Le drapeau noir du RCD et nos soubrettes pleureuses

Le drapeau noir du RCD et nos soubrettes pleureuses

Il fallait à la conjuration des domestiques officiant pour le candidat Bouteflika, un prétexte pour jouer leur numéro de « soubrettes pleureuses », un spectacle unique qu’ils exécutent, généralement, avec une époustouflante maestria.

La décision du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de hisser, depuis trois jours, un drapeau noir à la place de l'emblème national sur le bâtiment de son siège national à Alger, leur en a fourni un. Et voilà nos majordomes qui prennent l’accent de la veuve éplorée et outragée !

Ecoutons-les, pêle-mêle, les partis de l'Alliance présidentielle, les associations-cocktails et même la Commission nationale de surveillance des élections (oui, oui !) s’indigner de ce que le parti de Saïd Sadi ait « outragé le drapeau national » !

Il est jusqu’à l’UGTA, devenu marchepied du régime, pour se découvrir un reliquat de dignité et dénoncer « l’offense à la Nation » commis par le RCD !

Le numéro est délicat à exécuter. La poupée-soubrette doit prouver, au moyen d’impressionnantes gesticulations, qu’elle a du cœur, une vraie fibre patriotique, et qu’elle est disposée à verser de vraies larmes pour cela.

Peu importe qu’elle ne ressente aucun chagrin. Le but du jeu n’est pas de pleurer sous le poids de la douleur, mais d’offrir une représentation théâtralisée de la douleur qui soit plus authentique, plus impressionnante que la douleur elle-même ! Réussir un simulacre de l’affliction qui en arrive à surprendre les affligés eux-mêmes.

Bien évidemment, la télévision, fermée aux opposants et au débat contradictoire, s’est magistralement ouverte à nos soubrettes pleureuses. Jeudi, dans son Journal de 20 heures, l'ENTV a lu plusieurs de leurs condamnations, très émues.

C’est que, façonnées à l’identique, les « soubrettes-pleureuses de Bouteflika » sont une parfaite reproduction des anciennes « pleureuses », ces femmes dont on louait les services, selon l’antique tradition, pour sangloter, gémir et implorer le Ciel lors des obsèques du défunt pour lequel elles étaient payées. Dans la tradition judéo-arabe, on les appelait « El hazniate « ou « El Hjaniyè « en hébreu. Toute vêtues de noir, en robe ample et les bras entièrement couverts, elles s'asseyaient à proximité du corps étendu à même le carrelage et s’adonnaient parfaitement à l’art du simulacre, n’hésitant pas à hurler ou à se griffer le visage jusqu'au sang pour la perte d’une personne qu’elles n’ont jamais vue et pour laquelle elles n’éprouvent aucune peine.

Que disent-elles ? Le chef de la Commission politique nationale de surveillance de l'élection présidentielle (CPNSP), machin créé pour valider la fraude, dénonce un « acte absurde et irresponsable » et pense que « le RCD a délibérément porté atteinte à l'un de ces symboles en ôtant l'emblème national et en hissant un drapeau noir ». Rien que ça ! Les partis de l'Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP) qui soutiennent le président candidat Abdelaziz Bouteflika, ont majestueusement réagi en qualifiant la démarche du RCD « d'antinationale ».

Et l’UGTA ? Et bien, l’UGTA se dit « profondément consternée et indignée par l'acte inqualifiable commis par le RCD » !

Sur ce registre, nos « soubrettes pleureuses », Belkhadem et Sidi Said en chefs de file, suivies de ces créatures asservies au proxénétisme politique, ont honoré autant la légende d’El-Hazniate : elles ont versé sur «l’acte absurde et irresponsable du RCD » tellement de chaudes larmes qu’elles ont fini par réveiller les martyrs !

Le secret est pourtant simple : il faut du temps pour épuiser les larmes « rechargées » en quantité sur le corps de ces poupées-soubrettes car elles n’obéissent qu’à une seule touche : pleurer sur « l’offense du RCD », à l’exclusion de toutes les autres offenses.

