"Sors, la route t'attend, mon village en Kabylie 1954-1962", de Slimane Zeghidour

"Sors, la route t'attend, mon village en Kabylie 1954-1962", de Slimane Zeghidour

Une féerie à ciel ouvert C'est le livre d'un homme sage qui se raconte, qui narre l'histoire tumultueuse des siens du côté de cette belle Kabylie des Babors, souvent méconnue, souvent marginalisée.

"Sors, la route t'attend, mon village en Kabylie" qui vient de sortir, en France, aux éditions les Arènes nous plonge dans l'existence difficile d'un village entre 1954 et 1962, tout en nous apprenant plein de choses sur ces rapports ambigus d'amour et de haine entre la France et l'Algérie. Slimane Zeghidour a attendu longtemps pour se confier ; et le temps sait toujours nous offrir le meilleur quand nous avons la patience des anciens.

Avant de devenir éditorialiste à TV5 Monde, l'enfant des Babors a été illustrateur pour Libération, pilote et journaliste dans plusieurs rédactions dont Le Monde, Le Nouvel Observateur, Géo ou encore Télérama. Lorsqu'il voit le jour sur ces splendides montagnes des Kabyles kotamas dont les ancêtres avaient principalement fondé le Caire sous la bannière des Ifatimiyen (la dynastie chiite des Fatimides), la guerre d'Algérie n'a pas encore commencé. Slimane Zeghidour se souvient presque de tout ; sa mémoire est une aubaine dans deux pays où l'oubli est parfois institutionnalisé.

Ainsi ce récit flamboyant et lucide, nous apprend que sept syndicalistes kabyles furent abattus place de la Nation à Paris le 14 juillet 1953 par des policiers au prétexte qu'ils avaient brandi le drapeau algérien dont le premier spécimen avait été cousu par une Lorraine, Emilie Busquant. Avec minutie et une nostalgie apaisée, Slimane Zeghidour fait le portrait de ses parents, de ses cousins et cousines ; il les fait revivre, pour ceux qui sont partis, comme s'ils avaient traversé le monde juste hier, ou avant-hier. Tels de nombreux autres Algériens, Slimane Zeghidour fait l'expérience des camps de regroupement : c'est ici qu'il va entrer à l'école française, tenue par des soldats, c'est ici qu'il commence à comprendre la condition des siens.

El-Ouldja est le nom du village de l'auteur ; c'est un village malheureusement déserté aujourd'hui suite à la guerre contre les civils de 1992 à 2000. Comme si les guerres ne se terminaient jamais dans ce pays toujours à la recherche de lui-même depuis des siècles. En 1945 déjà, le grand-père de Slimane Zeghidour et ses oncles sont obligés de quitter Sétif après avoir perdu leur travail de métayers à la suite des tragiques événements du mois de mai pendant lesquels fut emprisonné durant deux mois le jeune Kateb Yacine. Le cap est alors mis sur Alger mais le répit est de courte durée : le début de la guerre d'Algérie sonne le retour au village ; le père et les oncles de Slimane Zeghidour travaillent alors au barrage d'Erraguene qui vient d'ouvrir.

En 1957, c'est sous escorte militaire que les habitants d'El-Oueldja rejoignent le camp de regroupement d'Erraguene. Une année plus tard, le quotidien du soir Le Monde divulgue le rapport accablant de Michel Rocard sur la vie dans ces camps. En 1960, la famille de Slimane Zeghidour est déplacée dans un autre camp, celui de la Carrière, cinq kilomètres plus au nord.

En 1962, comme de nombreuses familles algériennes, celle de Slimane Zeghidour s'installe à Alger. "Le printemps, dans les Babors, est plus qu'un cycle, c'est une féerie à ciel ouvert, un réveil du bon pied de l'univers", écrit Slimane Zeghidour. "Sors, la route t'attend", fait partie de cette féerie à ciel ouvert, c'est un livre à lire et à relire.

Youcef Zirem

"Sors, la route t'attend, mon village en Kabylie", de Slimane Zeghidour, éditions les Arènes, 2017, 294 pages, 20 euros.

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adil ahmed

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