Lettre ouverte aux "trop-tardistes"

C'était à l'indépendance, quand les Algériens caressaient le rêve de la liberté.
C'était à l'indépendance, quand les Algériens caressaient le rêve de la liberté.

Commentant la contribution “Quand il faut remercier l’adversaire" (http://www.lematindz.net/news/24133-quand-il-faut-remercier-ladversaire.html), Ahmed Djaber écrit : "Est-ce que vous êtes a ce point naïf en pensant que ce régime fasciste va laisser les régions s'auto-gérer et par la même perdre le contrôle? Pour votre gouverne, l'autonomie ou la régionalisation a été pensée en 1962 par des hommes comme Ait Ahmed. Et c'est la sourde oreille du pouvoir qui a poussé les indépendantistes (qui étaient tous algérianistes et même Ferhat Mehenni) après les massacres de 2001, qu'il fallait porter la question a l'ONU et la communauté internationale. Trop tard"

Quand on me pose des questions sociales, je commence toujours par m’adresser à mon meilleur enseignant en la matière : l’histoire, celle passée, dans le monde et dans mon pays. C’est elle qui m’aide à trouver sinon les réponses, du moins des pistes valables de réflexion.

Alors, que dit Madame l’histoire ? Beaucoup de fois ceux qui, découragés et ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez, autrement dit ne percevant que la courte durée dans le temps, se sont résignés à déclarer : "Trop tard !".

Il en fut ainsi de ceux qui vivaient durant l’époque esclavagiste ("Trop tard pour libérer les esclaves !"), féodale ("Trop tard pour éliminer le servage !"), capitaliste autocratique ("Trop tard pour s’affranchir du tsarisme !", "Trop tard pour s’affranchir de l’Empereur en Chine !".

Venons-en à notre Algérie. Durant combien d’années ceux qui, se croyant les plus cultivés et les plus éclairés, n’ont-ils pas déclaré : "Se libérer du colonialisme ?… Trop tard !")

Dans chacun des cas mentionnés, il y eut un groupe, un tout petit groupe de citoyens qui n’ont pas accepté cette mentalité fataliste, quelle soit causée par une vision religieuse ou laïque. Et ce petit groupe a travaillé, de longues années, généralement des décennies, à préparer le changement désiré, sans même être certains de le voir réaliser durant leur vie. Mais qu’importe ! L’important était de ne pas se rendre, de rester des citoyens dignes, c’est-à-dire libres et solidaires.

Et, finalement, le changement espéré et libérateur arriva. Les “utopistes”, les “non réalistes”, les “naïfs”, etc., etc. ont eu raison contre les “réalistes”, les “intelligents”, le “pieds par terre”, etc.

On objectera que les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances… Et alors ?… Est-ce un motif pour donner raison aux “trop-tardistes” ?… Les réformateurs ont accompli ce qu’ils pouvaient ; c’est déjà un grand mérite. Aux autres générations de poursuivre l’action, en l’améliorant.

Quoi, compatriotes ?… D’autres nous ont donné l’indépendance nationale. Ils nous ont fourni la leçon : Jamais dire trop tard !… Par la suite, avons-nous le droit, aujourd’hui, nous de la génération post-indépendance, de répéter "Trop tard !", en acceptant le système social actuel ?… Ne devons-nous pas, comme nos aînés dont nous faisons tellement l’éloge, agir de la même manière ? Autrement dit, quelque soit la gravité décourageante de la situation actuelle, ne jamais dire “Trop tard !”, mais se demander : “Comment agir pour s’en affranchir ?”

Les jérémiades, sous couvert de sagesse “réaliste”, suivies de mépris contre les propositions qui suggèrent des solutions, n’ont jamais servi absolument à rien ; pire, elles ont permis le statut quo et même l’ont justifié. “Trop tard !” signifie : On ne peut rien faire. Autrement dit : le système actuel est trop fort, inchangeable.

Je répète : ce n’est pas moi qui dit le contraire, mais madame l’enseignante l’histoire !… Celle du monde comme de l’Algérie.

Certes, je comprends… Les multiples problèmes sociaux, la surdité des dirigeants de l’État, la complicité des partis dits d’opposition, la trahison des intellectuels, la division du peuple instrumentalisée par des considérations ethnico-religieuses, les menaces fascistes internes et externes, jusqu’aux saletés qui empestent nos lieux publics, certes, tous ces faits causent désespoir et résignation.

Mais, je le répète encore, dans les années 1930-1950, en Algérie, la situation était-elle meilleure ?

