédouaner, Sid Ahmed Ghozali se pose la question du chamgement du système et ne croit pas que Bouteflika soit le seul responsable de la situation. « Ces personnalités (en parlant de l’initiative politique des trois personnalités qui demande la destituion de Bouteflika), pensent peut-être que le président serait à lui seul la cause de nos difficultés. Ce n'est pas ma façon de voir. Car, s'il venait à disparaître(…) il n'y aurait absolument aucun changement.

(…) Qui a géré le pays durant cette période (depuis 2005) et continue de le faire ? Le système qui l'a renouvelé trois fois de suite malgré la limitation instaurée par la Constitution de 1989. Nous assistons depuis une dizaine d'années à une manière de braquer tous les projecteurs sur un homme, comme si c'était pour le désigner comme étant le seul responsable, comme si on concoctait dans quelque officine la préparation d'un bouc émissaire à offrir en pâture à la rue, dans l'éventualité où celle-ci se mettrait à bouger », faisait-il remarquer.

Synthèse H. K

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thameur chelali

Merci

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thameur chelali

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