Les walis-ministres ou l’échec recommencé ?

Abdelmalek Boudiaf, ancien wali, c'est l'exemple d'un ministre qui a échoué cumulant les casseroles.
Abdelmalek Boudiaf, ancien wali, c'est l'exemple d'un ministre qui a échoué cumulant les casseroles.

Un bon joueur, dit-on, ne fait pas un bon entraîneur. Tout comme un wali fût-il remarquable, ne fera pas forcément un bon ministre.

Quatre walis viennent d’intégrer le gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune. La pratique n’est pas nouvelle mais, ce qui apparaissait jusqu’alors comme exceptionnel est devenu une tradition à chaque remaniement gouvernemental.

Leur nomination n'obéit pas à des principes fixes. D'ailleurs, il n'existe nulle part et, a fortiori, dans la fonction publique, un profil de carrière-type, contrairement à l'entreprise où l'actionnaire principal désigne son dirigeant, ce qui n'a en soi rien de scandaleux.

Déjà et au départ, la façon dont ils sont désignés relève de la plus grande opacité. Quelqu'un disait que la sélection des promus reste indéchiffrable : elle participe de l'illisible et de l'invisible !

Pour couper court à toute spéculation, on met en avant le principe du pouvoir discrétionnaire qui échoit à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui n'a pas à justifier son choix. D'ailleurs, dans le communiqué qui est rendu public, il n'est expliqué ni le choix ayant présidé à la désignation, ni le motif justifiant la mutation, encore moins la nature des griefs prévalant à la cessation de fonctions des walis. Quant à leurs bilans, ils ne sont ni publiés ni publiables, ce qui rend impossible toute évaluation citoyenne.

Quels sont réellement les critères d'évaluation d'un wali ?

1. On parle de logements réalisés, des PME/PMI créées, des zones d'activités réceptionnées, des écoles et lycées équipés, ou encore de postes de travail ouverts

2. Est-ce vraiment raisonnable d'additionner ces éléments, un à un et de les imputer comme seules prouesses d'un seul homme, fût-il wali ?

Assurément non, dans le sens où il s'agit d'une œuvre collective à laquelle participent, d'amont en aval, tout ce que compte la wilaya comme personnels technique, administratif et d'encadrement, sans omettre les élus et surtout les services de sécurité, sans lesquels on ne peut parler de développement local, si l’on tient compte du fait qu'il subsistait encore dans un passé très récent, certains points du territoire inaccessibles aux entreprises de réalisation.

Le conférencier international, Mohamed Laïchoubi, qui a été lui-même wali, puis ministre et ambassadeur se plait, d'ailleurs, à le répéter : « une œuvre n'est qu'un recommencement itératif et perpétuel d'une autre œuvre à achever ; elle n'est jamais terminée en termes absolus. S'agissant d'un tout, d'un programme, d'un plan de développement, il ne peut y avoir que des phases, des niveaux ou des tranches à réceptionner. On achève celles qui ont été lancées par les prédécesseurs, d'autres finissent celles qui ont été relancées par ceux auxquels ils ont succédé à la tête de la wilaya et ainsi de suite ».

Prétendre s'approprier la paternité d'un programme de 20 000 logements, d'un tronçon routier, d'un aéroport, d'un hôpital, voire même d'un barrage hydraulique, participe non seulement de l'usurpation mais certainement aussi de la mauvaise foi !

De ce qui précède, la formulation la « réalisation du wali» est à prendre sous toute réserve et, en tous les cas, pas comme un critère de sélection.

Quel serait, alors, le profil du wali idéal? Un journaliste s'est interrogé dans ce sens: "N'a-t-on pas dans nos escarcelles des grands corps d'Etat, des walis à même d'égaler dans la créativité œuvrière ceux ayant marqué les annales françaises tels Berthelot de Rambuteau, qui est à l'origine du projet de la grande avenue des Champs Elysées, ou Eugène Hausmann promoteur de la chaussée et des trottoirs de Paris ?". Pas de réponse, mais il n’en demeure pas moins qu’avec l’arrivée d’Abdelmalek Sellal à la tête du gouvernement, les walis sont entrés au gouvernement en nombre sans cesse croissant.

Il y a eu, tout d’abord, Nouria Zerhouni et Abdelkader Kadi nommés respectivement au ministère du Tourisme et de l’artisanat et au ministère des Travaux publics. Expérience non concluante, qu’on peut résumer comme suit : "trois petits tours et puis s’en vont !".

On pensait, alors, que les pouvoirs publics allaient renoncer à rechercher des ministrables dans la filière des walis. Il n’en fut rien et à la surprise générale Mohamed Ghazi, Abdelmalek Boudiaf, Abdelouahab Nouri et Abdelkader Ouali ont intégré le gouvernement.

Le premier nommé a été placé à la tête du ministère chargé de la Réforme du service public : ça sera un "ministère transversal" qui se nourrirait des propositions qui seront portées par les départements ministériels et les institutions concernées, a affirmé Abdelmalek Sellal, lors de la cérémonie d’installation de Mohamed Ghazi. A la surprise générale, le ministère a été supprimé à la faveur du remaniement ministériel qui s’en est suivi et son titulaire qui, pourtant, n’avait aucun bilan à faire valoir, s’est vu attribuer le portefeuille du ministère du travail à partir duquel il a réussi le tour de force de s’aliéner et de mettre à la rue, l’ensemble des syndicats à la faveur de la très contestée "loi sur la retraite". N’étant pas à

l’évidence l’homme de la situation, surtout pas l’ « expert" qui serait en mesure de porter "le code du travail", il a été débarqué.

