Tamazight : entre constitutionnalité, banalisation et truanderie politique

Tamazight : entre constitutionnalité, banalisation et truanderie politique

Hormis les pays d’Afrique d’expression amazighes où le combat pour le recouvrement de l’identité amazighe n’est qu’à ses débuts, la Libye et le Mali où elle s’affirme de plus en plus dans les faits, le Maroc qui enregistre bien des avancées, en Algérie, qui en dépit qu’elle soit l’élément déclencheur de la revendication identitaire dans Tamazgha (Berbérie), la lutte semble marquer le pas aux niveaux associatifs et/ou citoyens surtout en Algérie.

Cela est-il dû à la fallacieuse prise en charge appuyée par la révision constitutionnelle du 6 mars 2016 qui lui confère, du bout des lèvres, un statut théorique et ambigu de par son imprécision et de l’introduction de l’adverbe "également" dans l’article 4 ? Cette phraséologie est amplifiée par l’absence de référé aux segments cardinaux algériens, tel que le peuple, la nation, l’Etat… Ce qui n’est pas le cas pour la deuxième langue algérienne, qu’est l’arabe élevée au statut de l’unique langue nationale et officielle de l’Etat "art3" par tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis l’avènement de l’indépendance à ce jour sous prétexte qu’elle véhicule la religion qui ne se pratique, dit-on, qu’avec elle. Même d’autres voix en font de même en la sacralisation et en l’instrumentalisant alors que le Coran ne fait référence à aucun rejet d’autres langues, fût-elles étrangères ; bien au contraire, celui-ci parle du plurilinguisme comme source de savoir et dit dans la (- sourate 30 "les Byzantins" - verset n° 22 "et elle est de ses signes, la création des cieux, de la terre et la variété de vos langues et de vos teints. Voilà bien là, des signes, vraiment, pour ceux qui savent")

Face à ce constat de ralentissement militant, à la frilosité et aux non-dits de l’Etat quant à ses intentions réelles à l’endroit de tamazight pour son évolution, sa clarification constitutionnelle et sa mise en application effective même de ce qui est dit constitutionnalisé, certains dans les réseaux sociaux vont, tout en se posant des questions sur cet état de fait, jusqu’à suggérer à ceux qui n'ont plus la jeunesse d'hier de reprendre ou de poursuivre aujourd'hui le combat pacifique qu'ils menaient dans les années 1980.

Que dire et que comprendre de ces messages ? Est-ce un nondit lié aux actions politiques de façades, versatiles et conjoncturelles des pouvoirs ? Une inconnue ou un appel du cœur à la génération d'hier, qu’est la nôtre, qui faisait pacifiquement face aux services de sécurité plus agressifs et plus répressifs, sur tous les plans, que ne le sont ceux reflétés aujourd’hui par un miroir avec une certaine attitude et apparence dite conciliante, posée, tolérante et pacifique. (Martine Aubrey, maire de Lille-France, disait, quand c'est flou c'est qu'il y a un loup !) .

En se référent à l'ardeur du combat antérieur et actuel dans une partie de l’Afrique, notamment dans le Sahel et le nord ainsi qu’au constat visuel effectué dans certains pays hors continent, on pourrait dire que l’action militante du printemps 1980 a été l’élément cardinal qui a permit au bourgeon amazigh d’éclore et de fleurir surtout au Maroc frère où on relève un foisonnement de mouvements associatifs et citoyens actifs.

Quant à l’Algérie, et d’une certaine façon, il y a de quoi se poser des questions aujourd’hui. Doit-on se contenter uniquement des commémorations des deux dates historiques (printemps berbère du 20 avril 1980 et printemps noir de 2001) ? Y a-t-il envoûtement verbeux, fléchissement ou incompréhension du danger face à la banalisation, à la récupération des festivités commémoratives par le pouvoir, au leurre rédactionnel du législateur de la loi cadre, à la négaton sournoise et aux discours trompeurs du fait amazigh tant par l’Etat, ses composantes et ses périphéries que par les adulés de certaines mouvances idéologiques, politiques et autres ?

En effet, en l’absence d’une réelle volonté d’engagement sincère de l’Etat et d’une certaine classe et partis politique, tout n’est que verbiage. Même desdites élections législatives du 4 mai 2017, il en ressort que dans la plupart des régions soit une référence voilée, soit l’absence et/ou l’évacuation totale de tamazight dans le discours ; il en est de même pour l’affichage où il lui est accordée une place symbolique, insignifiante et à peine perceptible pour être lisible même de près. Ce n’est que dans d’autres lieux bien déterminés où il en est fait référence, en termes miel eux, superficiels, et d’alibi de circonstances. Cet émiettement idéologique nuisible au devenir de l’Algérie n’est que le reflet miroir d’une démocratie orchestrée par une caste aux allures douteu ses, variables, dangereuses et nationalistes.

Il est aussi à se demander si la génération actuelle a bien reprit le témoin militant et s’il lui a été bien remit par celle des années 1980, qui est la nôtre ? Ce sont ces questions parmi tant d'autres qu'il faudrait se poser et y répondre car au sens juridique et constitutionnel du terme, même au Maroc, le 2ième paragraphe de l’art 5 de la constitution du 17.06.11, tamazight ne constitue qu’une langue officielle de l’Etat, en tant que patrimoine (vestige) national commun à tous les marocains sans exception; quant à l’arabe, elle bénéficie d’un statut privilégié qui la qualifie dans le 1er paragraphe de son texte de langue officielle de l'état qui œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation.

Pour ce qui est de l'Algérie, tout comme le Maroc, l’arabe bénéficie dans la constitution du 16 mars 2016, d’un statut privilégié qui la qualifie de l’unique langue nationale et officielle tout en précisant que l’arabe est la langue officielle de l’Etat et en y ajoutant dans le texte du référé :"Il est créé auprès du Président de la République, un Haut Conseil de la langue arabe à la généralisation de son utilisation dans les domaines scientifiques et technologique, ainsi qu’à l’encouragement de la traduction vers l’arabe à cette fin".

Tel n’est pas le cas pour tamazight qui bénéficie dans l’art 4 (art 3 de l’ex-Constitution de 2008) de l’actuelle loi cadre du 16 février 2016 d’un statut indéterminé qui ne s’inspire même pas du modèle marocain du fait qu’il lui confère celui de langue nationale et officielle sans aucune précision et qu’il lui est rajouté l’adverbe "également". Cette formulation restrictive se voit confortée par les afférents du préambule (paragraphes 2, 3, 4, 13 et 18) dont certains rappellent ceux de l’ex-Constitution de 2008 qui font de l’Algérie un pays arabo-musulman et une terre arabe ; il en est de même pour l’article 212 (art 178 de l’ex-Constitution) qui exclut tamazight des 8 thèmes auxquels nulle révision constitutionnelle ne peut porter atteinte. C’est ce qui s’appelle truanderie politique. La messe est dite.

Madjid Ait Mohamed

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Commentaires (4) | Réagir ?

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algerie

merci

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moh arwal

Seul le MAK peut décrocher la dignité et la liberté pour le peuple Amazigh en algerie,

Toute autre procédure qui s'en remettrait a la volonté politique d'un pouvoir assassin qui a osé tirer à balles réelles sur des adolescents kabyles en 2001 n 'est que pure illusion. Le pouvoirBouteflikain ou tout autre bougoul, ne lachera jamais du lest a la langue Tamazight et ne consentira mme pas une regionalisation à la RCD ou RPK

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