Une vraie femme pleureuse ne se trompe jamais de funérailles.

Aussi nos soubrettes pleureuses sont, par exemple, insensibles aux graves insultes proférées publiquement sur leur sol même, par le chef terroriste Ahmed Benaïcha qui menace d’autres « 11 décembre » si le FIS n’est pas réhabilité » et qui accuse nommément les services secrets d’être derrière les attentats ! De même que nos poupées n’ont aucune émotion à l’idée que les victimes du 11 décembres aient été assassinées par un terroriste fraîchement libéré de prison grâce à la Charte !

Elles ne sont pas programmées pour s’émouvoir des crapuleries politiques des dirigeants, mais seulement de celle du RCD ! Nos soubrettes-pleureuses ne s’indignent pas du terrorisme islamiste, elles ne dénoncent pas l’intégrisme, elles s’acquittent juste d’une mission dilatoire pour laquelle elles ont été actionnées.
Pour tout cela donc, il y avait quelque motif de se réjouir que nos poupées aient su ressusciter avec brio une coutume qui date quand même de l’Antiquité et qui, aujourd’hui encore, dans la vallée du Nil, est évoquée dans une des plus belles scènes représentées sur les murs des tombes thébaines, celle des pleureuses de la tombe du souverain Ramose.

De quoi nous plaignons-nous ? L’intérêt national, les symboles de l'Etat et les fondements de la nation sont entre de très remarquables mains : des mains sales, des mains qui ont serré les mains des assassins, des mains qui ont applaudi le maître et étouffé l’humilié, des mains qui ont puisé dans les caisses de l’Etat, des mains qui ont parjuré…

Des mains qui ont servi à la posture des trois singes, rien vu, rien entendu, rien dit, quand l’Algérien criait à l’injustice, quand les manifestants tombaient en Kabylie, une ligne de sang sur leur sourire…

M.B.

Plus d'articles de : Chroniques

Commentaires (79) | Réagir ?

avatar
LINOXYDABLE

les Algériens sont-ils vraiment intelligents? OK!

Prenant l'exemple de AIT HAMOUDA, combien gagne par moi ce gentil député?

Est-ce que vous avez déjà entendu parler de ce Monsieur il est aller par exemple dans un hôpital pour aider les patients ou pour faire apell a une initiative, dont il va acheter du materiel scolaire pour ceux qui ont vraiment besoin?????

si vraiment les partis politiques ont pensé un jour faire sortir le pays de cette misère, on va jamais voir le peuple aujourd'hui Sortir dans la rue. Moi je suis méfiant a fond, et je vous jurre je suis partie partout dans le monde, y a pas des grands NAIFS que ceux que j'ai vu ici, désole. Avant de partir, même ici il y a des gens qui ont 2 jobs.

avatar
Baali

Lettre d’un citoyen de Chleff à la presse (non publiée)

Saïd Saadi a baissé le drapeau algérien, l’a rangé avec respect dans une armoire. Puis il a levé un pan de tissu noir pour exprimer son « deuil de la démocratie ». Aussitôt des voix se sont mises à crier. Je ne suis pas militant du RCD, mais je ne comprends vraiment pas en quoi son président a fauté. Nos casernes ramènent les couleurs nationales, à chaque tombée du soir. La nuit, elles les font veiller par des sentinelles. Le lendemain, au lever du jour, elles les relèvent. Saïd Saadi a baissé l’emblème national. S’il ne l’a pas hissé, c’est parce qu’à ses yeux aucune lueur n’annonce l’approche d’un matin neuf dans le ciel de son pays. Il faut être mauvais Algérien pour ne pas, sinon partager, du moins comprendre sa hâte d’une Algérie républicaine.

