L’Algérie est-elle immunisée contre la fraude électorale ?

Depuis l'indépendance, la seule élection crédible est le référendum d'autodétermination de juillet 1962.
Depuis l'indépendance, la seule élection crédible est le référendum d'autodétermination de juillet 1962.

En Algérie, comme dans d’autres pays, chaque jour on constate des délits, on rend des verdicts et on prononce des jugements et des condamnations.

Avec le recul de l’Etat, impulsé par les coups de boutoir du totalitarisme islamiste, et la perversion du sens de ses missions par le pouvoir autoritaire, le nombre de ces délits a explosé durant les deux dernières décennies.

Mais il connaît surtout une autre progression à la faveur des derniers aménagements introduits dans les textes juridiques et législatifs qui régissent le pays.

Au prétexte de protéger les institutions de l’Etat et ses symboles des menaces que l’on prête au pluralisme politique à dessein bien sûr de discréditer la démocratie, ces aménagements tendent à modifier en profondeur l’organisation politique du pays et la nature de l’Etat. Leur nature confuse a en effet ouvert la voie à l’arbitraire, permet de requalifier de délits l’exercice des libertés d’expression et de conscience et fait peser une menace réelle sur la nature républicaine de l’Etat.

En conséquence de ces aménagements, le statu quo est préservé et l’éventail des délits se trouve ainsi élargie à des infractions nouvelles d’atteinte aux institutions, au président de la République et d’atteinte à l’islam, qui sont souvent brandies pour faire taire les voix discordantes.

En ayant déjà conduit de nombreux militants en prison où ils croupissent pour leurs opinions ou leurs confessions, l’arbitraire rendu possible par ces nouvelles dispositions est responsable de cette nouvelle hausse du nombre de délits.

A l’évidence, l’ambiguïté de ces aménagements juridiques ne pouvait être fortuite. Les tenants du pouvoir ont cherché délibérément à se doter d’instruments qui leur permettent de contenir la revendication d’un ordre démocratique qu’ils considèrent comme un péril.

Un fait surprenant toutefois, c’est que dans ce contexte d’initiation à la démocratie pluraliste, l’infraction la plus probable et la plus concrète, celle qualifiée de fraude électorale, n’est toujours pas rentrée dans notre jargon judiciaire et dans la rhétorique de nos magistrats. Malgré en effet le caractère pluraliste du suffrage universel, les médias n’ont fait état à ce jour d’aucun cas de condamnation pour fraude électorale, et cela ne semble étonner personne.

Peut-on alors penser que la fraude électorale, qui touche même les plus grandes démocraties du monde, peut ainsi épargner un pays où des responsables politiques continuent de prospérer du blocage de la démocratie ?

Peut-on croire que la société est si dupe pour se laisser appâter au moyen des leviers qui font le privilège des partis du pouvoir et concéder à ces derniers un verdict des urnes à leur faveur, à la faveur du statu quo, un verdict qui les dispense du recours à la fraude ?

Peut-on croire que les encadreurs de l’opération de vote sont tous si exemplaires ?

Peut-on croire que l’administration est si scrupuleuse dans le respect du principe de neutralité et d’impartialité ?

Ou bien existe-t-il un ordre non écrit qui impose l’impunité pour les auteurs de la fraude électorale ? Le sens du patriotisme n’est-il pas de servir le régime par n’importe quel moyen ?

Ou encore la justice est-elle tétanisée par l’immense étendue de ce phénomène de la fraude ? Cette situation ne va-t-elle pas influer sur le constat qu’auront à établir les observateurs internationaux à l’issue de la prochaine élections législatives ?

En définitive, tout permet de supposer que l’impunité dont jouissent les instigateurs de la fraude électorale obéit à la logique instituée en filigrane de ces nouveaux textes.

Hamid Ouazar (ancien député)

Le 10 avril 2017

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Commentaires (3) | Réagir ?

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walid crsic

Mais il connaît surtout une autre progression à la faveur des derniers aménagements introduits dans les textes juridiques et législatifs qui régissent le pays.

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Massine Ait Ameur

la maguouile la plus evidente se passe au niveaux des consulats et ambassades ou on peut voter pendant toute la semaine! et le soir quand tout le monde est parti sauf le mec de la securite et representant le pouvoir, devinez ce qu'il fait ?? Lol !

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