ENTRETIEN. Ali Benouari : "Nous nous approchons du grand soir"

Ali Benouari compte poursuivre Le Monde en justice suite à ses informations dans le cadre du scandale "Panama papers"
Ali Benouari compte poursuivre Le Monde en justice suite à ses informations dans le cadre du scandale "Panama papers"

Ali Benouari, ministre du Trésor sous le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali (1991- 1992) et fondateur de Nida El Watan, parti non reconnu par les autorités, a été cité par le quotidien Le Monde dans le scandale dit "Panama papers". Il donne un éclairage sur cette affaire et annonce son retour en politique.

Le Matindz : Avez-vous eu recours aux services du cabinet panaméen Mossack Fonseca, si oui dans quel but?

Ali Benouari : Je n’avais jamais entendu parler de ce cabinet Mossack Fonceca avant qu’il ne soit cité par les "Panama papers". Il m’est arrivé de créer des sociétés, pour des besoins divers, mais en m’adressant à mon cabinet comptable (fiduciaire) qui compte tous les cabinets de ce genre en Suisse, s’adressant à des "grossistes" tel Mossack Fonseca.

Je ne me souviens pas quel était le but de cette société car ça remonte loin (17 ans). C’était sans doute pour réaliser quelque transaction qui n’a pas abouti. C’est fréquent. Dans le cas justement d’un résultat incertain, le recours aux off-shores est parfaitement indiqué, compte tenu de leur souplesse (ouverture et fermeture dans les 48 heures par tel et faible coût de constitution et d’enregistrement (environ 1500 USD par an).

Vous avez déclaré que les révélations du quotidien français Le Monde sont fausses. Dans quel but ce journal porterait-il des allégations vous concernant ?

Ce n’est pas la responsabilité directe du Monde car il n’a fait que reproduire l’article que lui a soumis Lyas Hellas. L'erreur était de le faire sans vérification, sans doute parce que ce journaliste fait partie du collectif de journalistes qui exploitent les informations brutes des "Panama leaks". La responsabilité de la rédaction du Monde est quand même engagée, même de manière indirecte. La justice tranchera.

Le Monde écrit que votre société off-shore allait servir de paravent à la cession, au profit de Khalifa Bank, des actions qu’il détenait dans le capital de la banque Société Générale Algérie (SGA), que répondez-vous à cette assertion ?

Totalement faux. C’est Fiba Holding Luxembourg qui était porteur des 28% d’actions de la SGA créée en 1997. Et la liste des actionnaires de Fiba est connue car transmise à la Banque d’Algérie par le fondateur de la banque, c’est-à-dire moi-même à travers ma société Ecofinance à Genève.

Fait peu connu, la licence bancaire a été octroyée à Ecofinance. Laquelle a monté le tour de table en faisant venir la banque Société Générale France et la SFI, filiale de la Banque mondiale.

J’ai créé en parallèle Fiba Holding afin de regrouper ses actionnaires à 95% Algériens, tous non-résidents. La plupart étaient des Algériens et essentiellement des cadres bancaires exerçant au plus haut niveau dans des banques à l’étranger. Le but était de rassurer l’actionnaire de référence français en pleine période de terrorisme. Fiba a donc été un instrument très utile, totalement défiscalisé et de droit luxembourgeois.

Allez-vous ester en justice le journal Le Monde ?

Oui.

Vous avez déclaré qu’avec cette affaire, vous comptez revenir en politique. Peut-on connaître votre agenda ?

Remobiliser d’abord, à la faveur de la médiatisation de cette affaire, mes sympathisants, reprendre la structuration de Nida El Watan, et nous préparer pour le jour où il y aura des élections libres.

Vous avez déclaré entre les deux tours de la présidentielle française que Marine Le Pen est la seule capable de relancer les relations algéro-françaises. Comment peut-on croire que la patronne d’un parti héritier des nostalgiques de l’OAS puisse avoir des relations saines avec notre pays surtout quand on connaît ses déclarations sur la colonisation ?

Je vous renvoie à l’article que je devais publier avant l’élection française (et qui est publié aujourd'hui dans CNP News), qui explicite mon appréciation sur ce point. Où je précise que je ne partage absolument pas les idées de Marine Le Pen, comme presque tout le monde. Je ne faisais allusion qu’à sa politique vis-à-vis de l’Algérie. Elle a déclaré en effet à maintes reprises qu’elle souhaitait une refondation véritable des relations. En les recentrant sur un co-développement à même de fixer les populations maghrébines chez elles, ce qui ne peut pas déplaire, car préférable à l’exode permanent de nos populations vers la France. Un exode qui appauvrit notre pays et alimente le racisme. C’est une question de real politique. On peut, à mon avis, s’intéresser à ce type d’offres politiques, sans nécessairement partager les idées du FN. Il ne faut donc pas mélanger les choses. Cette idée que Marine Le Pen pouvait être un meilleur recours qu’Emmanuel Macron n’était du reste envisagée que comme hypothèse. "En désespoir de cause", au cas où Jean-Luc Mélenchon et François Fillon échouaient à passer le premier tour.

Hormis l’abstention massive, qui est sans doute l’élément marqueur, les dernières législatives ont donné des résultats sans surprise. Quelle est votre analyse de ce scrutin ?

Il y a eu une fraude massive, comme d’habitude. La nouveauté étant un taux d’abstention inédit. Ce qui fait des abstentionnistes le premier parti d’opposition du pays. En d’autres termes, nous nous approchons du grand soir. Celui de la désobéissance civile qui fera déguerpir pacifiquement le régime définitivement.

L’opposition traine une incapacité congénitale à se rassembler, à constituer une force de proposition, et en face, les tenants du pouvoir reproduisent les mêmes recettes pour se maintenir. Au milieu, nous avons une population qui vient de tourner le dos au schéma actuel. Comment réconcilier le peuple avec les institutions et sortir de ce piège qui prive le pays d’un fonctionnement normal ?

Par une transformation radicale des institutions. Ce qui signifie d’abord des élections libres, afin de permettre l'expression de programmes qui vont dans ce sens. Tel celui que j'ai présenté lors de la dernière élection présidentielle. Tout doit être réformé. Absolument tout. Afin de doter notre pays d’institutions qui reflètent la jeunesse de sa population, qui prennent en compte les nouveaux enjeux auxquels notre pays est confronté, ainsi que son indispensable ouverture sur le monde. La plus grande tare de notre pays est qu’il s'est trop replié sur lui-même et fermé à toute idée de progrès et de modernité, sur tous les plans : culturel, économique et politique. Ce qui est en complète contradiction avec sa situation géopolitique, son histoire et les aspirations de son peuple.

L'opposition ne reflète pas l’état réel des rapports de forces. Il n’y a donc pas grand-chose à attendre d’elle. Elle est aujourd’hui le reflet du pouvoir, son avatar. Les vraies forces de changement ne peuvent résulter que d’une dynamique de changement, laquelle viendra de la décomposition du système actuel. Ce qui ne saurait tarder au vu de la dégradation inexorable des conditions de vie des Algériens, dégradation couplée avec une prise de conscience extraordinaire, comme en témoigne le taux d'abstention record aux dernières élections législatives.

Entretien réalisé par la rédaction

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Commentaires (13) | Réagir ?

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algerie

merci

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youcef hamidi

merci pour les informations

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