Nous vous l'avions dit : "L’Algérie en 2016 – 2017, entre la vie et la survie"
Les mêmes pratiques conduisent aux mêmes erreurs. Ainsi, les prévisions de la gestion des affaires de l’Algérie en 2016/2017 ont été bien résumées dans l’intervention de Sellal devant les walis le 29 aout 2015 et le communiqué du Conseil des ministres du 6 octobre 2015.
Bien avant l’approbation du projet de loi de finance 2016, le chef de gouvernement avait reconnu les difficultés que connaîtra la gestion budgétaire 2016 à cause de la baisse des recettes liés à la chute des prix du pétrole. Pour lui, il faut rationaliser les dépenses sans toucher les acquis sociaux. En d’autres termes, sa démarche poursuivra le bricolage managérial sans rentrer en profondeur dans des réformes audacieuses même si elles s’avèrent impopulaires. La logique veut que ces types de réformes le soient ainsi aujourd’hui mais porteront leurs fruits à long terme pour les générations futures.
Il n’y aura pas de grands changements dans la structure des transactions commerciales du pays avec l’extérieur qui restera dominé par l’exportation des hydrocarbures dont le poids sera encore plus important. Il n’y aura ni ajustement, ni protectionnisme pour renforcer les exportations et protéger le marché algérien de l’économie de bazar. Au contraire tout le poids sera mis sur la contraction des dépenses publiques et du fonds de régulation des recettes. Les recettes quant à elles, vont s’appuyer sur une multiplication des taxes tout azimut. C’est la solution de facilité. Il s’agit non seulement d’un « statu quo » mais un grand pas est fait pour y être en profondeur.
En somme, les 9% en moins des dépenses seront prises des projets qui vont être arrêtés ou reportés mais la cadence et le comportement dans le budget de fonctionnement restera la même. Une croissance de 4,6% proviendra de la vente en l’état et du montage sans aucun effort intensif de créativité de notre secteur industriel. Il situe la diversification de l’économie par une attractivité territoriale par un encouragement de l’investissement local. Ce qui justifie son intervention devant les premiers responsables des wilayates considérés comme la clé de voûte pour surmonter cette difficulté. Ces walis sont invités à trouver les voies et les moyens pour promouvoir les investissements publics ou privés, seul gage pour diversifier l’économie nationale. Quant au Conseil des ministres le couvert du développement humain et du bien-être des familles. Ainsi près de 2739,5 milliards de dinars soit 20% du budget de l’Etat seront réservés aux subventions diverses sans restructuration aucune. Les 222 milliards du sucre, du lait, de l’huile et des céréales, celles des 630 milliards des carburants, les 750 milliards du gaz et les 154 autres pour l’électricité soit près de 70% serviront à toutes les couches sociales y compris les plus riches et les industriels. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, il a jugé la baisse de production sur la base des données qui s’arrêtent en 2012 alors que nous sommes en fin de l’année 2015. Ainsi la production des hydrocarbures en Algérie est passée de 233 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) à 187 tep en 2012 avec une légère hausse mais on ne sait pas ce qui s’est passé après. C’est dire le manque de précision sur lequel se fonde la prise de décision. En dépit de l’information transmise par le ministre de l’énergie sur la situation du domaine minier national prospecté à hauteur de 64%, mais couvert qu’à hauteur de 4% par des permis de recherche en partenariat, le conseil des ministres à approuvé le développement du gisement d’Ahnet, exploitation très controversée par la population locale et celle de tout le sud. De nombreux analystes ne comprennent pas comment face à une situation de pénurie de recettes, la démarche gouvernementale consent à renoncer ou surseoir à des projets d’envergure comme l’extension de l’aéroport d’Alger et approuver la poursuite de la fracturation hydraulique pour juste connaitre les potentialités de l’Algérie en gaz de schiste. Ces décisions prises au niveau locales vont-elles être appliquées ? Comment on est-on arrivé là ? Quelle est la tendance des prix du brut en perspective ? Quelles en seront les répercussions sur la conduite des affaires en Algérie ? Y aurait-il une riposte attendue face à la chute des prix ? Quels sont les pistes de certains axes que le gouvernement devra entreprendre au-delà de 2016 ?
Les erreurs s’accumulent et fragilisent l’économie nationale : la genèse Contrairement à ce qu’on oublie de dire dans le discours actuel que les premières années de l’indépendance nationale, l’Algérie ne comptait que très peu sur la fiscalité pétrolière. Les hydrocarbures ont commencé à prendre du poids après la nationalisation pour s’imposer d’une manière définitive avec la réorientation de l’économie nationale du début des années 80. Qu’en est-il exactement ? Il faut rappeler que les années 70 ont connu une période où les hydrocarbures servaient d’assise pour le développement de tous les pôles de l’économie nationale dans l’avènement de ce qu’on appelait industrie industrialisante. Elle visait une approche auto-centrée pour qu’à long terme l’économie nationale ne dépendra pas uniquement du pétrole et ce sera justement le secteur industriel qui prendra le relais. Début des années 80, des technocrates fortement influencés par le modèle américain ont procédé à une destruction sous forme d’une restructuration organique et financière de tout le secteur économique à commencer par celui des hydrocarbures censé servir d’appui aux autres secteurs. Cette approche part du principe que plus l’entreprise est petite plus elle est maîtrisable. Mais en éclatant les grandes sociétés nationales, cela a favorisé une cassure du processus intégré et un effritement du savoir et du savoir-faire capitalisés pendant plusieurs années. Cela a vu des efforts et des sacrifices de toute une génération partir en fumée. La première conséquence : la chute brutale des prix du pétrole conjuguée à celle du dollar de l’année 85 ont trouvé une économie fragilisée, fortement dépendante de la rente pétrolière et un secteur industriel en décadence. Depuis cet échec, maintenant admis par tous, les gouvernements successifs ne cessent d’être contraints par la rue de cumuler erreur après erreur pour entretenir un climat social qui arrange les affaires d’un système né de cette réorientation de l’économie nationale. Le comble c’est à chaque fois qu’on échoue, on tente de mettre cet échec sur le dos de cette période dite dirigiste alors que c’était la seule qui avait pour objectif de sortir le pays de la dépendance des hydrocarbures. Ne sont-ils pas aujourd’hui en train de conduire le développement économique en naviguant à vue ? Le gouvernement souffle le chaud et le froid tout en évitant les réformes impopulaires. Le gouvernement fait du surplace car tous les leviers de commande lui échappent.
La fragilité de l’économie nationale est telle que tout repose sur les cours des prix du pétrole dont la baisse semble se maintenir dans la durée. A un mois d’une dure année, les mauvaises nouvelles non seulement s’entassent mais laissent très peu de manœuvres aux nouveaux membres du gouvernement pour préparer des correctifs dans la loi des finances 2016 lancée en grandes pompes par le premier ministre pour réorienter le cap de sa démarche. La baisse des recettes des premiers mois de 2015 frôle les 40% si l’on se redressé aux chiffres de 2014.Les hydrocarbures ont ramené en 2015 près de 43% de moins qu’en 2014 et la tendance n’est pas optimiste. Les efforts entrepris en urgence pour limiter des importations d’environ 10% par rapport à 2014 n’ont pas pour autant redresser la balance commerciale qui dérive vers son déficit de mois en mois.
Rabah Reghis, économiste pétrolier
"Algérie : ce qui nous attend en 2016 -2017 avec des textes de Mohamed Benchicou", publié par Marguerite Editions et le Matin d'Algérie est disponible en Algérie
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merci
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