Emmanuel Macron fait sa "révolution" pour éviter la Révolution !

Emmanuel Macron et son épouse. Crédit photo : François Navarro.
Emmanuel Macron et son épouse. Crédit photo : François Navarro.

Les effets pervers de la mondialisation malmènent les économies du monde y compris celles de grands pays comme les Etats-Unis et la France. Ces deux pays tentent de "résister", chacun en fonction de sa puissance et de son histoire.

Les USA, c’est bien connu, sont une puissance économique et militaire inégalée. Historiquement, ils sont une nation qui s’est construite sur le massacre des Indiens. Quant à leur violence étatique, elle est habillée du manteau du droit à la force, une arrogance que procure la puissance assurée de l’impunité. Ainsi, grâce à ces deux facteurs, l’Amérique de Trump ne veut nullement se soumettre ni aux lois du pays ni respecter les règles des relations internationales. D’où sa guerre avec le monde entier, faire plier ici le Mexique, ailleurs la Chine et pour finir, interdire l’entrée aux "pauvres" immigrants qui "prennent" le travail de l’Américain moyen.

La France de Macron n’a pas les mêmes moyens pour imposer ses vues. Pays qui a été labouré par une longue histoire faite de guerres et de révolutions, la France a fini par apprendre à composer avec les réalités du monde. Comme ce pays, paraît-il, ne se réforme que par des révoltions et comme celle-ci n’est plus à l’ordre du jour, il lui faut trouver, inventer un autre chemin pour débloquer la situation. Et depuis la révolution de 1789, la France a accouché d’une république pour "négocier" le tournant historique qui s’impose à elle. Exemple, ce pays vit donc depuis 1958 sous une constitution pensée et exposée en 1946 à Bayeux par Charles De Gaulle qu’il n’a pu mettre en pratique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il profita de son retour au pouvoir durant la guerre d’Algérie pour imposer ladite constitution (la cinquième) en rupture totale avec les précédentes.

Cette nouvelle constitution encadrait les institutions et le fonctionnement des partis politiques qui faisaient subir auparavant des crises chroniques au pays durant la 4e république. La nouvelle constitution donnait un pouvoir démesuré au président de la république qui permit à ce dernier de régler le problème de la guerre d’Algérie. Elle permit aussi à la France, jadis pays agricole, de se lancer dans l’industrialisation pour devenir une grande puissance économique et militaire (arme nucléaire). De Gaulle parti, ses successeurs surent utiliser "sa" constitution pour réguler la vie politique et économique. Mais cette 5e république avec le temps devint une "monarchie républicaine" qui engendra beaucoup de blocages dans la société. Les institutions se "lézardaient", passage du septennat au quinquennat. Le monde bougeait, la société se transformait, l’Histoire envoyait des signaux d’alerte mais le petit monde des partis politiques ronronnait en s’accrochant à leurs vieilles habitudes, à leurs certitudes. Ils continuaient à ignorer les profondes fractures de la société les réduisant à de simples crises passagères. Ils persistaient à chanter la rengaine de la mort des idéologies et de la lutte des classes.

La sentence du tribunal invisible tomba comme un couperet lors des dernières élections. Les vieux partis au pouvoir (PS) ou dans l’opposition (les Républicains) furent laminés. Le danger pour le système constitué par l’extrême droite et le Front de Gauche (France Insoumise) apparaît alors au grand jour. Si le danger n’a pas été détecté par ces vieux partis, en revanche la classe "invisible" et dominante dans la France d’aujourd’hui, en l’occurrence la Finance se mobilisa. Et voilà qu’un Macron, banquier de son état, ex-ministre de l’Economie sorti de nulle part, va être lancé sur le marché de la conquête du pouvoir. La machine du marketing politique se met en branle à la vitesse de la lumière. Son programme politique baignant dans le flou, on fit appel aux lieux communs pour faire son portrait : on loua sa jeunesse, son intelligence, bref on élabora une sorte de récit romanesque qui plait toujours à une catégorie d’électeurs et notamment ceux qui se méfient de la politique.

Macron est donc un "nouveau" Napoléon (jeune et brillant comme le vrai Napoléon qui balaya le pouvoir révolutionnaire) qui arrive à la tête de l’Etat à la hussarde. Pour quoi faire ? Pour dynamiter les vieux partis en abolissant les barrières entre la droite et la gauche. Son gouvernement sera donc composé de gens venus de la droite et de la gauche et cerise sur le gâteau, de la société civile. Pacifier donc le champ politique pour contenir le danger aussi bien de l’extrême droite que des luttes populaires qui rappellent que l’idéologie et la lutte des classes labourent encore le paysage politique du pays. Pour atteindre cet objectif majeur, il lui faut adopter des mesures pour faire baisser la méfiance à l’encontre de l’Union européenne, rendre moins douloureux les effets de la mondialisation (dus aux délocalisations des usines), réformer le code du travail pour rendre compétitif les entreprises etc… Enfin, il lui faut donner l’impression de "démocratiser" les instances de l’Union européenne en luttant contre la bureaucratie de Bruxelles et en rapatriant sur le sol national certaines décisions prises à Bruxelles.

Emmanuel Macron veut donc faire "la révolution" (c’est le titre de son livre qui annonçait sa candidature à l’élection présidentielle). Mais une révolution "pacifique" en profitant de la sclérose des vieux partis, en faisant appel aux nouvelles générations pour qui les contradictions de classes sont des balivernes etc…

Consolider le front intérieur en ouvrant les portes à de nouvelles classes moyennes nées avec l’économie numérique, favoriser la mobilité sociale et géographique en facilitant par la formation professionnelle l’accès aux métiers nés avec le numérique etc… Le deuxième objectif est de "refonder" l’Europe pour éviter l’éclatement de cette union européenne. Un éventuel éclatement de celle-ci rétrograderait la France à un statut mineur face aux géants qui émergent avec les nouvelles donnes de la mondialisation.

La "révolution" de Macron est donc une tentative d’adapter le paysage politique du pays tout en maintenant la constitution de la 5e république qui prend l'eau chaque jour un peu plus. Et c’est là où le bat blesse. Car fatalement les structures de base de l’économie, du social et de la culture vont se trouver à l’étroit dans cette constitution républicaine "monarchique". N’est pas de Gaulle ni Napoléon qui veut. Ces derniers de vrais politiques, lecteurs de Machiavel ont su mettre en pratique les lois du Politique. Macron, le banquier, oublie que la monnaie est avant tout un rapport social et ce dernier obéit aux ressources du Politique et non aux amuse-gueules de la sociologie et du marketing.

Ali Akika, cinéaste

Plus d'articles de : Analyse

Commentaires (5) | Réagir ?

avatar
chawki fali

Thank you very nice article

avatar
gtu gtu

merci bien pour le site

visualisation: 2 / 5