Liberté pour Fekhar et ses codétenus : la solidarité par empathie ne suffit pas

Kameleddine Fekhar est en grève de la faim depuis le 4 janvier.
Kameleddine Fekhar est en grève de la faim depuis le 4 janvier.

"…Face à nous, un pouvoir liberticide foncièrement opposé au pluralisme et aux Droits humains, qui ne tolère de partis que soumis ou sans ancrage social véritable…. La véritable élite politique est celle qui résiste au souci de soi". Hocine Ait Ahmed

Cela fait deux ans que le docteur Kameleddine Fekhar est en détention à la prison de Al Mani’a, avant d’être transféré à l’hôpital de la même ville. La grève de la faim qu’il a entamée depuis un peu plus de trois mois l’aurait épuisée et, du coup, l’exposerait à tous les dangers. Il risque de payer de sa vie l’audace d’avoir dénoncé la répression des autorités dans la ville de Ghardaia. Son recours à la grève de la faim traduit assurément l’inexistence à la fois d’espaces de libre expression et de dynamique de solidarité agissante dans la société algérienne. Par ailleurs, l’insouciance puérile des uns et l’irresponsabilité des autres enchantent les tenants du totalitarisme dans notre pays qui persistent dans l’arbitraire et l’injustice. Etrangement, ceci ne semble pas interpeler les consciences, particulièrement celles des partis politiques qui, il y a quelques années, avaient fait de la question des droits de l’homme leur credo.

L’insoutenable nonchalance de notre élite, de toutes ces organisations avant-gardistes et autres dirigeants politiques de l’opposition, engourdit les dynamiques de solidarité, la sensibilisation contre les atteintes récurrentes aux droits de l’homme, et promeut la banalisation du risque de mourir pour ses idées en prison, de croupir dans les geôles pour exercice d’un culte religieux diffèrent. Il n’y pas si longtemps, le journaliste Mohamed Tamalt est mort à l’hôpital Lamine-Debaghine de Bab El Oued alors qu’il purgeait une peine de 2 ans pour "outrage à corps constitué" et "atteinte à la personne du président"

La solidarité par empathie ne suffit pas, Il est urgent de se mobiliser autrement pour exiger la libération immédiate de tous les détenus du M’zab. Il est invraisemblable que des élections soient organisées tambour battant dans un climat politique funèbre combinée à de l’intimidation et l’incarcération de citoyens pour leurs opinions ! Cela dégage effectivement l'image hideuse d’un pays où toutes les contradictions se côtoient au grand bonheur des recyclés du système et de tous ceux et celles qui gravitent autour. Toute honte bue, ils nous martèlent que l'Algérie est sur la bonne voie.

Que devra-t-on réhabiliter d'abord, l'acte de voter ou bien le droit à la vie ? Pour le premier, il semblerait que les députés s'en chargent. Quant à la vie, l’ordre établi ne nous laisse aucun choix, il faut attendre la prochaine république, celle que nous ne verrons pas de sitôt. Curieux inversement de l'ordre des choses. Kameleddine Fekhar aura le droit de choisir ses représentants avant celui de vivre librement dans son pays, tel que consacré dans la déclaration universelle des droits de l’homme.

Dans une telle atmosphère, le virevoltant chef du parti FLN, vieux comme Hérode, ne balbutie pas. Il réclame audacieusement le droit au repos» pour le chef de l’Etat, un luxe accordé exclusivement aux dignitaires du régime au moment où Kameleddine brave la mort pour faire valoir ses droits de citoyen libre. Les autorités algériennes portent l’entière responsabilité de ce qui pourrait advenir de sa vie. Cet imbroglio empêtre la nomenklatura dans le déshonneur et nous garde en tête du peloton des dernières dictatures qui sévissent dans le monde.

Il n’est pas encore trop tard pour les partis politiques de la mouvance démocratique, particulièrement le FFS, le RCD, le MDS et le Parti des travailleurs, de redorer le blason. Je ne veux pas croire que vous avez le cerveau dans le ventre, des affidées du système. Ne soyez pas obnubilés par l’illusion d’un changement radical en faisant de la figuration au parlement. L’humanisme et la conviction vous commandent de suspendre votre participation aux élections législatives prochaines jusqu’à la libération des détenus du M’zab ainsi que tous les détenus d’opinions

Une telle réaction de votre part rehaussera certainement votre crédibilité dans toute la société et permettra la régénération de l’espoir pour construire un Etat de droit. Feu Hocine Aït Ahmed nous l’avait déjà rappelé : "La véritable élite politique est celle qui résiste au souci de soi" et le souci de soi aujourd’hui se confond avec la soumission et le renoncement aux acquis démocratiques.

Cid Kacioui

Calgary, Canada

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