Autre question, soulevée dans le commentaire. Peut-on être "à ce point naïf en pensant que ce régime fasciste va laisser les régions s'auto-gérer et par la même perdre le contrôle?"

Bien entendu, non. Ceux qui, de par le monde et en Algérie, ont contribué aux changements sociaux positifs n’ont pas été, eux non plus, naïfs. Ils savaient que les régimes en place n’auraient jamais permis une action tendant à établir plus de liberté et de solidarité pour les citoyens.

Ils ont, alors, réfléchi et trouvé les moyens pour réaliser leur émancipateur but, en dépit de l’hostilité du régime en place.

La plupart des réformateurs l’ont concrétisé par la violence des armes. Les résultats furent décevants. Ils enseignent (encore, madame l’histoire !) que l’action non violente donne de meilleurs résultats.

Dès lors, il faut que les citoyens, notamment les plus éclairés d’entre eux, et les plus courageux, réfléchissent et trouvent les moyens de s'auto-gérer. Oui, s'auto-gérer, en partant de ce qui est possible en vue d’élargir leur action.

Bien entendu, ils arriveront au moment crucial où leurs adversaires, craignant de “perdre le contrôle”, réagiront. Alors, les autogestionnaires ont, de nouveau, à réfléchir pour savoir comment agir, encore une fois de manière pacifique. Comment ?… en recourant, de nouveau, à madame l’histoire : celle des mouvements de résistance civile non violente : Gandhi, Martin Luther King, Aung San Suu Kyi, et, chez nous, les grévistes de la faim, les marcheurs pour les droits civils.

A lire ces indications, certains diront : "Oh ! On a déjà entendu cette rengaine !… Trop tard !"

Eh, bien, il y a des "rengaines" qui demeurent actuelles, parce qu’elles ont montré et continuent à montrer leur efficacité, car les problèmes sociaux ont changé de forme, mais pas de substance.

Alors, chers « trop-tardistes », je vous invite à renoncer à la facile et résignée, pour ne pas dire lâche, proclamation « Trop tard ! », pour vous poser la difficile mais libératrice, pour ne pas dire courageuse, demande : Quoi et comment faire ?… Et permettez-moi de conclure : La première des réponses est de compter uniquement sur vous-mêmes, comme citoyens libres et solidaires.

Voulez-vous deux exemples significatifs ?… Les voici.

En pleine période esclavagiste, dans la civilisée Athènes antique, les esclaves et les femmes étaient interdits d’instruction. Même Platon puis Aristote trouvaient cette ségrégation « normale, naturelle ». Eh bien , il y eut un intellectuel qui accepta dans son école de philosophie des esclaves et des femmes. Il s’appelait Épicure.

Quelques siècles plus tard, un esclave, malgré sa situation déplorable, apprit la philosophie, au point d’inspirer d’autres à devenir libres. Il s’appelait Épictète.

Après tout ce que je viens de dire, déclarer "Trop tard !" ne manifeste-t-il pas une mentalité d’esclave, qui a besoin d’apprendre à etre libre pour jouir de son existence, solidairement avec ses semblables ?

Kaddour Naïmi

[email protected]

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Toufik KLOUL

PAS TROP TARD : CAR MIEUX VAUT TARD QUE JAMAIS

Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme

Bonjour Monsieur, je vous interpelle car je comprends votre détresse mais je n’approuve pas votre position que je respecte totalement.

Je vois toutefois le problème sous un autre angle :

Permettez-moi de vous dire que je suis Kabyle et que j’en suis fier ! que je suis Algérien grâce à ceux des nôtres qui se sont sacrifiés pour que je puisse vivre libre et à ces hommes et ces femmes ainsi qu’à ceux qui sont encore parmi nous je dis : Merci et ce n’est pas assez que de le dire…

Ceux de cette trempe ne tirent pas les ficelles aujourd’hui car si le serment de novembre avait nourri les actes des indus occupants que sont ceux qui ont gouverné depuis 1962 nous n’en serions pas là.

Ces hommes, nous ont entrainé vers l’enfer de l’ignorance et de la violence car en fait au bout du bout la violence et l’ignorance se nourrissent dans la même gamelle.

L’auteur de cet article soutient qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et je le rejoins.

Pour revenir au MAK, je dis ceci : « je comprends qu’au bout du bout cette extrême de la pensée jaillisse, mais je ne l’approuve pas car nous n’avons pas besoin de diviser les Algériens, les autorités et les puissances étrangères (chacune avec ses buts) s’en chargent depuis longtemps.