Le deuxième wali à être nommé ministre, c’est Abdelmalek Boudiaf. Pour tout le monde, notamment médical, ce n’était pas l’homme de la situation. Contesté par toutes les corporations du secteur, il a tenu bon malgré le scandale du fameux « RHB ». Son limogeage a été accueilli avec soulagement.

Abdelouahab Nouri, quant à lui, après avoir été nommé au ministère de l’hydraulique et des ressources en eau a atterrit à la tête du ministère du tourisme et de l’artisanat. N’étant pas expert en la matière, il a contribué par son manque d’imagination au grand gâchis touristique qui fait, par ailleurs, le bonheur de nos voisins de l’Est et de l’Ouest et qui à inscrire en lettres noires sur le registre des faillites de l’Algérie indépendante. Le nom des ministres qui l’ont précédé et qui ont mal géré le secteur et contribué à sa ruine aussi !

Abdelkader Ouali après un passage éphémère au ministère des travaux publics s’est retrouvé au ministère de l’Hydraulique et des ressources en eau sans pour autant faire avancer les questions de "tri sélectif" des déchets et des milliers d’emplois qui en découleraient, de réalisation de "retenues collinaires" là où le relief le permet, d’éradication des "décharges sauvages" et d’"envasement des barrages". Avec son collègue de l’agriculture, il avait également l’objectif de valoriser les terres irrigables et de porter leurs surfaces à 1 million d’hectares, conformément au programme du président de la République. Les deux ministres ont payé cash leur défaillance malgré leur allégeance.

De ce qui précède, peut-on encore prétendre que la filière des walis reste, malgré tout, un vivier de compétence ? Oui, semble-t-il, car malgré les échecs successifs de tous les walis cités supra, on continue en haut lieu à puiser dans le corps ! Et de les affubler de technocrates. Alors qu’ils ne sont que des grands commis de l’Etat qui ont, pour la plupart, "touché à tout" sans être pour autant experts dans un domaine précis.

D’ailleurs et dès l’annonce de la formation ministérielle d’Abdelmadjid Tebboune, les observateurs se sont précipiter à parler d’un gouvernement de technocrates. Evidemment, ce n’est pas vrai, même si certains ministres comme Abderrahmane Raouya, Mustapha Guitouni, Mourad Zemali et Mokhtar Hazbellaoui entre autres peuvent se revendiquer comme tels.

Dans un gouvernement de technocrates, ce sont ces derniers qui décident de tout et restent impuissants devant les problèmes de société ! L’idée d’une technocratie demeure pourtant hypothétique, même si des nations ont, par le passé, été considérées comme soumises à une forme de gouvernement des experts.

Pour fermer la parenthèse, le phénomène semble aussi facile à expliquer que la théorie de la relativité d’Einstein, expliquait un politologue.

En tous les cas, pour le premier ministre Abdelmadjid Tebboune, c’est clair : il a d’emblée précisé les objectifs qui lui sont tracés à travers le triptyque "habitat-éducation-santé". En d'autres termes, il a décidé de mettre le citoyen au centre des préoccupations de son gouvernement et les walis d’Oran, Annaba, Blida et Tlemcen se sont vus confier des portefeuilles importants, ce qui va relancer la course pour accéder au gouvernement. Leurs collègues encore sur le terrain vont redoubler de zèle notamment lors des élections pour essayer d’atteindre les scores à même de plaire au pouvoir et espérer, ainsi « décrocher le pompon ».

Nonobstant une rente importante, les walis continuent à gérer le quotidien par des méthodes qui gagneraient à être revues, car elles se caractérisent par un sérieux déficit de communication, malgré les exhortations du président de la République, qui aimerait les voir investir le terrain en managers du développement, en médiateurs de la République et, surtout, se rapprocher de la population tout le temps et non pas le temps d'une visite officielle.

En fait, il faut assigner aux responsables des collectivités locales des "objectifs" et les évaluer sur la base des "performances réalisées", loin des subventions d'équilibre octroyées jusque-là très généreusement par les pouvoirs publics. Il faudrait pour cela, crise oblige, rogner sur les budgets, reporter des projets non prioritaires et surtout chercher de l'argent pour investir et créer de l'emploi localement.

Un bon joueur, avions-nous affirmé au tout début de cette contribution, ne ferait pas un bon entraîneur. Zinedine Zidane vient de prouver le contraire en remportant pour la 2ème saison la coupe d’Europe des clubs.

Noureddine Bedoui, le seul wali qui a été reconduit dans ses fonctions ministérielles a aussi démenti l’adage pour avoir réussi le choc de simplification des procédures administratives, la mise en œuvre du passeport et de la carte d’identité biométriques, ainsi que la numérisation de l’état civil ; il doit faire face, toutefois, à un énorme défi consistant à réformer les finances et la fiscalité locales.

Pourra-t-il le faire sachant qu’il ne dispose pas des Ronaldo et autres Benzema susceptibles de l’aider à gagner ce pari ?

Cherif Ali

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Commentaires (8) | Réagir ?

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algerie

جزاكم الله خيرا

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youcef hamidi

merci pour les informations

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