On peut contester le bien-fondé de son pessimisme, discuter de l’imprécision de ses cibles. On peut lui faire reproche de reporter sa déception sur les hommes, et de ne pas tenir compte des facteurs d’inertie qui, dans les pays de vieille tradition dictatoriale, jouent fréquemment à contrario des intentions et des compétences. Mais il faut couver une réelle malhonnêteté d’esprit pour ne pas reconnaitre dans cette impatience, la traduction pure et sincère de son amour pour le pays, pour ses compatriotes, pour la démocratie.

Sans doute apprécie-t-il mal la difficulté pour un décideur, d’assainir une justice vérolée depuis 30 ans, de changer le cap d’une école obstinément pointée depuis 15 ans sur l’abrutissement national, de rendre allure d’hôpitaux dignes de ce nom à nos mouroirs publics, de créer des emplois à une jeunesse qu’une impatience analogue à celle qui l’anime pousse à la noyade et dont les cadavres sans yeux sont repêchés quotidiennement sur les cotes européennes. Bien qu’instruit des sciences économiques, sans doute s’énerve-il que les gros investissements mettent du temps à produire des résultats. Certes Saïd Saadi s’énerve-t-il. Mais n’y a-t-il pas, pour le décideur honnête, à tirer de cet énervement, matière à réfléchir et à corriger ses erreurs ? Le geste de Saïd Saadi est, dans la sémiologie de la colère, un manifeste pour un programme de travail clairement défini par les besoins et leur urgence. Le reconnaitre, s’engager sincèrement à mettre en œuvre ce programme, c’est en soi, conquérir une première habilitation à diriger les affaires publiques. Aux yeux de la majorité, en effet, la légitimité se fonde désormais sur la compétence et la sincérité des engagements plutôt que sur des urnes, depuis 30 ans prises sous le soupçon de menteries, ou des applaudissements de rues, exposés à tort ou à raison (mais irrémédiablement) à l’accusation de formatage, encore moins sur des courbettes, dans des hémicycles peuplés d’hommes frappés de torticolis sévère et incapables de dire non avec la tête. Car il est des non efficients, constructifs. Ne pas les faire entendre, c’est trahir sa patrie, sa religion, son peuple, éventuellement son chef. L’acte de Saïd Saadi dit un non constructif, pertinent. Il ajoute à son mérite, celui de s’être exprimé par des voies hautement citoyennes.

Les détracteurs de Saïd Saadi, se prétendent-ils meilleurs algériens que lui ? Si oui, qu’ils en fassent la preuve par la démonstration. Que le public algérien soit pris pour juge et que leurs dossiers et leurs comptes en banque et leurs diplômes et leurs cursus politiques et professionnels soient ouverts sur la table, en même temps que les siens. Comme algérien, fanatique de la probité et de la compétence, je demande qu’à voir.

Je le répète, je ne suis pas militant du RCD. En vérité, Saïd Saadi agace mes 67 ans par son excès de franchise, la brusquerie de ses propos, la vivacité de son intelligence, des qualités qui vont au moraliste, au fidai convaincu, à l’imam intègre, et non pas au politique. Du moins, la politique de mon époque. Mais moi présent, à l’heure où on lui a lancé des pierres, j’aurais sans hésitation ramené l’emblème national pour éviter que son ombre soit souillée par l’ignominie de l’agression, pour éviter aussi que cette ombre serve d’écran et d’alibi à une violence indigne et gratuite.

Si les imprécations procèdent d’un amour sincère de l’Algérie qu’elles soient proférées à l’encontre de ceux qui se drapent la tête et les épaules avec le drapeau algérien et foulent du pied les valeurs qu’il symbolise.

Enfin, en tant que natif de la ville de Chlef, je demande nominalement pardon au RCD et à Saïd Saadi pour les propos irresponsables tenus sur eux, à Radio-Chlef, par l’un de nos comiques locaux. Ce jeune est la victime, comme nombre de jeunes, de l’école fondamentale. On ne peut donc lui tenir rigueur de mal digérer son amertume. Mr Saïd Saadi voudra bien croire que la qualité du discours d’un chélifien est habituellement plus relevée.

K M. B

visualisation: 2 / 79