Confusion des concepts !

Le monde musulman confronté à la modernité.
Le monde musulman confronté à la modernité.

Dans un essai très remarquable intitulé "Age of anger" ayant défrayé récemment la chronique, l'intellectuel indien, Pankaj Mishra, aurait remis en question l'idée de la modernité, en s'opposant à ceux qui disculpent "l'idéologie libérale" des maux dont souffre le monde actuel (terrorisme, xénophobie, racisme, etc.).

Globalisé, celui-ci est pris, selon lui, dans les spasmes ainsi que les convulsions de la technologie et d'une organisation interétatique complexe où la violence s'est institutionnalisée, puis légitimée. Du coup, le nationalisme culturel, le culte des frontières, l'intégrisme religieux, le progressisme, le terrorisme, le fascisme, etc., ne sont, paraît-il, que les pâles symptômes de l'ère lointaine des lumières. D'ailleurs, ce furent, argumente l'auteur, les concepts modernistes forgés par une minorité d'aristocrates européens du XVIIIe siècle, devenus par le biais du capitalisme, l'urbanisation et l'industrialisation massive, universels au XIXe siècle, qui étaient à l'origine des deux guerres mondiales ! Bien plus, beaucoup d'écrivains de cette époque-là, se réclamant tous pourtant de la modernité, avaient soutenu des despotes accrochés au pouvoir et encouragé, parfois, la machine répressive que ceux-ci ont mise en branle.

Quoique adepte de l'humanisme des lumières, Voltaire (1694-1778) fut, par exemple, fasciné par la tsarine Catherine II la Grande (1729-1796) qui avait industrialisé de force la Russie au détriment des couches pauvres de la société. Il l'a même conseillée d'envahir l'empire ottoman pour, soi-disant, "donner une leçon" aux musulmans.

Quant à l'anarchiste Mikhaïl Bakounine (1814-1876), bien que voulant défendre les déshérités du prolétariat, il fut influencé par l'idéologie du "matérialisme historique", génératrice de la violence et du chaos. Puis Theodor Körner (1791-1813), le poète allemand, n'a-t-il pas appelé, lui aussi, de tous ses vœux en 1813 à la guerre sainte contre les troupes militaires de Napoléon Bonaparte (1769-1821)? Ce qui fait que la notion du "djihad", trop galvaudée de nos jours par les médias en Occident ou ailleurs, n'est pas seulement propre, comme tendent à nous convaincre certains analystes, à l'islam mais aussi à cette modernité laïque des lumières ! Laquelle aurait, en effet, hérité du reliquat à la fois religieux et guerrier des Croisades du Moyen Age. Chose qui explique, peut-être, pourquoi "l'universalisme séculier" prôné par les Français ne fut pas du goût des Allemands !

Considérés comme "arriérés" dans tout le Vieux Continent, ces derniers ont construit une "nation tardive" du point de vue idéel, mais auraient réussi à force de travail et de réformes courageuses à se rattraper, puis à devancer en si peu de temps beaucoup de nations européennes. Toutefois, si l'Allemagne de cette ère-là ressemblait en bien des aspects à ce bloc oriental (le monde musulman de façon générale) dans son opposition à l'hégémonie occidentale, il n'en reste pas moins loin sur le plan d'innovation et des idées !

Diminué de l'effort de l'"ijtihad" au sens de l'exploitation de l'intelligence et du génie humain pour la compréhension du texte sacré, le monde musulman semble sacrifier aujourd'hui le pari civilisationnel sur l'autel d'un copier-coller aussi rudimentaire que sauvage des préceptes d'une modernité occidentale mal adaptée au contexte compliqué dont ses sociétés sont tributaires, hélas !

Kamal Guerroua

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Commentaires (9) | Réagir ?

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Service comptabilité

merci

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fateh yagoubi

meciiii bien

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