Belkacem Boubchir : une victime du système de santé algérien

Belkacem Boubchir : une victime du système de santé algérien

Cela fait un an que nous pleurons la disparition brutale et incompréhensible de notre cher père Belkacem Boubchir, un grand homme connu et respecté dans sa ville natale Tizi Ouzou.

Sa ville Tizi Ouzou pour laquelle il a consacré plusieurs années de service, de sacrifices physiques et familiaux pour le bien-être de ses citoyens. Oui sa ville Tizi Ouzou, son pays l’Algérie avec son système à qui il a fait confiance et pour qui il a malgré nos supplications il a confié sa santé et sa vie, pensant qu’il avait affaire à des professionnels de parole à la hauteur des titres qu’ils portent fièrement, alors qu’il avait tous les moyens et les opportunités nécessaires pour ne jamais faire affaire à eux. Oui il le pensait ...

Dans le courant du mois de juillet et début août 2016, nous avons échangé plusieurs fois avec notre père au sujet de son état de santé. Après une série d’examens et après plusieurs vas et vient vers l’hôpital Belloua et malgré un bilan de santé impeccable, notre père a donné son accord pour que l’on lui pratique une biopsie, croyant à une simple formalité essentielle pour la vérification de son état de santé.

Ce fut pour notre père un vrai parcours du combattant, étant donné la batterie de tests demandés et le manque de moyens médicaux dans cet hôpital dépourvu même de l’oxygène médical utilisé normalement en salles d’opération lors des interventions et des traitements. Pourtant, nos docteurs en médecine vous diraient sûrement qu’on ne saurait plus concevoir d’hôpital sans système fiable et performant de distribution d’oxygène médical.

Les matins du 7 et du 8 août, notre père s’est présenté à l’hôpital Belloua, tel que convenu avec son médecin pour sa biopsie, mais il a été prié de repartir pour manque d’oxygène médical. Le matin du 9 août, notre père reçoit la confirmation de la disponibilité de l’oxygène et sa biopsie est confirmée pour le lendemain.

Le 10 août à 11h du matin, notre père est finalement admis à l’hôpital Belloua sous les bons soins d’un supposé professeur en médecine en qui il avait une totale confiance. Une simple formalité qui s’est soldée à 18h du même jour par l’ablation d’un de ses organes vitaux et tout cela non loin de notre mère qui attendait patiemment dans le couloir et qui voyait ces professionnels de la santé aller et venir devant elle. Oui, il a suffi de peu de temps à ses professionnels de la santé pour décider de pratiquer une intervention aussi importante que dangereuse qui touchait une région très proche du cœur de notre père, sans jamais prévenir notre mère qui était loin de se douter de l’état dans lequel notre père se trouvait. Elle croyait encore naïvement voir notre père sortir avec un simple pansement à l’endroit de la biopsie prévue.

Durant la nuit du 10 au 11 août notre père a survécu à l’intervention malgré le manque de suivi post-opératoire et le manque de supervision médicale et notre mère a eu la chance de lui parler le matin du 11 août. Nous sommes restés confiants puisque nos recherches faites sur l’espérance de vie des personnes opérées ailleurs dans le monde vivant suite à une telle intervention étaient rassurante, nous ne savions pas encore à ce moment-là dans quel genre de chambre d’hôpital notre père tentait de récupérer de cette grosse intervention ; une chambre sans aucun équipement et sans aucune supervision médicale. Sachant les risques post-opératoires après une telle chirurgie, aucun médecin n’était de garde ni cette nuit-là, ni le matin qui a suivi, personne pour surveiller l’état de santé de notre père et personne pour vérifier ses signes vitaux.

Vers 7h30, ce matin-là en essayant simplement de se redresser, notre père a eu un arrêt cardio-respiratoire sous les yeux de notre mère et de notre jeune sœur et en l’absence d’un médecin. Vous serez peut-être surpris de savoir que le premier quart de travail des médecins de l’hôpital Belloua ne commence qu’à 8h30 du matin. La vie de notre père s’est malheureusement retrouvée entre les mains d’un simple inconnu qui accompagnait son parent malade pratiquant le massage cardiaque pour essayer de maintenir notre père en vie.

Pendant ce temps, la seule infirmière présente sur les lieux courait en panique et criant qu’on lui apporte la clé de la pièce où se trouvait enfermé le seul défibrillateur du service.