Alors je vous pose la question suivante : Pourquoi le président du MAK qui a eu le culot, le courage de former un gouvernement KABYLE n’a pas plutôt ratissé plus large en mettant en place une constitution Algérienne qui garantirait l’égalité entre tous les Algériens, hommes et femmes, d’est en Ouest et du nord au sud avec un projet de société digne de notre temps et grâce auquel nous n’aurons pas besoin d’aller chercher chez les autres ne serait-ce que la joie de vivre ?

Pourquoi n’a-t-il pas tout simplement (là où il en est arrivé) crée un gouvernement Algérien pour défier ces vieux routiers de l’arnaque ?

Car pour moi Monsieur l’Algérie est une seule et unique.

Pardonnez-moi, mais j’envie tous ces pays vers lesquels les Algériens migrent pour tenter de s’épanouir.

Alors cessons de jouer le jeu de ceux qui ne veulent de nous que nos richesses. Optons pour des idées constructives pour enrayer ce destin d’opprimés qui ne veut pas nous lâcher !

De grâce grandissons un peu !

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zwen

Qu'est ce que tu n'aimes pas de l'expression trop tard? Tu veux qu'on change de mot, peut être M Kadour?

Le peu de Mathématique que j'ai étudié il y a plus de 25 ans. on m'a apprit que dans la vie, tout est une question de repère et de rapport, dans les mouvements, exemple, on dit: tel objet bouge, dans une direction par rapport à l'autre, ou bien fixe par rapport à un autre objet... (le mouvement relatif).

ça dépend ou on se situe Monsieur Kadour. je suis d'accord avec vous il n'est jamais trop tard. pour les sceptiques qui pensent: " trop tard" pour que la Kabylie accède à son indépendance, je vous rejoint à 100%. il ne faut pas dire trop tard, au contraire il est tant.

Je sais que la séparation est très difficile (le divorce) mais ça reste la meilleur option quand il n y a plus de vie. En d'autres termes c'est un mal nécessaire.

Moi personnellement (peut-être je l'ai dit dans un commentaire sur votre premier article) , la seule option que j'ai trouvé depuis que j'ai compris l'usage du mépris, de la dictature, du racisme du dénie, en Algérie envers les Kabyles. je ne me vois plus, Algérien à part entière. je me sens étranger un sous citoyen dans mon propre pays. je ne suis pas fataliste, je suis ami avec plusieurs personnes des autres régions d’Algérie.

j'ai travaillé dans plusieurs wilaya. mon constat est black, je vais vous avouer quelques choses d'autres: Ce n'est pas les Kabyles qui veulent sortir de l’Algérie, mais plutôt les Algériens veulent nous éjecter de l’Algérie. plusieurs me l'ont dit bien avant le MAK.

Tudert n'tmara y en a marre! ok! certainement les Algériens souffre du régime Algérien. mais je ne vois rien moi, elles sont ou ces organisations sociales ou politiques qui revendiquent plus de liberté ou de démocratie?, mise à part les Kabyles et les M'Zab, que tous les Algériens veulent briser par tous les moyens possibles.

la mafia utilise la police, les gendarmes, les médias tv, radios, les réseaux sociaux, les mosquée. les autres Algériens (intellectuels ou opposants au régime) nous attaquent sur les seuls espaces de liberté qui nous reste facebook, le matindz, tamurt,.. les sites ou des Kabyles peuvent échanger des informations.

je me calme un peu,

Ce que je vous reproche Mr Kadour, Mohand Bakir, Malika Boussouf, Hammou Boumedine, Said Sadi, et compagnie, vous vous adressez essentiellement aux indépendantistes Kabyles, sous couverture (démocrates, progressistes, patriotes,...) ya Monsieur Kadour le problème ce n'est pas les Kabyles, wa c'est la dictature Algérienne.

c'est la première fois je vois des hommes et des femmes unis pour une idée de construire un pays démocratique, Laïque et Libre. aucun Algérien n’adhère à cette idée, tout ce que je vois après, ce sont des voix qui s’élèvent de partout pour briser ce mouvement noble qui va s'inscrire dans l'histoire des générations.

je ne suis pas seul, nous avons lancé pour les partis Kabyles un défis, sortez de la Kabylie, allez y chercher les voix ailleurs en Algérie. monterez nous combien les Algériens aiment votre projets démocraties, et de liberté individuelle, de laïcité et de tolérance.

nous allons abandonner l’idée de la libération de la Kabylie (Oh ma Kabylie pardonnes moi j'ai pêché). je dois m'excuser au près de tous les Kabyles pour ce blasphème que je viens de faire.

tu comprends combien c'est sacré pour nous l’indépendance et la liberté?