Plusieurs minutes décisives et vitales sont passées sans l’intervention d’un médecin qualifié. Dans une panique générale et une anarchie totale notre père a été retourné en salle d’opération, puis transféré 3h plus tard à l’hôpital Nedir-Mohamed dans une ambulance qui n’en avait rien d’une, simplement pour faire croire à notre famille qu’il y avait encore de l’espoir nous mobilisant pour des dons de plaquettes sanguines alors que le nom de notre père ne figurait sur aucune liste des personnes qui allaient être transfusées.

Pour réussir à maquiller les manquements de l’hôpital Belloua, notre père a été déclaré décédé le matin du 12 août à l’hôpital Nedir-Mohamed et toutes les expertises qui ont suivi ont mis l’accent exclusivement sur l’hypothétique état de santé de notre père, notre père qui quelques jours auparavant finalisait encore des travaux de construction et de peinture dans notre maison, notre père qui pendant plusieurs jours courrait les hôpitaux et les laboratoires pour passer tous les examens possibles et nécessaires pour la vérification de son état de santé, notre père qui s’est rendu lui-même et seul à plusieurs reprises à l’hôpital Belloua insistant pour qu’on lui pratique la biopsie fatale.

Le non-professionnalisme du personnel de santé de l’hôpital Belloua en qui notre père avait malheureusement confiance, a précipité sa disparition nous privant à jamais nous ses enfants et petits-enfants du seul père et grand-père que nous n’aurons plus jamais.

Peut-on nous expliquer dans quelle genre de société un médecin qui a prêté serment peut-il enlever une partie vitale d’un organisme sans prévenir un membre de sa famille ? Comment peut-il pratiquer une chirurgie aussi grave sans garantir le suivi post-opératoire de base nécessaire et obligatoire ? Comment peut-il pratiquer la moindre chirurgie tout en sachant que l’hôpital où il exerce ne possède pas de salle de réanimation ni de salle de soins intensifs ? Quel médecin permet que l’on garde sous clé un équipement de base tel qu’un défibrillateur cardiaque ?

Peut-on nous expliquer comment un juge, comment un médecin indépendant qui fait une contre-expertise, et comment toute une société peut fermer les yeux sur de telles pratiques archaïques et anarchiques, comment peut-on jouer ainsi avec des vies humaines ? Reste-il encore dans ce pays un peu de conscience professionnelle ou les gens en Algérie sont-ils devenus de simples numéros de dossiers, un grand laboratoire de cobayes sur lesquels on apprend ce qui n’a pas été enseigné à l’université en espérant que le prochain numéro survivra ?

Nul doute que les médecins algériens seraient les premiers à se méfier du système qu’ils ont eux-mêmes mis en place lorsqu’il s’agira de leur propre santé ou de la santé des personnes qui leurs sont chères, ils s‘orienteront sûrement vers les sociétés étrangères qui appliquent de vrais protocoles, une réglementation sérieuse et sévère, des professionnels consciencieux à la hauteur de leurs engagements et de leurs diplômes, ils ne confieront jamais leur santé à un hôpital qui reste plusieurs jours sans système fiable et performant de distribution d’oxygène médical, ils n’iront jamais se soigner dans un hôpital dépourvu d’équipement médical fiable et disponible, encore moins dans un hôpital qui pratique des opérations chirurgicales sans avoir une salle de réanimation ou de soins intensifs. Il ne s’agit là que d’un simple bâtiment qui est loin de rentrer dans la définition d’un hôpital. Tout le monde sait, aujourd’hui, que les médecins de notre pays qui usent et qui abusent de leurs pouvoirs et de leurs incompétence ne se verront jamais offrir un poste dans les hôpitaux des autres pays, sans qu’on leur demande de retourner sur leurs chaises d’école et revoir jusqu’aux notions les plus basiques de leurs profession.

Chose certaine, à la hauteur de la réputation que nous leurs connaissons, les yeux des décideurs de ce pays sont recouverts par de généreuses compensations, ils ne se sentent pas concernés par ce système qui est loin d’être prêt à changer. Notre regretté père est un cas parmi tant d’autres victimes tués dans les hôpitaux de ce pays, d’autres victimes auront malheureusement le même sort et notre expérience nous a prouvé que personne ne peux rien y faire.

Les enfants de Belkacem Boubchir

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Commentaires (5) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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adil ahmed

merci

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